L’amnésique et le paramnésique

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C'est la première fois de ma vie que je traite deux patients en même temps.

La déontologie me l'interdit mais comme on dit : aucune vocation n'est à l'abri du désir de transgression...

Qu'est-ce qu'on attend pour violer les règles et pour célébrer cette violation... j'exulte à l'idée de vous rendre votre folie.

Avec moi, ce sera comme ci

Sans moi, ce sera comme ça

Comment vous vous appelez déjà ?

Yahouda et Yashoua... heureux ceux qui maitrisent l'hébreu !

J'ai votre dossier sous les yeux et tout bien pesé, vous avez tous les deux, le même problème. Un problème avec Dieu.

C'est classique comme diagnostic, ça rend perplexe et sceptique.

Je vous prie de m'excuser... pour cette banalité effrayante.

Je vous ai effrayé avec mon disque rayé d'analyste psychorigide...

Je commence par toi "Yahouda" : tu es ce qu'on appelle, un AMNÉSIQUE. Tu ne te souviens pas, tu ne souviens plus de tout ce que tu as vécu. Tu as perdu tes illusions. Ta mémoire a failli. Elle t'a trahi en t'imposant l'oubli... l'oubli de la vérité, du chemin, de la vie.

Quant à toi "Yashoua", tu es ce qu'on appelle un PARAMNÉSIQUE. Ce qui signifie en psychopathologie, quelqu'un qui se souvient de quelque chose qu'il n'a pas vécu...

Qui a l'impression de revivre, le même instant, la même situation, avec les mêmes actants comme s'il était victime d'une illusion, l'illusion du déjà vu... un paradis perdu, un enfer pavé de bonnes intentions ou un chemin de croix... au choix ! Réminiscence dira l'Occident. Réincarnation répond l'Extrême-Orient.

Laissez-moi vous regardez puisque vous prétendez que ça me regarde.

À première vue, il n'y a pas de quoi fouetter un chat.

Pour l'amnésique, il n'y a plus d'urgence.

Pour le paramnésique, il y a résurgence d'un désir refoulé qui revient pour prendre sa revanche.

Ma deuxième vue est beaucoup moins convenue :

Ne nous racontons pas d'histoires, c'est votre mémoire qu'il faut revoir... celle du premier qui croit l'avoir perdue... celle du second qui croit l'avoir retrouvée.

C'est votre mémoire qui vous a appris le sens du péché, par défaut ou par excès...

Elle a sacrifié l'un et crucifié l'autre, juste pour introduire au cœur de l'homme, le sentiment de la faute.

C'est votre mémoire qui a fait de vous, un traître et un prêtre. Videz-la !