Si vous avez déjà lu du Michel Tremblay, Les Chroniques du Plateau Mont-Royal ne serais-ce que ça, vous savez que le plateau de l'enfance de Tremblay n'en était pas un très très riche. Il baignait même dans la misère morale et financière.
Peu à peu, avec le temps, la plateau s'est embourgeoisé. On a rendu la misère moins miséreuse. On a embellit les lieux, avec des commerces, une rue Mont-Royal devenue considérable. Et sans pouvoir aspirer à l'Ouest de l'île de Montréal, mais sans non plus vouloir habiter dans le beaucoup plus modeste Hochelaga-Maisonneuve, la classe moyenne, ni trop riche, ni trop pauvre, s'est placée entre les deux. Sur la plateau Mont-Royal. À proximité du grouillant centre-ville. À 20 minutes de métro, parfois moins peu importe où on s'y trouve.
Il y a 30 ans, le plateau faisait la conversion de logements sociaux en condominiums. Des manifestations faisaient alors rage afin de dénoncer la spéculation immobilière dont ma génération, est ceux déjà sur place, près jeunes années 90. ont finalement été victimes lorsqu'est venu le temps d'y loger. Même les curés, en 1986, rageaient contre les spéculateurs. Les gens se voyaient forcer de déménager, les loyers ayant gagné en valeur et les propriétaires y faisant grimper leurs prix. Le quartier est plus beau, recherché, le prix du logement va inévitablement augmenter. La grosse femme d'à côté ne pourra plus se permettre d'être enceinte.
Messages anticapitalistes, manifestations, assemblées houleuses, occupations de terrains, vandalisme...c'était tout à fait la tension sociale qui fait actuellement écho dans Hochelaga Maisonneuve. J'y ai quelques amis qui y loge, dont la porte-parole même du comité BAILS, un comité de base pour l'action et l'information sur le logement social d'Hochelaga-Maisonneuve. Elle est le trait d'union entre les condos qui se bâtissent, dans leur strict droit légal et avec permis, ce qu'elle s'assure, et le pourcentage de logements sociaux qui doit en naître pour chaque 100 unités de nouveaux condos plus chics. Elle me confirme que le pourcentage de logements sociaux reste très maigre pour chaque 100 condos. Que tout le monde reste à la remorque du privé. Le train, c'est le privé qui le conduit. Les autres devront suivre le rythme et s'ajuster. Elle est aussi en guerre permanente avec Airbnb, qui gonfle les prix artificiellement. Mon amie, porte-parole de BAILS. se trouve absolument entre l'arbre et l'écorce dans le vandalisme qui fait rage en ce moment et autour de la marmite qui boue depuis l'hiver dernier.
Mercier-Hochelaga Maisonneuve se classe 3ème à Montréal, après Ville-Marie et Centre-Sud, avec le plus grands nombre de logements sociaux. Mais le quartier est aussi marqué par des gens à très faibles revenus, beaucoup de gens à très faibles revenus, mais qui s'en accommodent. Tant que le quartier reste modeste. Ce qu'il n'est plus aux yeux de plusieurs.
Une dizaine de commerces ciblés parce que trop révoltantes avec ses propositions bourgeoises et hors de pris qui ont un effet domino sur les prix des loyers, ont été victimes d'actes de vandalisme revendiqués depuis février dernier. Trois autres commerces ont été frappés. Le BAILS autant que le FRAPRU, le Front d'action Populaire en Réamménagement Urbain, plus concentré sur le Plateau, celui-là. se sont dissociés des gens cagoulés qui ont commis les méfaits.
L'approche anarchiste est brutale.
Mais se faire déloger par l'argent, cet argent qui est un outil pour vous et un graal pour d'autres, est tout aussi brutal.
Il n'y a pas de bonnes manières de placer sa loupe sur la chose. On ne veut pas se complaire dans la misère, mais on a pas plus le droit d'imposer une gentrification qui aurait des allures de nettoyage social.
Les habitants du secteur ne s'entendent pas tous sur le sujet. Il y a les anti-mixité et les allo la co-habitation.
Mais entre vous et moi, donnez aux enfants l'idée qu'on peut se sortir de la misère, c'est une idée conne?
Même les Bougons se sont trouvé une niche enviable si on en juge le film qui approche...
En revanche, les prix des loyers du Plateau sont une insulte à l'intelligence que seuls les Français (de France) semblent en mesure de se payer. Ce qui rend le plateau à la fois inatteignable et étranger. Je me morfonds dans le 450 parce que les prix du Plateau m'ont coupé de leur réalité.
On ne pourra pas reprocher aux casseurs de ne pas vouloir en arriver là.
Alors, on fait quoi?
La guerre aux Bobos dans Hochelaga Maisonneuve, voilà un film qui ne demande qu'à être tourné.
Et qui se joue encore.
La ville y mettra-t-elle son mot?...