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En attendant la décision Bettencourt

Publié le 23 août 2016 par Culturabox

La cour d’appel de Bordeaux rendra, mercredi 24 août, son arrêt dans le volet principal de l’affaire Bettencourt qui concerne l’abus de faiblesse reproché notamment à François-Marie Banier et à son compagnon Martin d’Orgeval. En première instance, l’artiste a été condamné à trois ans de prison, dont six mois avec sursis, assortis de la peine d’amende maximale de 375 000 euros et au remboursement de 158 millions d’euros.

En attendant de connaître l’analyse que les juges d’appel ont porté sur cette affaire, on peut relire la très belle plaidoirie prononcée le 24 mai par Me Richard Malka, évoquant Liliane Bettencourt en « guerrière emmurée » par sa famille et défendant le droit et la liberté de la milliardaire à « aimer qui elle veut et à donner ce qu’elle veut. »

On peut aussi lire le très iconoclaste jugement rendu par l’un des lointains prédécesseurs des juges de Bordeaux, Paul Magnaud, que les lecteurs fidèles du Monde ont rencontré cet été, et qui présidait à la fin du XIXe siècle et au début du XXe le tribunal de Château-Thierry.

Saisi par les membres d’une famille qui s’inquiétaient de voir leur père dilapider son immense fortune et qui demandaient sa mise sous tutelle, le juge Magnaud n’avait pas laissé passer l’occasion d’une nouvelle provocation, après s’être rendu célèbre en relaxant une jeune voleuse de pain.  Voici des extraits de la décision qu’il a rendue en février 1903 sur cette affaire :

« Attendu que si X… a dépensé une partie de sa fortune, celle-ci provenait soit de son chef, soit de celui de ses parents. Que ce n’est donc qu’une partie de son propre patrimoine qu’il a pu dissiper (…) Attendu que l’un des principes fondamentaux de notre état social réside actuellement dans l’intangibilité de notre droit de propriété. Attendu qu’enlever à un citoyen qui n’est ni en état de démence, d’imbécillité ou de fureur, mais simplement prodigue, la libre disposition de ses biens, c’est porter une grave atteinte à ce principe.

Attendu en outre que, dans l’intérêt du bien-être général, il importe que les capitaux, surtout lorsqu’ils sont considérables, ne restent pas concentrés et immobilisés dans les mêmes mains et soient au contraire mis en rapide circulation. Que c’est actuellement le seul moyen de faire participer le plus grand nombre à la fortune publique et de faciliter le retour à la masse de ce qui, depuis une ou plusieurs générations, en était sorti au profit d’un seul.

Qu’un conseil judiciaire [une mise sous tutelle], se comprendrait mieux pour l’avare qui, en privant sordidement de tout, frustre ainsi, chose bien plus grave, la collectivité humaine du bien-être (…)

Attendu que dans la plupart des cas, une pareille demande n’a d’autre but que de de satisfaire les appétits de parents intéressés à ce que la fortune qu’ils convoitent ne passe pas en d’autres mains… »

Attendu tout cela, le juge Magnaud avait débouté la famille de sa demande de mise sous tutelle.


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