Après avoir rencontré les voix françaises de Vaiana, nous avons eu l'immense privilège de pouvoir échanger quelques mots avec la productrice du film, Osnat Shurer, ainsi que les deux réalisateurs de génie John Musker et Ron Clements à qui l'on doit entre autres La Petite Sirène, Aladdin et La Planète Au Trésor.
Nous voyons un monde que vous n'avez jamais exploré avant chez Disney, comment avez-vous réussi à le représenter à l'écran, quels types de recherches avez-vous menées ?
: Ron Clements John Lasseter notre big boss adore tout ce qui est recherches. Cela a beaucoup influencé le travail sur notre film d'animation. Il y avait cette envie de parler de cet univers, des îles du Pacifique, et il y a cinq ans lorsque nous lui avons présenté l'idée, il a adoré en nous disant " j'adore l'idée mais il faut faire de la recherche, il faut que vous appreniez davantage de quoi ce monde est fait ". Alors on est allé, bien obligés évidemment, visiter les îles de Samoa, de Fidji, de Tahiti et bien d'autres et nous avons appris l'histoire de la navigation, car c'étaient les plus grands navigateurs au monde à l'époque, et nous avons aussi compris à quel point la mer, l'océan, était un facteur absolument unique et très important. L'océan pour eux est une créature vivante, c'est un être humain et tout tourne autour, dans ces îles, du respect et de la connaissance de la nature. Donc entre l'océan, la nature, le respect pour le passé, ses ancêtres, tout cela a informé notre film infiniment et tout ce que nous avions écrit comme première mouture nous l'avons jeté après ces voyages et cette recherche pour réécrire vraiment l'histoire que vous avez dans Vaiana, car cette histoire est profondément inspirée par cette recherche.
C'est votre premier film en tant que productrice avec ces deux réalisateurs légendaires, comment avez-vous travaillé sur cet incroyable projet ?
: C'était un honneur de travailler avec ces deux réalisateurs de légende dont je connais tous les films, et certains d'entre vous ont probablement grandi avec (NDLR : on confirme !), il ne faut pas oublier que l'animation c'est avant tout l'art de la collaboration par excellence chez Disney. Dès le départ nous avons travaillé avec des scénaristes, des personnes rencontrées lors de voyages dans les îles du Pacifique, des experts, des archéologues, des anthropologues, des maîtres tatoueurs, des chorégraphes. Nous avons formé grâce à eux ce que nous avons appelé le Osnat Shurer Oceanic Story Trust qui convenait au propre Story Trust de Disney car nous avons une tradition où tous les animateurs, tous les réalisateurs, collaborent ensemble. Petit à petit nous avons formé une grande famille qui a permis ces visuels et cette réalité. Notre premier scénariste venait des îles du Pacifique, un de nos musiciens aussi. Il y a une vraie corrélation, une véritable importance de cette collaboration entre les vrais habitants des îles du Pacifique et notre travail à nous chez Disney Animation.
Pourquoi dans un film entièrement fait en images de synthèses avez-vous choisi de faire de Mini Maui un personnage animé en animation 2D traditionnelle ?
: Nous adorons comme vous le savez l'animation traditionnelle, mais il n'y a d'ailleurs pas que Maui qui est fait en 2D la scène d'introduction l'est aussi, c'est John Musker Eric Goldberg qui est un immense animateur en animation traditionnelle (NDLR : on confirme, on lui doit entre autres l'animation du Génie dans ) qui nous a aidéS là-dessus. Dans ces îles il y a une tradition de sculpture mais pas vraiment une tradition de peinture. Mais il y a une tradition formidable qui est celle du tatouage. Ce tatouage nous a permis d'illustrer une idée qui a évoluée lors de la conception du film, une idée que Maui aurait une sorte de conscience, un Jiminy Cricket, un alter ego qui serait illustré par un de ses tatouages, son Mini Maui. Cela ponctue de façon intéressante ce dialogue entre Maui et son alter ego. Cela a permis de donner une voix qui le contredise et qui l'empêche lorsqu'il devient trop prétentieux d'accentuer ça, c'est la voix de sa conscience, et c'est aussi un allié pour Vaiana puisqu'elle peut communiquer avec lui. Et nous nous aimons évidemment infiniment ce mélange entre l'animation traditionnelle à la main sur papier et l'animation en CGI, qui est la majorité du film.
Vaiana est un mélange de plusieurs héroïnes, entre tradition Disneyenne et modernité ?
Ron Clements : C'est vrai que nous avons animé différentes héroïnes, Ariel dans La Petite Sirène, Jasmine dans , Tiana dans La Princesse Et La Grenouille, mais je crois que Vaiana est vraiment unique, son voyage est héroïque, c'est une véritable héroïne, elle n'est pas dans une quête amoureuse, il n'y a pas d'histoire d'amour, elle veut sauver le monde, sauver son monde et son peuple, donc elle est pour moi une héroïne d'action, d'ailleurs à travers le film beaucoup de choses sont mises à l'épreuve, son courage, son endurance, sa compassion. Elle doit à chaque fois prouver qu'elle est capable d'être autre chose que ce à quoi elle est destinée. Et pour nous évidemment elle réussit et elle passe le test haut la main. Elle devient une héroïne d'un nouveau genre et d'une nouvelle époque.
Il semble que deux films vous aient beaucoup inspirés : La Planète Au Trésor et Fantasia 2000, pouvez-vous nous en dire plus ?
John Musker : La scène de Fantasia 2000, avec le volcan, réalisée par des Français, nous a inspirée. Elle a été un tremplin, mais il y a beaucoup d'autres influences. Vous parliez tout à l'heure de La Planète Au Trésor, oui c'est un road trip aussi mais le mentor ne ressemble pas vraiment à Maui et Jim vient d'une famille compliquée, il a perdu son père et c'est un adolescent quand même assez renfermé sur lui-même, ce qui n'est pas du tout le cas de Vaiana.
Ron Clements : J'ai aussi oublié de rajouter un truc qui sépare Vaiana des autres héroïnes : elle a deux parents !
John Musker : Il y a des analogies bien sûr mais nous avons été ailleurs aussi, notamment dans la culture, l'on se demande " va-t-on véritablement perdre toute une culture ? ", et puis il y a le côté musical, il y a beaucoup de chansons, ce qui n'était pas le cas de La Planète Au Trésor où il n'y en avait qu'une.
Jusqu'où peut-on aller dans un dessin animé en termes de réalisme sans qu'il ne devienne un film ? Vous êtes-vous imposés des limites de manière à ce que cela reste un dessin animé ?
John Musker : C'est vrai que l'on a parfois l'impression que les CGI sont presque trop réels, donc on a essayé de s'éloigner de l'hyper réalisme. Nous avons voulu avoir des détails très précis, des impressions, des regards, mais nous avons chorégraphié ça de façon particulière, nous avons presque été non pas dans la caricature mais nous avons été quand même un petit peu là-dedans quoique de façon subtile. C'est ça aussi la beauté de l'animation. On aime l'océan. Nous avons voulu montrer la réalité de l'océan, dans sa force, dans ses reflets, dans ce qu'il est, mais nous avons voulu aussi montrer que c'est un personnage à part entière. Il y a une volonté un peu hybride d'être dans le réalisme mais aussi dans une beauté légèrement caricaturée. Par exemple nous avons amené des photographies de nos voyages, mais nous avons poussé cette réalité et fait autre chose dans le film car nous ne voulions pas simplement dupliquer les formes, les couleurs, les mouvements, nous voulions aussi dupliquer toute l'émotion qui nous été restée de tous ces voyages.
Avez-vous déjà pensé à faire des cross-over des personnages Disney, comme la petite sirène rencontrant Vaiana ?
Ron Clements : Non, mais il y a des clins d'œil dans tous nos films (NDLR : les réalisateurs se caricaturent dans leurs films, dans ils sont Pua le cochon et Hei Hei le coq).
Osnat Shurer : Non, même s'il y a des clins d'oeil dans . Ca nous amuse et vous verrez si vous regardez bien des petits clins d'œil. Mais en général chaque film d'animation a son univers, son style visuel, différents lieux, donc faire un cross-over -sauf si c'est pour la plaisanterie comme dans la série Once Upon A Time- cela n'irait pas. Pour nous chaque film doit avoir son univers propre, son personnage. Ca ne marcherait pas. Mais il ne faut jamais dire jamais.
Ron Clements : Attendez Les Mondes De Ralph 2, qui se passe sur internet, vous aurez aussi des surprises mais on en dira pas plus !
Un immense merci à Audrey, Jason, aux équipes chez Disney et à Osnat Shurer, John Musker et Ron Clements.