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(feuilleton) Cécile Riou, "Phrase unique", 2

Par Florence Trocmé

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(…) loux en un mot. Résidence Chopin, le dialogue entre nous est emporté par  le bruit des voitures qui cherchent à se garer, plus près, plus loin, par ici, par là, tiens, il paraît que c’est plus fluide le vendredi, aujourd’hui les Ardennes seront encore privilégiées, lourdes de température négatives  mais l’anticyclone les protège, alors que je me demande, en préparant le petit déjeuner deux cuillères à soupe – pas à café justement – de café moulu moyen, ni gros ni fin, de l’eau dans le compartiment octogone bas jusqu’à l’écrou qui assure la limite supérieure, l’assemblage des trois parties, filtre d’aluminium dans la partie inférieure, à quoi sert cet écrou, vis de la partie supérieure avec bec sur la partie basse, sablier de métal  5 minutes 30 pour deux cafés expresso il ne faut pas être trop pressé le matin, j’épluche une orange et je la partage en deux, la peau blanche partie de lambeaux en filets dans l’assiette à décors de fleurs, strabisme divergent sur l’heure qui grignote la tartine qui tremblote dans le café enfin, les chiffres carrés sur l’affichage du four disent sans plus de forme Σπεῦδε ταχέως, que faire sinon (…)
(…) suivre la ligne pointillée blanche sur le noir, parfois elle disparaît tu ne sais plus trop où piquer en double tu ne sais plus trop elle réapparait alors tu te rassures sur le pointillé un millimètre–point noir puis cinq–un–cinq–un–cinq–blanc–noir tu clignes des yeux elle cingle elle est là tu vois qu’il reste même de la place et si tu replies le noir recouvre alors absolument tout, tu ne vois plus rien, couture avalée sous la peau comme la peau en pointillé dessus dessous la peau tu bouges, ferme les yeux avec une surpiqure, repousse la couture de la joue tu suis la ligne de tes (…)
(…) pas, de tes vies dans le creux de la main, pas besoin de les prolonger, elles ne se croisent pas ne s’interrompent pas, elles sont en boucle, passent sur le dos, repassent dans le creux, c’est écrit : votre vie repassera par là, mais en mieux, votre vie percole, votre vie péricole, votre vie périscope et votre vie s’anacrouse, votre vie s’anicroche, votre vie s’approche (…)
(…) à pas pressés elle court vite, bute contre les murs clairs, jaunes mêlés de brique rouge, mêlée d’un mélange gris et doux de ciment, de torchis, elle les frôle de ses ailes noires tachées d’orange, de blanc, tachées d’yeux de Lyncée, elle ne voit pas dans le noir votre vie, elle ne voit pas au centre de la terre, elle voit bien où elle n’est pas, votre vie a le don d’ubiquité et comme le papillon de février elle est si belle qu’on pourrait dire qu’elle n’existe pas, il suffit pourtant d’ouvrir les mille yeux, bien au centre et sans loucher, suivre la ligne tracée au savon discontinue, la main droite profère « mon cœur s’ouvre à ta voix », la gauche intercale subrepticement l’air des clochettes de Lakmé, après quoi elles se promènent toutes les deux ensemble à travers « la danse macabre (…)


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