Le sang du monstre d’Ali Land 4/5 (20-10-2016)
Le sang du monstre (350 pages) est disponible depuis le 22 septembre 2016 aux Editions Sonatine (traduction : Pierre Szczeciner).
L’histoire (éditeur) :
Après avoir dénoncé sa mère, une tueuse en série, Annie, quinze ans, a été placée dans une famille d’accueil aisée, les Thomas-Blythe. Elle vit aujourd’hui sous le nom de Milly Barnes et a envie, plus que tout, de mener une existence normale et d’être quelqu’un de bien. Elle a néanmoins beaucoup de difficultés à communiquer avec les ados de son âge et préfère les enfants plus jeunes, plus particulièrement une petite fille vulnérable du voisinage. Sous son nouveau toit, elle est la proie des brimades de Phoebe, la fille des Thomas-Blythe, qui ignore tout de sa véritable identité. À l’ouverture du procès de la mère de Milly, qui fait déjà la une de tous les médias, la tension monte d’un cran pour la jeune fille dont le comportement va bientôt se faire de plus en plus inquiétant.
Mon avis :
Pour une fois que l’intrigue ne nous entraîne pas dans la tête d’un psychopathe ou bien dans celle d’une victime…
Ali Land nous mène de manière originale dans celle de la fille d’une tueuse en série. Milly, ex-Annie, a 15 ans lorsqu’elle prend la décision de dénoncer cette infirmière appréciée le jour dans un foyer pour femme battues et diable la nuit, accusée de 9 meurtres d’enfants.
Aujourd’hui accueillie par les Newmont, Mike le psychologue spécialiste des traumatismes et sa femme Saskia (mère au foyer un peu perdue et adepte du yoga), elle attend le procès de son bourreau, celle qui a fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui, une enfant plus traumatisée et perturbée qu’elle ne laisse paraitre et qui tente de trouver sa place dans la société.
Pas facile cependant avec Phoebe, la fille du couple qui, entre intimidations et mauvaises blagues qui tournent au cruel, lui en fait voir de toutes les couleurs, ne supportant pas la présence de cette étrangère qui accapare plus que de raison son père.
Ali Lang joue avec la narration de telle sorte que, sans instaurer un suspens insoutenable, elle vous met malgré tout les nerfs à vif. La tension est palpable. Commencer La sang du monstre, c’est entrer dans la tête de cette ado, dans ses pensées intimes et être constamment parasité par ses flash-back, la petite voix de sa mère et son calme apparent et assez troublant. Je ne savais pas vraiment sur quel pied danser avec elle, cette pauvre enfant écrasée par le poids de la culpabilité, qui a vu (et aussi subit) de terribles choses et qui en même temps semble en cacher de bien pires…
« Du sel dans la plaie. Ça pique. En regardant leurs jolis visages, je me souviens d’une histoire que j’ai lue. Un conte amérindien où le vieux Cherokee raconte à son petit-fils qu’en chacun de nous se livre une bataille entre deux loups. L’un est méchant, l’autre bon. Le garçon demande à son grand-père, quel loup gagne ? Et le vieillard de lui répondre, celui que tu nourris. » Chapitre 8
J’ai fini assez vite par me faire mon opinion, sans vraiment l’aimer ni la détester. Mais entre l’empathie et la répulsion, Ali Land ne permet pas au lecteur de s’affranchir d’un des deux sentiments et c’est avant tout la fascination qui domine la lecture. Ah qu’elle est ensorcelante cette Milly ! Hypnotique même. Intelligente, tellement vulnérable et si finement manipulatrice (elle est allée à bonne école) …
« Il ne sait pas que même si nous ne sommes plus ensemble, une partie de moi veut te plaire et tout faire pour être de nouveau près de toi, dans la même pièce. Ma dernière chance. »Chapitre 7
Ecrit du point de vue interne et suffisamment détaillé et crédible du point de vue psychologique, Le sang du monstre est un thriller psychologique efficace et qui ne laisse pas indifférent. Les rapports complexes mère-fille, ciment de l’intrigue, ainsi que la cruciale période de l’adolescence (l’âge où l’on se cherche et où l’on construit sa propre identité) sont très bien travaillés et fouillés avec précision. L’auteure ne tombe dans le cliché ni la facilité.
Avec juste un détail, une petite nuance dans le comportement, beaucoup d’ambiguïté, Ali Land distille le malaise et le doute. Elle rend son récit de plus en plus accrocheur, à la limite de l’addiction, et à mesure que le procès approche, que les traumatismes et les vérités refont surface, les évènements (même s’ils finissent par devenir prévisibles) sont de plus en plus sombres et la tension ne cesse de grimper.
« Le cerveau des psychopathes est particulier – j’ai fait mes calculs : quatre-vingts pour cent la génétique, vingt pour cent l’environnement.
Et donc moi.
Cent pour cent foutue. »
Chapitre 10
En deux mots : une construction pertinente et efficace pour un premier roman intense et dérangeant.