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Comment se débarrasser de Poutine ?

Par Pseudo

oute la presse fréquentable d'Europe et d'Amérique du Nord semble s'être donné le mot : ce Poutine est un cynique, criminel au Moyen-Orient, agressif et conquérant en Europe, autocratique chez lui. En un mot il est une menace pour la sécurité de l'humanité tout entière ; et pour nous plus particulièrement, le "monde libre", il serait devenu "Comment se débarrasser de Poutine ?T le " danger immédiat.

La cause est entendue. Reste à chauffer les esprits, les mettre en condition, se convaincre qu'on doit entraver l'animal avant qu'il ne devienne un Léviathan, ou pire, ce Hitler qu'on n'a pas su étouffer quand il en était encore temps. L'interrogation est unanime : comment se débarrasser de Poutine ?

L'ennui, dans cette façon partiale et va-t-en-guerre de poser le problème, c'est qu'en l'affublant d'un masque hostile là où il ne nous menace en rien, autant dire en l'installant dans le rôle injuste et infamant du mouton noir, à faire plier indistinctement et sans conditions, on nourrit par réaction sa détermination sur d'autres terrains, où il présente un danger bien réel.

Comment s'en débarrasser, donc ?

Et si on commençait par le respecter un peu... L'image que l'on construit de lui dans nos médias est sciemment détestable, biaisée autant qu'il est possible.

Comment se débarrasser de Poutine ?
E xaminons prioritairement un argument, qui a la vertu d'éveiller en nous des sentiments de compassion, de culpabilité et de honte : au Levant Poutine serait le "boucher d'Alep", protecteur d'un tyran sanguinaire.

A Alep comme dans le reste de la Syrie, il défend une cause qui a sa légitimité et ne fait donc pas de lui un criminel : il apporte une aide stratégique et militaire à un chef d'Etat allié dont le régime, reconnu de longue date - et jusqu'à nouvel ordre - par la communauté internationale, se voit contesté par une subversion armée. Subversion elle-même particulièrement violente bien que disparate, fermée à tout compromis et n'ayant pour objectif que de renverser le pouvoir en place.

Menée par des factions communautaires en conflit les unes avec les autres - aucune ne pouvant prétendre à la moindre représentativité nationale -, cette subversion a débouché sur une guerre civile dont la cruauté est certainement ce qu'il y a de mieux partagé entre les belligérants.

Pour que le désordre dans nos cervelles d'Occidentaux ordinaires soit complet, l'essentiel de ces factions est constitué d'islamistes fondamentalistes - les uns groupés sous l'oriflamme de Daesh, les autres sous celui d'Al Qaïda. Autrement dit, ce que nous désignons comme l'ennemi principal de nos sociétés depuis les attentats djihadistes de 2015, que nous prétendons combattre radicalement au Mali comme à Paris ou à Nice, mais auquel nous devrions nous associer pour abattre Bachar le " satanique " qui, lui, ne nous a jamais voulu de mal ! Comprenne qui pourra...

La Russie, bien avant l'ère Poutine et pour des raisons géopolitiques liées à l'histoire et à ses intérêts stratégiques - raisons méritant ni plus ni moins que les nôtres d'être prises en considération -, soutient le régime baassiste des Assad père et fils, issus de la minorité alaouite.

Ce ne sont pas de "grands démocrates" ? Quels démocrates la région, hormis Israël, a-t-elle déjà fournis ? Recep Tayyip Erdogan, le Turc ami de nos amis américains (en voilà un en tout cas qui sait mater la subversion...) ? Salmane ben Abdelaziz le Saoudien, autre grand ami de nos amis (dont les paquets de bombes sur les dissidents yéménites, contrairement aux bombes russes, ont le bon goût de ne pas réveiller la conscience européenne) ? Nouri al Maliki, le précédent Premier ministre irakien, chiite sous protectorat américain, évincé finalement en 2014 pour hostilité vengeresse à l'égard de ses compatriotes sunnites ?... Chez d'autres chiites, iraniens et alliés de Bachar ceux-là - difficile d'avoir les idées simples en Orient -, on n'aurait guère plus l'embarras du choix s'il fallait débusquer des démocrates à notre convenance...

Les Etats tissent des relations entre eux selon leurs intérêts et leurs ressources, pas selon des considérations morales - même quand celles-ci sont mises en avant. La Russie trouve utile, entre autres, de s'appuyer sur la Syrie ; les Etats-Unis sur l'Arabie saoudite ou la Turquie ; la France sur certains régimes corrompus et tout aussi criminels d'Afrique...

En Syrie, le régime baassiste s'est effectivement dévoyé, dans une large proportion, en clan Assad. La perte d'une partie de ses assises populaires, la dissidence de communautés rivales poussant à la remise en cause radicale du régime, plus récemment la menace fondamentaliste, ont raidi jusqu'au despotisme la réaction des dirigeants. Comment cependant juger ce régime plus tyrannique et venimeux que celui des Saoud ? Ou - plus outrancier encore - l'assimiler aux divagations d'un Kadhafi ? Voire à l'agressivité territoriale d'un Saddam Hussein à l'égard de ses voisins iraniens et koweitiens ?

L'ironie de l'Histoire est terrible quand elle renverse les fronts à ce point : comment oublier que le parti Baas, qui a fondé le régime syrien actuel, s'est construit sur deux idées-forces si chères à nos compatriotes, plus particulièrement à nos dirigeants d'aujourd'hui : laïcité et socialisme ? Et que même si l'esprit initial s'est corrompu au fil du temps, il en reste encore assez de traces dans son avatar du moment pour le préférer, à tout prendre, aux alternatives hideuses qui se présentent. Par quels détours en sommes-nous arrivés, nous les chantres de ces valeurs-là, à nous rallier, dans ce Levant si déroutant, à la cause de leurs plus féroces ennemis, les sectateurs fanatisés d'une bigoterie haineuse, visant à nous détruire à Paris, Londres ou New-York ?...

Pour en revenir au théâtre d'opérations, Bachar el Assad fait ce que tout dirigeant légalement installé dans ses responsabilités ferait face à une subversion porteuse de tant de périls, et menaçant de dislocation son pays tout entier : il jette toutes ses forces dans la bataille pour rétablir l'ordre, la légalité, l'intégrité du pays, et abattre l'ennemi.

Et comme tout autre dirigeant ferait dans le cas d'une menace exceptionnelle, qu'elle soit intérieure ou extérieure, il fait jouer ses alliances. Somme toute, Poutine ne fait qu'honorer un traité d'assistance, comme nous le faisons nous-mêmes, ou l'avons fait si souvent en Centrafrique, au Mali, au Tchad, etc.

Ce sont les " méthodes " qui sont haïssables ? D'une brutalité injustifiée et criminelle ? Elles sont brutales en effet, et même impitoyables à bien des égards. Méfions-nous toutefois de juger haïssables les bombes du " méchant " officiel quand on s'apprête soi-même à assaillir, par le bombardement, la canonnade, le mitraillage une ville de plus d'un million et demi d'habitants. Quelle indécente tromperie trouvera-t-on pour nous faire gober que la prise de Mossoul - puisqu'il s'agit d'elle -, vers laquelle nous nous ruons sous les caméras d'une presse gourmande, se fera avec des bombes, des obus, des pilonnages qui ne tuent que les méchants et épargnent les gentils civils, imbriqués les uns aux autres ?... La coalition menée par les Américains et le régime irakien pour reprendre Mossoul à Daesh, et y éradiquer l'influence du " califat " sur une population majoritairement sunnite, sera ni plus ni moins brutale et meurtrière, quels que soient les mots dont on enrobera la performance, que l'alliance russo-syrienne s'efforçant de reprendre les quartiers est d'Alep à des rebelles mêlés volontairement à la population.

Toutes les guerres, absolument toutes, les guerres civiles plus encore, sont des boucheries contenant leur lot d'horreurs, et ces fameux " dégâts collatéraux " dont on absout si vite son camp mais qu'on qualifie en crimes de guerre chez les autres.

" Boucherie " quand c'est le fait d'un gouvernement syrien soutenu par les Russes, " épopée " quand c'est celui d'un gouvernement irakien installé par les Américains : comment un même combat, mené pour recouvrer à l'identique, dans l'un et l'autre cas, une souveraineté nationale en péril, peut-il être perçu avec des yeux aussi dissemblables et partiaux !

Le dépeceur de l'Ukraine

Comment se débarrasser de Poutine ?
P outine, donc, est le boucher du Levant. Mais il serait aussi notre ennemi, ici, chez nous en Europe.

Examinons cet autre argument qui a la vertu, lui, de nous installer un peu mieux encore sous la bienveillante tutelle de nos grands frères américains : Poutine a agressé l'Ukraine, envahi et annexé la province de Crimée, fomenté et soutenu le séparatisme " ethno-culturel " du Donbass, devenu à son tour une véritable guerre civile ; il fait peser une épée de Damoclès sur la souveraineté des Etats baltes, multiplie les provocations dans nos espaces aériens et maritimes, teste nos défenses ; il mène de fait contre l'Europe une stratégie offensive, agressive, représentant une réelle menace pour sa sécurité.

Tout cela est tellement vissé dans les cranes par des faiseurs d'opinions venus de tous bords, qu'il n'est plus possible d'évoquer sereinement la stratégie des Russes en Europe. Cette vision est pourtant, dans une large mesure, le produit d'une véritable propagande où, comme souvent, du vrai se mêle à beaucoup de faux.

Vrai : Poutine n'est pas un démocrate, au sens où nous l'entendons à l'Ouest. Non point qu'il viole toutes les règles qui font le quotidien de nos régimes : il existe aussi en Russie, actuellement, un pluralisme des partis, de la presse, le recours aux élections pour la désignation des représentants et des dirigeants, une pleine liberté de conscience, une certaine liberté d'expression, une réelle libéralisation de l'économie...

Mais l'autoritarisme " naturel " du nouveau tsar et son noyautage d'institutions et de postes-clés ont instauré un climat peu rassurant, qui rend malaisée voire risquée la pleine et libre expression de ces droits formels par d'éventuels opposants.

Vrai également : Poutine est un patriote, au sens où nous avons pu l'entendre nous-mêmes il y a des décennies quand nous avions encore la fierté de notre pays - attitude qu'il partage d'ailleurs avec la plupart des Américains. Il a été humilié par le rabaissement de la place des Russes dans le monde après la faillite et l'effondrement de l'Union soviétique. Il a une conscience vive du passé millénaire de son pays, de sa culture, et se voit immanquablement comme le restaurateur de sa grandeur.

Mais il voit ça à sa façon, clausewitzienne en quelque sorte, où la force en général, l'assise militaire en particulier, fondent la puissance des Etats. Le calcul stratégique, l'anticipation, la prise de gages et de risques " raisonnés ", l'observation méthodique des rapports de forces, l'art surtout de les évaluer finement, la maîtrise des sources et des voies d'approvisionnement, sont ses moyens d'actions.

Vrai encore : Poutine a effectivement des prétentions territoriales. Par formation, par goût ou par tradition, il accorde une attention obsessionnelle au facteur géographique. Or il n'a pas digéré qu'à la suite de la dislocation de l'URSS ses prédécesseurs aient laissé les " marches " occidentales de l'empire slave, cette zone-tampon de la Baltique à la Mer Noire entre la Russie et l'Europe germanique et latine, se faire aspirer par le camp occidental - jusqu'à, pour certaines d'entre elles, intégrer l'OTAN, l' Adversaire avec un grand A. Provocation suprême et ligne rouge à ne pas dépasser, vu du côté russe.

Et c'est là qu'il faut s'arrêter un instant, et inciter les va-t-en-guerre à se calmer - ou démonter leur propagande belliciste, où le faux vient supplanter le vrai :

L'Union européenne, poussée par les Etats-Unis et leur aiguillon britannique, est la première responsable du désordre ukrainien actuel .

Elle a encouragé, si elle ne l'a pas directement suscité, le coup d'Etat fomenté en 2014 contre le gouvernement légitime de Viktor Ianoukovitch. Celui-ci avait l'insigne tare d'être trop russophile à son goût, et lui avait fait l'affront de suspendre un accord d'association, le jugeant trop étroit avec l'Ouest, et inamical ou inutilement provocateur à l'égard de la Russie.

Elle a maquillé ce coup de force en une victoire des contestataires " pacifiques " de la place Maïdan, dont elle avait fait la vitrine du mouvement d'opposition à l' " autocrate Ianoukovitch ", alors qu'il a été mené en réalité par des groupes armés et entraînés, autrement belliqueux, formés de milices paramilitaires néo-nazies. Tout le monde en convient aujourd'hui.

Elle a soutenu dans la foulée l'installation au pouvoir de dirigeants violemment anti-russes, certains issus eux-mêmes des cercles néo-nazis et de l'extrême-droite nationaliste - Oleksandr Sych, vice-Premier ministre, Ihor Tenyukh, ministre de la Défense, Serhiy Kvit, ministre de l'Education, Andriy Mokhnyk, ministre des Ressources naturelles, ... -, instaurant une politique discriminatoire et hostile à l'égard des populations russophones de l'est ukrainien.

C'était stupidement agiter le chiffon rouge sous le naseau du taureau - et pour quels objectifs en fait ? Quels avantages attendus pour l'Europe ou l'Ukraine ?

L'agression russe contre l'Ukraine - annexion pure et simple de la Crimée ; organisation et appui, même pas vraiment masqués, des soulèvements séparatistes du Donbass ; instauration d'un climat d'insécurité latente, fait de menaces sous-jacentes, d'imprévisibilité, à l'adresse des pays baltes, devenus membres de l'OTAN ; chantage à l'approvisionnement énergétique de l'Ukraine centrale et occidentale, etc. - n'a été que la réponse très logique du berger à la bergère. D'autant qu'aucun des bons arguments servis par la communauté internationale pour stigmatiser la contre-offensive éclair de Poutine n'était exempt de l' effet boomerang, cet inusable mécanisme des relations interétatiques : qu'il s'agisse de la Crimée, ou plus largement de sa légitimité à porter secours aux populations russophones d'Ukraine ethniquement discriminées et maltraitées, Poutine a eu beau jeu d'invoquer le précédent du Kosovo, amputation imposée à la Serbie en 2008, sur une base ethnique, au grand dam de Moscou...

Sauf à être malhonnêtes ou particulièrement bellicistes, autrement dit à rechercher l'affrontement direct avec la Russie jusqu'au déclenchement d'une authentique guerre - mais dans quels buts alors, et pour quelles conséquences sur le destin de nos pays ? -, nous devons reconnaître que l'Union européenne, si timorée et irrésolue d'ordinaire, a mené dans cette affaire une politique vindicative irresponsable, mettant en danger ses propres intérêts.

Le manque de lucidité à l'égard de la position russe, telle qu'on a essayé d'en dégager quelques traits plus haut, le défaut d'examen du jeu raisonnable qu'on aurait pu établir avec elle sans nuire pour autant à nos propres intérêts, le refus méprisant de lui reconnaître la moindre amorce de légitimité, l'agressivité inutile et provocatrice que l'on a mise dans notre stratégie, ont abouti à un échec patent : la Crimée est définitivement annexée ; l'Ukraine est meurtrie et plongée dans le désordre pour longtemps, en proie à une guerre civile sécessionniste dont on ne voit pas l'issue ; les Etats baltes peu ou prou menacés ; la voie d'une résolution diplomatique du différend totalement bouchée.

Par-dessus tout la montée des tensions est telle - renforcement et repositionnement des forces otaniennes et américaines, exhibition mutuelle des muscles, provocations réciproques - qu'on a l'impression d'être retournés plus de trois décennies en arrière, au plus fort de la guerre froide. Et celle-ci semble vraiment sur le point de se " réchauffer " de la plus folle des façons, ce qui représente un bien grand danger...

Quand une nation, ou un bloc de nations, se précipite dans la voie la plus risquée et la plus coûteuse pour régler une question qui ne se posait même pas, allant ainsi jusqu'à mettre en danger ses intérêts vitaux là où rien ne les menaçait en fait, il y a lieu de s'interroger : quelle logique de fou mène tout cela ?

Logique du plus fou... ou du plus servile ?

Comment se débarrasser de Poutine ?
P ar facilité, on serait tenté de penser que se trouve bien à l'œuvre, dans un tel cas, une effective " folie " : les dirigeants européens se seraient mués soudain en matamores irréfléchis ou inconséquents, emportés comme les moutons de Panurge par leur impulsivité et ce qu'ils ont pris, dans la panique, pour la voie de l'intérêt général, au prétexte que tous y courent.

Et les opinions publiques, elles-mêmes formées par des médias portés au rabâchage de la rumeur dominante, ce dont ils font leur métier, conforteraient à leur tour les dirigeants dans leur délire bravache, constituant ainsi la spirale infernale qui nous projettera tous dans le mur, accélérateur au plancher les yeux grand ouverts.

Le philosophe Alain décrit magistralement cet enchaînement à la fois stupide et fatal dans la vivisection qu'il fait de la course à la guerre : " Il n'est point de folle conception qui ne puisse quelque jour s'imposer à tous, sans que personne pourtant l'ait jamais formée de lui-même et par libre réflexion. [...] Les pensées mènent tout, et personne ne pense. D'où il résulte qu'un Etat formé d'hommes raisonnables peut penser et agir comme un fou. " (Mars ou la guerre jugée, 1936).

Toutefois cette explication, appliquée à la situation présente, reste insatisfaisante. D'abord parce que nos dirigeants européens actuels n'ont jamais fait montre jusqu'alors, dans les relations internationales, d'une telle fermeté, voire une telle intransigeance, et sous une forme aussi vindicative. La soudaineté notamment d'une telle transmutation ne peut que soulever bien des étonnements...

Ensuite, rendons-leur cette grâce, parce qu'ils ne sont en général ni stupides ni tout à fait irréfléchis, quoiqu'on puisse penser de leur action par ailleurs - surtout nous Français, après deux quinquennats de rabaissement inédit de la fonction politique.

Il faut donc qu'il y ait une autre raison à cet empressement martial, et elle n'est guère difficile à déterrer. L'Union européenne, en effet, s'est laissé orienter vers une politique aussi résolument et inutilement antirusse sous la poussée combinée de deux puissants leviers : d'une part l'obsession, quasi hystérique parfois, d'anciens pays du bloc soviétique de ne surtout pas retomber sous la férule russe - plus particulièrement la Pologne, les pays baltes, les populations non russes d'Ukraine occidentale - ; d'autre part l'aiguillon virulent du Royaume-Uni, dont l'acharnement lui-même obsessionnel à brider l'influence de la Russie en toutes circonstances et en tous lieux, à la " punir " systématiquement, voire à l'humilier par tous les moyens, confirme sans grande surprise son rôle d'agent des intérêts américains en Europe...

Il faut voir la réalité en face. Dans la question ukrainienne l'Union, en tant que telle, n'a pas joué sa partition mais celle des Etats-Unis. Elle a fait le bon petit soldat dans un conflit qui n'est pas le sien : la reprise d'une compétition " au sommet " entre la superpuissance US et son challenger privilégié, la Russie, de retour sur la scène internationale après avoir risqué le knock-down dans l'écroulement de son empire entre 1989 et 1991.

Elle n'a pas su discriminer ses intérêts propres et ceux de son allié américain, ce qui demeure l'un des plus graves défauts qu'on puisse reprocher à des dirigeants politiques.

Elle n'a pas compris que la Russie de Poutine n'avait aucun objectif de reconquête ou d'affrontement à son égard particulier, et encore moins le désir de ressusciter contre elle la glaciale et stérile guerre froide, pourvu qu'on respecte en retour ses propres " bordures " de sécurité et de souveraineté.

La ligne rouge était pourtant simple à tracer. Après la chute du mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne, la Russie n'a pas eu la capacité d'empêcher l'adhésion à l'Union européenne des membres de l'ancien Pacte de Varsovie non mitoyens de son territoire - malgré son dépit d'y voir adhérer des Etats comme la Hongrie, la République tchèque ou la Slovaquie. Mais elle ne pouvait tolérer deux affronts, qu'elle voyait surtout, immanquablement, comme deux risques : d'une part l'intégration de ces Etats dans l'OTAN, outil considéré comme le bras armé de l'empire US ; d'autre part toute tentative de " débauchage " des pays mitoyens (pays baltes, Biélorussie, Ukraine) en vue de les faire adhérer à l'UE ou, pire, à l'OTAN.

Or, non seulement la plupart des anciens pays d'Europe de l'Est non mitoyens de la Russie ont malgré tout intégré l'OTAN entre 1999 et 2004, mais les Etats baltes eux-mêmes ont rejoint et l'UE et l'OTAN...

L' " offensive " de l'UE en direction de l'Ukraine en 2014 ne pouvait être que la goutte d'eau faisant déborder le vase...

Au final l'Union, en se laissant déborder par ses jusqu'au-boutistes (Britanniques, Polonais, Baltes) pour faire de l'ennemi de son allié américain son propre ennemi - sur un terrain où ce n'était nullement nécessaire -, a attenté gravement à ses propres intérêts, mis en balance sans raison sa sécurité et contribué à faire monter à un niveau élevé de danger les tensions internationales.

En se confortant dans ce rôle de bon petit soldat bénévole, et en s'alignant systématiquement, une fois de plus, sur la position du grand frère américain au Levant, terrain où ses intérêts sont encore moins mis en question par la Russie, elle s'enkyste vis-à-vis de Poutine dans la position anglo-saxonne d'une hostilité radicale, qui ne pourra qu'inciter ce dernier à se montrer retors et agressif sur le terrain européen. Ce qui s'appelle gagner sur tous les tableaux...

Dans le fond, on finirait bien par trouver quelque folie à la logique du servile.

(Illustrations, de haut en bas : Vladimir Poutine "Liar", Rosagit.Info ; guerrières de l'Armée syrienne libre, © Balkis Press/Abacapress.com ; miliciens ukrainiens anti-russes du mouvement ultranationaliste "Secteur Droit" au Donbass, X ; costume de fou du roi)


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