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Albertine disparue

Publié le 16 décembre 2016 par Pralinerie @Pralinerie
Comme me l'annonçait Cléanthe, Proust se dévore à toute vitesse maintenant ! Mais tout de même, quel choc cette disparition d'Albertine. Autant pour le narrateur que pour moi. La douleur de la rupture. Et la souffrance de voir cette douleur s'estomper. 
Notre narrateur va donc décortiquer la souffrance qu'il ressent au départ puis suite au décès de sa bien-aimée, cherchant d'abord tous les moyens pour la faire revenir puis évoquant sa jalousie, qui persiste malgré la mort de la fugitive. Il faut dire que le narrateur cherche toujours des puces à Albertine, malgré sa mort. Il sonde, il enquête, il analyse... afin de résoudre cette question de Sodome et Gomorrhe. Et il oscille entre désespoir et consolation, entre jalousie et apaisement. Et il sent bien qu'Albertine, comme les autres femmes aimées, ne sera bientôt qu'un simple souvenir.
"Car il y a dans ce monde où tout s’use, où tout périt, une chose qui tombe en ruines, qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté : c’est le Chagrin."
Ces pages sur la souffrance et le chagrin puis sur leur oubli m'ont beaucoup touchée. Un peu comme ça :
"Parfois la lecture d’un roman un peu triste me ramenait brusquement en arrière, car certains romans sont comme de grands deuils momentanés, abolissent l’habitude, nous remettent en contact avec la réalité de la vie, mais pour quelques heures seulement, comme un cauchemar, puisque les forces de l’habitude, l’oubli qu’elles produisent, la gaîté qu’elles ramènent par l’impuissance du cerveau à lutter contre elles et à recréer le vrai, l’emportent infiniment sur la suggestion presque hypnotique d’un beau livre qui, comme toutes les suggestions, a des effets très courts."
Rops, Mort au bal, 1875
Autre moment fort de ce tome, le voyage à Venise, que l'on attend depuis le premier tome et qui enfin, se réalise et comble le narrateur des surprises de ses places, de ses églises, de ses canaux. 
"Et ainsi les promenades, même rien que pour aller faire des visites ou des courses, étaient triples et uniques dans cette Venise où les simples allées et venues mondaines prennent en même temps la forme et le charme d’une visite à un musée et d’une bordée en mer."

Albertine disparue est finalement assez court par rapport à d'autres tomes, d'autant plus qu'avec les retrouvailles de Gilberte Swann, désormais de Forcheville, on est déjà projeté dans Le temps retrouvé... que je dévore joyeusement !
"Mais ce qu’on appelle expérience n’est que la révélation à nos propres yeux d’un trait de notre caractère qui naturellement reparaît, et reparaît d’autant plus fortement que nous l’avons déjà mis en lumière pour nous-même une fois, de sorte que le mouvement spontané qui nous avait guidé la première fois se trouve renforcé par toutes les suggestions du souvenir. Le plagiat humain auquel il est le plus difficile d’échapper, pour les individus (et même pour les peuples qui persévèrent dans leurs fautes et vont les aggravant), c’est le plagiat de soi-même."
"Chaque impression évoquait une impression identique mais blessée parce qu’en avait été retranchée l’existence d’Albertine, de sorte que je n’avais jamais le courage de vivre jusqu’au bout ces minutes mutilées." 
"Tout ce qui nous semble impérissable tend à la destruction ; une situation mondaine, tout comme autre chose, n’est pas créée une fois pour toutes, mais, aussi bien que la puissance d’un empire, se reconstruit à chaque instant par une sorte de création perpétuellement continue, ce qui explique les anomalies apparentes de l’histoire mondaine ou politique au cours d’un demi-siècle. La création du monde n’a pas eu lieu au début, elle a lieu tous les jours."
Albertine disparue

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