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Une conservatrice à Beaubourg

Publié le 27 octobre 2016 par Aude Mathey @Culturecomblog

Cécile Debray, conservatrice en chef au Centre Pompidou et commissaire d’exposition, nous parle de son quotidien

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©DR

Quelles sont les spécificités de votre métier ?

Ma mission principale est la conservation d’une collection – je suis en charge de certains fonds comme le fonds Matisse. Conserver veut dire étudier, enrichir (par de nouvelles acquisitions), diffuser et publier (par le biais d’expositions, de publications, de conférences, de visites, etc). Il y a une aussi partie scientifique importante.

J’aime beaucoup mon métier car il fait appel à la théorie mais aussi à la pratique avec la manipulation des œuvres, le management de personnes, etc. C’est un métier très complet.

Quelles en sont les difficultés ?

Je dirais la négociation des prêts de par l’augmentation du nombre d’expositions à l’international, surtout en art moderne. Même si je m’appuie sur l’autorité et la renommée du Centre Pompidou – on va plus facilement prêter des œuvres à Beaubourg qu’à un musée en région ou à une fondation privée -, il est très important que je me déplace, que je vois les gens. Comme chaque conservateur, j’ai construit mon propre réseau et bâti ma propre réputation. Le sérieux de mes propositions, mon savoir-faire et ma personnalité jouent un rôle fondamental. Et puis, il faut savoir s’adapter à son interlocuteur, savoir négocier, être diplomate…

Ensuite, je pense qu’il faut avoir beaucoup d’énergie, de conviction et d’assurance pour arriver à mener les projets. Il faut être vraiment convaincu soi-même de la proposition que l’on va faire pour convaincre ses collègues, le directeur, le président et… le public !

Pour moi, il faut garder son humilité car les choses ne sont jamais dues. Un collectionneur doit sentir que son prêt va être très important pour l’exposition. Idem pour un créateur. Quand je travaille avec un artiste, j’estime que mon rôle n’est pas de me mettre en avant mais de transmettre son œuvre le mieux possible.

Comment choisissez-vous les thématiques d’exposition ?

Vous savez, une thématique, c’est un goût personnel. J’ai toujours été fascinée par les artistes qui ne se laissent pas enfermer dans une catégorie. Je trouve extrêmement intéressant d’aller chercher l’aspect le moins attendu, d’aller à rebrousse-poil.

Ainsi, pour l’exposition Marcel Duchamp. La peinture, même (2014), j’ai voulu montrer une facette de Marcel Duchamp qu’on n’attendait pas. 

Une conservatrice à Beaubourg

© DR : Cécile Debray

© DR : Cécile Debray

Pour la future exposition Francis Bacon / Bruce Nauman. Face à face, c’est en visitant un musée à La Haye où il y avait ces deux artistes dans une même salle que j’ai eu l’idée de faire quelque chose autour d’eux. Bruce Nauman est conceptuel. Il fait des performances avec la vidéo, il travaille avec le langage et les mots. En même temps, il réalise des œuvres symphoniques très expressives, aussi expressives qu’un tableau de Francis Bacon. Ainsi, cette confrontation entre les deux redonne une vitalité, une radicalité à la peinture de Francis Bacon qu’on a un peu oubliée.

Cela m’amène à vous demander comment vous êtes entrée dans l’aventure du festival Viva Villa ?

On est tout simplement venu me chercher. Les directeurs de la Villa Médicis (Rome), Villa Vélazquez (Madrid) et Villa Kujoyama (Kyoto) se sont mis d’accord sur mon nom. Les conditions étaient un peu acrobatiques (délais très courts). Cela ne m’a pas fait peur car, sur ce festival, il n’y avait pas de prêts. J’ai donc accepté avec plaisir et ça m’amusait de travailler avec de jeunes créateurs.

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Comment vous est venu le thème du dépaysement ?

L’un des trucs du métier de conservateur est d’avoir la capacité de choisir très rapidement un fil conducteur pour construire l’histoire et choisir les œuvres.

Une conservatrice à Beaubourg

Romuald Dumas-Jandolo, « L’arbre qui cache la forêt »

Ce thème du dépaysement m’est venu quand je me suis posé la question de ce qui reliait ces trois résidences d’artistes. Comme j’ai toujours aimé cette question du rapport au paysage, je l’ai creusée. Ensuite, la rencontre avec les artistes et leurs œuvres m’a confortée dans cette direction.

Quid de l’ouverture d’une antenne du Centre Pompidou à Bruxelles ?

Ce projet m’intéresse beaucoup car Bruxelles est une scène très vivante. Toutefois, on en est au tout début. On pense à une ouverture pour 2020. À suivre donc…


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