« Et depuis, chaque jour, ou presque, je me suis découvert de nouveaux sens. Ma vie m’intéresse prodigieusement. Je me relève, je me déplie, je m’étends dans beaucoup de directions. On a été si longtemps assis sur moi... » (Valery Larbaud, Journal intime de A.O. Barnabooth )
1 juillet 2016.- Belle journée ensoleillée (29 °C). Arrosé plantes et fleurs, taillé ma barbe qui virait au broussailleux. Entamé le Volume II des œuvres complètes de Jean Paulhan (L'Art de la Contradiction). Lu la préface, par un certain Bernard Baillaud, elle est très bien, éclairante, mais sans en faire trop. Demain j'attaquerai un peu plus franchement la lecture de ce replet volume, 780 pages, c'est beaucoup ou pas, je verrai à l'usage.
Rien (ou presque) : Les sofas des sanatoriums ont toujours de bien curieux dossiers. On se demande bien pourquoi?
2 juillet 2016.- Chute sensible de la température extérieure (21 °C). Entretien sur des faits divers, deux esprits civilisés (Jean Paulhan et René Martin) devisent doctement sur quelques potentielles chausses trappes linguistiques. La discussion est parfois merveilleuse. Logique, psychologie, sociologie et sémantique sautillent dans une heureuse farandole et le lecteur pourrait être ravi : « On dit que les ignorants font les meilleurs professeurs. Mais ce peut être parce qu'ils cherchent à s'instruire et apprennent, pour ainsi dire, du même élan que leurs élèves, qu'ils entraînent aisément. »Mort d'Yves Bonnefoy, poète conséquent. 3 juillet 2016.- Ciel IKB, tiédeur modérée (25 °C). J'écris ces mots face à un soleil qui ne m'en veut pas trop. Cette journée aura oscillé entre vague mollesse et petit bonheur de vivre. Toujours chez Jean Paulhan. Les hain-tenys ces courts poèmes qu'il avait découverts lorsqu'il officiait à Madagascar. De l’obscure et du primitif qui valsent avec la souplesse d'un Haïku : « Le petit caïman que sa mère mange retourne au ventre qu'il connaît bien ». Pas de trépas conséquent aujourd'hui alors qu'hier ce fut une véritable hécatombe : Yves Bonnefoy, Michael Cimino, Elie Wiesel, Michel Rocard… De ce dernier — rare « politique » que j'aurais presque toujours trouvé à mon goût — ces quelques mots : « Les partis politiques sont des sociétés modérément sympathiques dans lesquelles il n’est pas facile de faire réfléchir. »5 juillet 2016.- Beau temps chaud (28 °C). Nouvel appareil photo. Rien lu. Mort hier : Abbas Kiarostami.
7 juillet 2016.- Beau temps estival (30 °C). L'été est là, frôlons et abeilles tournent autour ma petite caboche. Un peu plus bas, pas si loin que ça au niveau des mes pieds, une fourmi transporte une brindille démesurément replète. La tâche a beau être colossale, la lilliputienne bestiole s'en sort très bien. Mes plantes et fleurs ont certainement soif, je pense que je vais les arroser tout en essayant de ne pas écraser un insecte au passage, car, voyez-vous aujourd'hui je suis d'une humeur assez hindoue. En dehors de tout ça, picoré quelques lignes chez Robert Walser. Celle-ci par exemple, parfaitement chapeautée et qui a vraiment tout pour plaire : « Je traite mon chapeau avec grande douceur et il me semble toujours aussi longtemps que je peux toucher mon chapeau, d'un tendre geste qui m'est coutumier, que je peux encore m'estimer un homme heureux. »8 juillet 2016.- Chaleur (33 °C). Trop de labeur, trop de manifestations sportives télévisées, balle au pied et vélocipède, peu de temps pour la lecture. Néanmoins aujourd’hui, deux chroniques (Vialatte), une page de journal intime (Renard), une demi-page d'un cahier un tantinet acrimonieux (Cioran). Demain j'entamerai le nouvel opus de Michael Connelly, certainement très peu littéraire, mais à coup sûr assez distrayant. Rien (ou presque) : Le bang des supersoniques ne gâche jamais vraiment le ciel.9 juillet 2016.- Chaleur (30 °C). Mariachi Plaza, nouveau Connelly, nouveau Harry Bosch et nouveau « cold case ». Nothing else. 11 juillet 2016.- Tiédeur mékongaise (33 °C). Trop poisseux pour espérer lire quoi que ce soit. Hier soir défaite dans un tournoi de balle au pied (tragédie nationale). Je vous laisse, l'orage rôde.14 juillet 2016.- Averses, vent, fraîcheur (17 °C). Après trois jours de quasi-canicule nous voilà rendus à des températures frôlant l’automnal. Cette année la météo est décidément bien particulière. Toujours dans le Mariachi Plaza de Michael Connelly. Roman policier tranquille où Harry Bosch semble déjà en pré-retraite. Néanmoins, les « qualités » de Connelly sont là, sur les rouages et la précision il est toujours imbattable.15 juillet 2016.- Ciel nettoyé par un vent salvateur, température idéale (23 °C). Hier soir, massacre. Un « camion fou », plus de quatre-vingts morts. Nous commençons à nous habituer. Tout cela — le massacre, notre accoutumance à la douleur — est sinistre. Coupé ma haie, arrosé plantes et fleurs, se faisant sauvé la vie de quelques escargots égarés. Lu soixante pages de Michael Connelly, toujours distrayant. Il faut parfois savoir se laisser distraire.16 juillet 2016.- Beau temps estival (26 °C). Le monde étant ce qu'il se trouve être, humeur guère sautillante. Toujours dans le Connelly que je lis tout en m'accompagnant de l’application Google Maps. Ainsi, je me retrouve au plus près des lieux de l'action et après avoir lu toutes les enquêtes d'Harry Bosch, je pourrai bientôt dire que je connais un peu Los Angeles sans y avoir jamais mis les pieds (Des États-Unis je n'ai visité qu'une petite partie centrale de Denver à Las Vegas). 17 juillet 2016.- Belle tiédeur (30 °C). Lecture en outdoor dans un espace savamment étudié entre ombre et lumière. Quelques phases d'heures narcolepsie et ce simple constat : Harry Bosch s'éloigne à petit feu (dans Mariachi Plaza il est plus proche d'un Maigret californien que d'autre chose).Entamé Planète sans visa de Jean Malaquais, livre réputé « culte » qui me faisait de l’œil depuis quelque temps. Pour l'instant je bute un peu dessus, trop de personnages, trop de foisonnement, trop de roman-roman, il va falloir que je me fasse violence pour vraiment entrer dedans… 18 juillet 2016.- Ciel IKB, pas la moindre trace de vent, chaleur, nous y voilà (33 °C). Malaquais pourrait être un autre Conrad (un Conrad français), c'est une éventualité tangible, il y a beaucoup de points de contact entre les deux. Un pays de naissance quasi commun (la Pologne pour Malaquais, l'Ukraine polonaise pour Conrad), le fait d'apprendre tardivement la langue avec lequel il écrira, une carrière d’écrivain ne devant pas plus à l'école qu'aux universités. Tandis que Conrad était matelot puis capitaine au long court Malaquais sera quant à lui mineur de fond, un très jeune mineur de fond. C'est donc en autodidacte qu'il découvrira la littérature, tout seul, au fond d'une bibliothèque qui lui donnera beaucoup. Voilà donc une sorte de Conrad français qui remplacera l’appétence maritime par une attention non feinte pour l'humain, le terriblement humain, le collé à l'humain… Dans Planète sans visa on sent tout ça : l’autodidacte qui veut en faire trop, le marxiste un brin désabusé qui laisse ses chances à tout le monde (les réfugiés de tous poils, les collabos, le magouilleur et margoulins). Tout cela sent l'humain, est humain.19 juillet 2016.- Grande tiédeur (36 °C). Indolent sous la chaleur, mou face à l'adversité, voilà une journée où j'aurai été pleinement conforme avec moi profond. La chaleur est un bon révélateur. Je me suis tout de même fait violence en rempotant quelques fleurs qui ne me demandaient rien puis j'ai lu quatre chapitres de Jean Malaquais. S'agissant de ce dernier mes craintes se confirment, Planete sans visa est un roman-roman exagérément replet pour ma modeste personne. Malaquais éprouve toujours le besoin d'être partout, de raconter une ville (Marseille en 1942, entre débâcle, cul de sac et Vichy) avec un aplomb qui même s' il est humaniste reste tout de même scrutateur. Résultat on ne s'attache pas assez aux nombreux personnages, le regard est trop lointain et pour tout dire au bout de quelques pages on perd le fil, on ne sait plus qui est qui, qui pense quoi, qui fait quoi C'est dommage, il y a tout de même de beaux passages, des scènes que l'on n’oublie pas.3.
22 juillet 2016.- Orages, chute de la température extérieure (24 °C). Quelques kilomètres de psychogéographie outdoor. Dérivé sans but, tranquillement avec une souplesse non ostentatoire. Essayé un nouvel appareil photo qui s'est révélé très bien (notamment en noir et blanc). Plus matinalement tenté de poursuivre la lecture de Planète sans visa. J'écris tenté, car le volume m'est tombé des mains. Comme il me fallait tout de même lire quelque chose, j'ai entamé une petite chose qui attendait sur ma pile de livres à lire (Janine par Olivier Hodasava).
23 juillet 2016.- Restes orageux (24 °C). Le livre d'Olivier Hodasava ne m’est pas tombé des mains. Je l'ai lu d'une traite avec une émotion qui ne ma jamais vraiment quitté. Une émotion personnelle pas forcément partageable, mais une émotion qui s'explique. Il y a bientôt 30 ans j'avais beaucoup aimé les deux disques de WC3, deux vinyles intrigants qui n'avaient presque rien à voir avec le rock d'ici. En fait, j aimais aussi beaucoup WC3 parce qu’il y avait Janine… Janine pieds nus sur la pochette ratée de leur premier disque réussi, une jeune Juliette Binoche en mieux. Janine et ses claviers qui étaient là, partout, un ciment merveilleux que ces claviers-là, Janine le Dave Greenfield du Nord , le Ray Manzarek de St Quentin (Aisne). J'aimais WC3 et puis Janine est morte, suicidée un soir… backstage. Je suis resté un peu con, j'étais un peu amoureux d’elle sans même la connaître. Olivier Hodasava l'aimait certainement lui aussi beaucoup. En tous les cas, c'est l'impression que donne son livre. Il raconte l'histoire du groupe, ces trois petits gars sauvages et cette fille un peu à côté, avec une modestie émue, sans trop en faire et avec beaucoup de factuel dans la besace. Il n'aura rencontré Janine qu'une fois, ils n'auront échangé que deux phrases, c'était lors du dernier concert de WC3, ce soir funeste où elle se sera donné la mort. On comprend mieux l'émotion qu'il peut y avoir dans ce beau petit livre qui en vaut de bien plus gros.24 juillet 2016.- Ciel changeant (26 °C). Conditions lectorales optimales, météo parfaite et voisins absents, que demander de plus ? Les douze volumes des Mémoires de guerre de l'ami Churchill parus en France entre 1948 et 1954 étaient traduits dans l'urgence et avec les pieds. Le digest resserré sur deux gros volumes que j'entame aujourd'hui offre une nouvelle traduction qui respecte un peu plus le talent littéraire du plus illustre pensionnaire du 10 Downing Street (c'est l’œuvre de François Kersaudy, historien et traducteur qui n'officie pas avec ses pieds). Voilà un livre que je ne risque pas de lâcher. Il faut dire qu'un type qui écrit avec une perruche sur la tête, un chat sur les genoux et un chien sur les pieds n'a potentiellement rien pour me décevoir. J'ai dévoré les 150 premières pages avec un contentement penaud. Tout y est ou presque, les erreurs des vainqueurs après la Première Guerre mondiale, la sinistre ascension du saumâtre petit caporal Hitler, la nuit des longs couteaux, l'aveuglement des chancelleries européennes… Churchill se fait un peu mousser, il y a des erreurs, on s'en fiche ; c'est un raconteur hors pair (… et la traduction est très bien). 25 juillet 2016.- Soleil (30 °C). Les Mémoires de guerre de Churchill sont bien évidemment passionnantes. Je les lis goulûment, un chapitre au soleil, un chapitre à l'ombre (j'ai deux chaises adroitement placées à ma disposition). Montée en flèche du petit caporal hystérique, crise des Sudètes, accords de Munich, Winston raconte tout cela en tirant parfois la couverture à lui, ce n'est pas bien important cette couverture ne nous gratte pas le menton, s'il est un peu immodeste il est surtout omniscient, terriblement omniscient.26 juillet 2016.- Tiédeur tropicale, 40 % de taux d'humidité, c'est beaucoup trop (30 °C) Conditions lectorales moyennes, pas d’attentat dans mon environnement proche, mais des voisins fort bruyants et se croyants seuls au monde. Malgré cela je suis toujours plongé dans les mémoires de guerre de Churchill. Invasion de la Pologne, début de la « drôle de guerre » , j'en suis là…To be continued.