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FIAC 2016 : Faut-il être cultivé pour aimer l’art contemporain ?

Publié le 23 octobre 2016 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Dimanche se terminait à Paris un des événement incontournable de l’art contemporain : la FIAC. Pour cette 43e édition, la foire a investi le Petit Palais avec « On Site » et piétonnisé l’avenue Winston Churchill. L’espace entre les deux palais était un peu décevant cependant. Seulement quelques œuvres timides étaient présentées ne rendant pas compte du foisonnement de la création contemporaine. Avec la sculpture de Flanagan et les écritures au sol de Wiener, on peut regretter l’investissement de ce lieu n’ait pas été plus poussé.

 Duane Hanson, Old Couple on a bench, 1994. Galerie Gagosian.

Duane Hanson, Old Couple on a bench, 1994. Galerie Gagosian.

A moins que la vacuité de l’avenue soit un écho de la minutie et de la discrétion des œuvres en intérieur. Bien entendu la presse s’est emparée du couple de Duane Hanson qui faisait sensation et autour duquel le public s’amassait, appareil photo à la main. Mais à part cette sculpture, tout à fait exceptionnelle, aucun stand ne se démarquait particulièrement. A la Frieze de Londres, on notait un nombre conséquent de stand curaté où les galeries brandissaient leur maîtrise muséographique et la richesse de leur collection. A la FIAC, à l’exception de la galerie Maggazino où les cimaises étaient recouvertes de matériaux industriels, les galeristes ont affiché une certaine retenue.

Barbara Bloom, The Gaze, 1985-2005. Galerie Raffalea Cortese.

Barbara Bloom, The Gaze, 1985-2005. Galerie Raffalea Cortese.

Cela ne signifie pas qu’elles ne se sont pas positionnées sur l’inlassable question « comment montrer ? », bien au contraire. Nombre d’œuvres réfléchissaient à cette notion qui traverse l’Histoire de l’art. Les vitrines vides de l’agence, explorant les conditions de l’exposition, créée par Wesley Meuris chez Poggi en sont certainement l’exemple le plus prégnant. Idem pour les œuvres de Barbara Bloom à la galerie Raffaella Cortese cachées derrière des rideaux rappelant les premiers temps de la vie de l’Origine du Monde de Courbet.

Korakrit Arunanondchai, 2016. Galerie CLEARING.

Korakrit Arunanondchai, 2016. Galerie CLEARING.

Ces clins d’œil, plus ou moins subtils, faits à l’histoire de l’art sont une tendance forte de cette année. Chez Martine Aboucaya, deux portraits anciens au nez rouge d’Hans-Peter Feldmann s’établissaient fièrement au devant de la galerie, Roberto Longo chez Thadeus Roppac décortiquait au fusain l’autoportrait de Van Gogh et Arunanondchai chez CLEARING détournait le geste de la création d’Adam de Michel Ange : Dieu devenant un montre et l’homme idéal, un bras déchiqueté, symbole d’une humanité naufragée.

Adel Abdessemed, Tant qu’il y aura des hommes, 2016. Dvir Galery.

Adel Abdessemed, Tant qu’il y aura des hommes, 2016. Dvir Galery.

Le dialogue des temps ne se cantonnait pas uniquement aux Beaux-Arts. Adel Abdessemed, chez Dvir Galery, évoquait le cinéma avec le dessin du fameux baiser de Tant qu’il y aura des hommes sur une toile de tente militaire et Ai Wei Wei revient sur un des livres fondateurs de la cosmogonie chinoise pour donner forme à ses créatures de papiers présentées par neugerriemschneider. Les artistes s’inscrivent donc dans une continuité affichée qui peut échapper au spectateur ne connaissant pas tous les codes culturels qu’elle évoque. De même, il est complexe d’accepter le méta-artistique du contemporain qui nécessite une connaissance des arts et de leurs dimensions philosophique et sociétale parfois trop obscures.

Labelle-Rojoux. Maître chien, 2015. Galerie Loevenbruck.

Labelle-Rojoux. Maître chien, 2015. Galerie Loevenbruck.

Enfermer la nuit dans une boîte en marbre comme Charbel-Joseph Boutros chez Grey Noise, est-ce de l’art ? Et présenter sa collection de portraits de chien à la Labelle-Rojoux chez Loevenbruck ? A mon sens, la réponse est indéniable. Oui, questionner l’art, ses frontières, sa poésie et ses formes c’est de « l’art ». L’artiste contemporain aujourd’hui ne se limite pas à perfectionner une technique mais bien à être dans l’introspection et dans le questionnement perpétuel du « fait artistique ». La FIAC 2016 montrait cette immanence. Cette problématique est intéressante, si ce n’est essentielle aujourd’hui, mais le risque reste que l’art contemporain s’éloigne de plus en plus de son public.

Gilles Babier, Cabanes, Galerie Georges Philippe et Nathalie Vallois

Gilles Babier, Cabanes, Galerie Georges Philippe et Nathalie Vallois

Cependant, les spectateurs furent nombreux, encore une fois, à rendre visite aux constructions extravagantes de Gilles Barbier au stand des Vallois, à méditer devant les lignes d’Irma Blank chez P420 ou à perdre son reflet dans les œuvres d’Ann Imhnof de la galerie Buchholz. La FIAC reste toujours un endroit de contemplation où la poésie est à l’honneur, une forme de parenthèse qui tente de nous élever au-dessus du chaos du dehors ou du moins de tenter d’y réfléchir.


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