Le mot " agent " vous évoque sûrement un tas de choses : peut-être 007 ou Jason Bourne ? Ou plutôt un homme aux cheveux grisonnant qui rôde, cigare à la main, dans les studios hollywoodiens ? Ou bien encore celui ou celle qui vous a aidé à trouver votre dernier appartement ?
Mais en matière d'agent littéraire, je parie qu'il y a moins d'images qui vous viennent à l'esprit ! Bien qu'étant une véritable institution dans les pays anglo-saxons, le rôle d'agent littéraire est encore peu connu et même parfois méconnu en France. Chez Librinova, c'est Andrea qui incarne ce rôle. Après avoir travaillé plus de 10 ans chez des éditeurs traditionnels, elle maîtrise tous les aspects de ce métier ! Et si on passait une journée avec Andrea ?
8h20. Ma journée de travail commence dès mon arrivée dans le métro. Je sors ma liseuse pour me plonger dans la lecture, soit du roman d'une étoile naissante de Librinova, soit d'un livre qui m'a été recommandé par un éditeur ce qui me permet d'être toujours au fait de l'offre littéraire actuelle.
9h. J'arrive dans nos bureaux du 24 rue de l'Échiquier et m'installe devant mon ordinateur avec un bon petit café. On est lundi et ma première tâche est donc de faire un point sur les ouvrages que nous représentons : je parcours les sites libraires et note pour chaque livre le nombre d'exemplaires vendus, la teneur et le nombre de nouveaux commentaires et la notation moyenne des lecteurs. Je demande également à Anaïs si nous avons reçu des chroniques intéressantes de blogueurs. Tous ces éléments m'aident à suivre la vie de chaque livre et me donnent matière à relancer les éditeurs qui ont ces livres en lecture.
10h. Mon suivi terminé, je m'occupe justement d'envoyer des messages de relance. Mon téléphone vibre. Un auteur Librinova m'appelle suite au message que je lui ai laissé, dans lequel je détaillais les différents points de sa première offre d'édition par une grande maison d'édition. Nous discutons de l'échelle de droits, de l'avance proposée par l'éditeur, du droit de préférence que l'éditeur pourrait avoir sur ses futurs écrits. Comme la plupart de nos auteurs, il apprécie de pouvoir parler d'argent aisément avec son agent... et non avec son éditeur, avec qui les échanges sont centrés sur l'écriture. Je lui explique les points du contrat que je veux améliorer ainsi que les points sur lesquels je sais que cet éditeur ne bougera pas. J'en profite pour parcourir le contrat avec lui et répondre à ses questions sur les différentes clauses. J'explique par exemple ce que sont les droits secondaires et dérivés prévus dans le contrat : les éditions club, poche, gros caractères, les traductions en langue étrangère... Il me fait part de ses craintes à l'idée de retravailler son texte et je lui explique à quel point l'accompagnement d'un éditeur est une richesse et une étape très importante dans la vie d'un écrivain.
11h. Charlotte et Laure arrivent après une réunion importante avec la direction d'un grand groupe d'édition, le courrier à la main. Il y a un pli pour moi : un jeu de contrats pour contresignature. La négociation de ce contrat a été longue et un peu difficile avec beaucoup d'aller-retours sur les clauses, de nettes améliorations pour l'auteur et quelques concessions à faire. Mais je suis très fière du résultat car l'éditeur et l'auteur sont tous deux heureux à l'issue de ces discussions et comme je le dis souvent : une négociation réussie est celle donc chaque partie repart satisfait ! Je relis chaque page du contrat d'édition (20 pages - heureusement que j'ai l'habitude des contrats et sais m'y retrouver !) et du contrat d'adaptation audiovisuelle (3 pages seulement - ouf !) pour vérifier que tous les différents points négociés y sont bien intégrés, avant de l'envoyer à l'auteur.
12h30. C'est l'heure de déjeuner ! Je file à St Germain des Prés pour retrouver une copine éditrice qui vient de changer de maison d'édition. L'édition, tout comme l'écriture, reste un domaine très humain. Chaque éditeur a ses propres goûts, sa propre vision littéraire. Certes, une maison d'édition aura toujours son image, sa ligne éditoriale mais elles fluctuent toujours en fonction des personnes qui composent l'équipe éditoriale. Je profite de ce déjeuner mi-amical, mi-professionnel (telle est la nature du monde de l'édition !) pour obtenir plus de détails sur son nouveau rôle et les types d'ouvrages qu'elle recherche. Sans oublier, bien sûr, de lui demander les nouvelles du petit dernier et de l'avancement des travaux dans sa maison de vacances. Autour du café, je lui parle de deux romans qui me semblent correspondre parfaitement à la ligne éditoriale qu'elle développe. Elle est toute ouïe et me demande de lui envoyer les fichiers dès que possible pour lecture.
14h30. Je traverse le 6 e arrondissement pour participer à un comité de lecture. J'assiste tous les trois mois environ au comité de lecture de cet éditeur pour lui présenter en détail tous nos nouveaux ouvrages représentés. Il s'agit d'un groupe d'édition avec des marques à la fois littéraire et populaire et les différents éditeurs rassemblés m'indiquent, suite à ma présentation, les ouvrages qu'ils souhaitent lire.
16h. De retour au bureau, je me pose sur le canapé à l'écart de l' open space pour lancer un appel Skype entre l'une de nos auteurs, qui habite en Normandie, et un éditeur parisien intéressé par son dernier roman. Il s'agit du 4 e roman de l'auteure et du deuxième qui a dépassé le fameux seuil de 1000 exemplaires. Après quelques mois de prospection, ce n'est pas un éditeur qui a manifesté son intérêt, mais deux ! Aujourd'hui, elle rencontre (virtuellement en tout cas) le deuxième éditeur. Deux personnalités très différentes, deux images du même livre, deux pistes possibles de re-travail. Je rappelle l'auteur immédiatement après la fin de la conférence pour que nous débriefions. Elle est enthousiaste, mais un peu perdue. Je l'écoute et lui redonne des détails sur les profils de chaque maison et de chacun des éditeurs, pas les informations que l'on trouve sur le net mais celles que l'on a quand on passe du temps dans les coulisses. On pèse le pour et le contre ensemble. Je lui conseille de prendre son temps, lui rappelle certains commentaires faits par chaque éditeur qu'elle n'avait pas forcément notés. Je pense qu'elle apprécie le regard neutre et bienveillant que je lui offre, car il peut être difficile pour un auteur, comme pour tout créatif, de se distancier du rapport chargé d'émotions qu'il a avec son œuvre. Elle raccroche pour se replonger dans son texte et réfléchir à son choix.
17h. Je me glisse à nouveau derrière mon écran. J'écris à une toute nouvelle étoile pour la féliciter de son entrée dans le programme En route vers le papier et lui propose d'organiser un rendez-vous téléphonique pour faire connaissance. Ce que j'aime dans mon métier, au-delà de la découverte de magnifiques textes, c'est avant tout l'aventure humaine : échanger avec les auteurs, connaître leur lieu de vie, leur métier, leur rapport à l'écriture et leurs projets en cours, s'ils ont des maisons d'édition dont ils rêvent, leur vision pour leur livre... Dans la foulée, je commence à rédiger un argumentaire de son ouvrage qui mêle des informations sur le titre en tant que tel et des informations commerciales.
18h. Pour clôturer ma journée, j'envoie aux éditeurs rencontrés aujourd'hui les différents ouvrages qu'ils m'ont demandés, accompagnés d'un petit mot les incitant à se plonger rapidement dans les textes.
19h. Et hop, de retour dans le métro, liseuse à la main.