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Foodtech : L’homme qui murmurait à l’oreille des plantes

Publié le 26 octobre 2016 par Pnordey @latelier

Connaissez-vous les « nerds » fermiers ? Caleb Harper en est un. Il est architecte de profession, et est en passe de révolutionner nos assiettes, et notre nutrition, grâce à son « food computer ». Nous l’avons rencontré au dernier Hello Tomorrow Summit.

Bon sang ne saurait mentir. Des années durant, Caleb Harper ignore l’héritage natal - une famille d’agriculteurs et d’épiciers, en devenant architecte et designer de data centers. Mais c’est pour mieux y revenir. Caleb Harper, directeur de l’Open Agriculture Initiative du MIT Media Lab, construit aujourd’hui l’ordinateur qui nous nourrira demain.

Enfant, Caleb grandit dans un ranch au Texas. Il est entouré d’animaux, mais aussi de plantes. Sa famille s’épanouit dans le commerce alimentaire. Pour autant, il se lance dans des études d’architecture, à Saint Louis, puis au MIT. Les années suivantes, il travaille à concevoir ce qu’il appelle des “environnements”. Il conçoit des data centers, “des bâtiments énormes où (il) crée l’environnement - le climat, favorable à des ordinateurs, en respectant leurs besoins de rafraîchissement, en veillant à la surchauffe.” Il applique cette même attention à l'environnement dans la réalisation d’hôpitaux et de salles opératoires. En 2011, le MIT l’envoie avec un groupe de chercheurs à Fukushima, au Japon. Il y découvre une région sinistrée par le tsunami. Avant la catastrophe nucléaire qui a suivi, elle était le fleuron de l’agriculture japonaise. Impossible alors d’y faire pousser quoi que ce soit. “C’est à Fukushima qu’est née l’idée de l’OpenAG Initiative. Et si je pouvais concevoir un nouvel environnement ? J’ai construit des data centers, après tout. Pourquoi ne pas faire des data centers pour plantes ?”, songe Caleb Harper. “Si nous ne disposons pas d’assez d’eau, si les terrains sont contaminés, au lieu d’importer de la nourriture, est-ce qu’on ne pourrait pas créer nous-mêmes l’environnement, le climat idéal, pour produire notre propre nourriture ?

All about data

L’idée est lancée ! Celle d’une forme d’agriculture aéroponique. Hier, le fermier avec ses champs exposés était tributaire d’un climat versatile - le soleil qui joue à cache-cache, Dame Pluie qui hydrate un peu quand elle veut. Aujourd’hui, Caleb Harper mise sur une culture aéroponique : une nuée de capteurs gère la poussée d’une plante, selon ses besoins d’eau, d’éléments nutritifs, de carbone, et des LEDs dispensent de la lumière. Tout ça dans une boîte : l’ordinateur personnel de nourriture (food computer). L’idée est de ne plus dépendre d’un climat, mais d’en créer un, et de le contrôler, en comprenant, puis en reproduisant la vie des plantes !

Par ABC News

« Pensez que les plantes ont 15 millénaires de technologies en elles. La texture, la saveur, la couleur ou même la qualité nutritive d’une plante, tout ça ne relève pas de la génétique, mais du phénome. » Une même graine de tomate, selon si elle croît au Mexique, ou en Toscane, n’exprimera pas la même texture, la même chair, la même quantité d’eau, la même saveur. « Nous essayons de hacker ce phénome, en rendant le climat digital ! »

L’équipe de l’OpenAG Initiative rassemble tout type de data – température, humidité, lumière autour d’une plante et de son environnement de croissance, et en fait des « climate recipes », des recettes d’environnement. Ses recettes peuvent ensuite être chargées sur le food computer. Elles le sont à partir de données du temps réel, ou de temps anciens - Caleb a quantité d’archives d’almanach du fermier et a cultivé des tomates qui n’existaient plus depuis 150 ans.

Et ce système est vertueux. Il a été laissé open-source. « C’est la magie du réseau !  Chaque utilisateur du food computer fait pousser ce qu’il souhaite, selon la recette qu’il souhaite. Il peut même en inventer. Et le fantastique dans tout ça est qu’il produit de la data, donc encore plus de connaissance. Je peux récupérer ses data et faire pousser la même chose. »

Foodtech : L’homme qui murmurait à l’oreille des plantes

D’une médecine personnalisée à une nutrition personnalisée

Outre la production pure – une telle technologie dopée aux datas donne une pousse 4 à 5 fois plus rapide pour une réduction d’eau de 70%, l’OpenAG Initiative pourrait bien révolutionner notre nutrition même !

Pour Caleb Harper, dans 15 ans, nous aurons tous, dans nos maisons, ce type de box, de PC alimentaire. Pour autant, il ne produira pas tout, mais une nourriture spécialisée. « Aujourd’hui, pour mille dollars, chacun peut avoir son séquençage ADN et savoir ce dont il a besoin, individuellement, jusqu’à ses besoins nutritifs. Demain, vous pourrez faire pousser les légumes qui vous seront bénéfiques.» On pourrait donc s’administrer une nutrition personnalisée, comme un médicament.

Pour l’heure, l’OpenAG est animée, à l’instar du mouvement maker, par une équipe dédiée et une communauté de designers, de scientifiques, d’ingénieurs, d’architectes, d’économistes, de chimistes aromaticiens. Divers horizons installés dans 20 pays et sur les six continents. Mais Caleb Harper espère rallier davantage de recrues à sa cause. « Aux Etats-Unis, 2% seulement des Américains sont agriculteurs et l’âge moyen est de 58 ans. Il faut donc créer de nouvelles vocations » Pour répandre la « bonne nouvelle », il a distribué à des écoles primaires et collèges à proximité du MIT, des food personal computers.

A la question de comment il imagine le futur de l’agroalimentaire, Caleb martèle qu’il sera nécessairement décentralisé, local et... urbain. « Nous faisons croître les plantes, 4 à 5 fois plus rapidement, en utilisant 70 à 90% moins d’eau. Donc on aura peut-être plus besoin d’importer d’aussi loin. » Pour avoir du vin de Toscane à Paris, il va falloir attraper la main verte... mais la garder sur un clavier !

Crédits photo : Open Agriculture Initiative


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