Au début, on est certes un peu réticent. Pensez donc, un fromage vendu en grandes surfaces, estampillé populaire, une des meilleures ventes de fromages en France,… ça fait peur ou tout au moins on commence par faire deux pas en arrière et sortir notre attirail du parfait petit amateur de vrais fromages qui sont affinés chez les meilleurs fromagers, et qui n’existent qu’en trois exemplaires, et dont la plupart arrivent…à Rungis où presque tout le monde va se fournir.
Et puis on goûte. Aïe ! Pas mauvais, même intéressant. Une belle texture, grasse et savoureuse, une belle répartition du bleu qui donne un piquant presque parfait, une saveur franche et une longueur en bouche que beaucoup lui envierait. De plus, on apprend que des chefs comme Pierre Gagnaire l’utilise depuis longtemps en cuisine.
Au commencement était un fromage de vache mis au point par une fromagerie dans le fin fond de l’Auvergne, dans la vallée de l’Ance près des monts du Velay. Les fromagers décident d’une forme octogonale pour se démarquer des célèbres cousins auvergnats, la Fourme d’Ambert et le Bleu d’Auvergne. Le Saint Agur n’a pas de croûte, du fait de l’emballage sous aluminium, mais une surface humide irrégulière. Sa pâte humide et fragile est de couleur crème, parsemée de cavités et tachetée de bleu gris foncé.
On est certes un peu plus prudent sur les déclinaisons « marketing » de la marque comme le Frais Plaisir ou la Crème Saint Agur. Ceci dit, le roquefort Société ne se gêne pas non plus pour ce genre de déclinaisons sans fin et souvent sans intérêt.
Le chef Juan Arbelaez, Colombien d’origine donc loin des monts d’Auvergne, vif et talentueux, arrivé depuis peu aux cuisines du Nubé, restaurant de l’hôtel Marignan à Paris, se fait remarquer par l’intelligence de ses compositions entre plusieurs influences qu’il marie avec grâce dans des assiettes aussi créatives que savoureuses.
Lui aussi est tombé amoureux de Saint Agur et l’a prouvé au cours d’un déjeuner-dégustation où il a montré et démontré les possibilités d’un tel fromage à la fois en cuisine et en plateau. Ainsi, un remarquable Carpaccio de veau, rehaussé de moutarde et de Saint Agur et petits dés. Un Canard au café, au cacao, et au cassis avec une noisette de Saint Agur comme liant légèrement piquant. Le chef affirme, et on veut bien le croire, qu’une pointe de Saint Agur dans une purée de pommes de terre peut réserver de bonnes surprises.
Il a également mis au point pour la marque une box gourmande « apéro » avec des produits à grignoter qui s ’allient bien au fromage, dont des noix de cajou grillées d’Inde, du pain craquant norvégien, du miel du Péloponnèse, et un Condrieu pour épouser le tout, entre autres bonnes choses.