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(reportage) Huit poètes d’Allemagne et de France, par Alain Lance, 2

Par Florence Trocmé

La seconde étape du projet déjà présenté dans Poezibao ( Huit poètes d'Allemagne et de France, 1 er juillet 2016) vient de se dérouler à Berlin. Nous nous sommes tous retrouvés, à l'exception de Silke Scheuermann, empêchée. Deux jours durant, Jan Wagner, Marion Poschmann, Carolin Callies, Claude Adelen, Valérie Rouzeau, Gérard Cartier et Hélène Sanguinetti se sont traduits avec l'aide de Gabriele Wennemer et d'Alexandre Pateau. Michael Hohmann, qui est à l'initiative de cette belle aventure, et moi-même, avons mis la main à la pâte. À l'issue de ces deux journées intenses, une lecture publique a eu lieu jeudi 8 décembre au soir dans la salle du Haus für Poesie. Un grand plaisir, ces retrouvailles. Poètes allemands et français ne se contentèrent pas, lors de la soirée finale, de présenter leurs textes et la traduction des autres, mais ils tinrent chaque fois à dire ce qu'ils découvraient dans la poésie du partenaire de l'autre langue.
Si on a déjà pu lire des traductions françaises de la poésie de Jan Wagner et de Marion Poschmann (notamment dans les revues Europe, LITTERall, Zone sensible et Secousse), je crois que Carolin Callies (née en 1980) n'a pas encore été publiée en France. Après quelques parutions en revues ou dans des anthologies, son premier livre, fünf sinne & nur ein besteckkasten (2015) fut salué par la critique. Voici donc trois poèmes d'elle, traduits à Berlin par " le Grand Huit ". C'est le nom de cet atelier de traduction collective qui se réunira à nouveau en mars prochain à Paris. Retenez la date de la lecture à la BPI du Centre Pompidou : lundi 13 mars au soir. Pour la Foire du livre de Francfort 2017, où la France et la francophonie seront les invitées d'honneur, paraîtra un livre bilingue rassemblant ces poètes.
Ce projet est réalisé avec le soutien et la coopération des partenaires suivants : Ville de Francfort, Fonds culturel Frankfurt-RheinMain, Ministère allemand des Affaires étrangères, Goethe Institut Paris, Maison Heinrich Heine, Institut français, Association des amis du Roi des Aulnes, Bibliothèque Publique d'Information du Centre Pompidou, Printemps des poètes.
Alain Lance

Carolin Callies
das zwitschern ist ein kleines biest
die krumen liegen, so trocken sie sind,
schon drei winter lang in den gläubigerhänden
& bisweilen wär da ein brot draus zu machen.
aber reden wir uns die krumen doch schön
oder beten darum oder essen davon
oder löschen endlich das zwitschern vom band:
da schießen spieße durch die vögel, an der zahl klar überlegen
& ich spar dir die geräusche aus, die solche vögel machen:
lispeln konnten sie zuletzt, als käm´n sie vom kassettendeck.
aber tröt ich´s oder hör ich´s aus den kehlchen, rot gewaidet
oder krumenvoll geendet
oder kehren wir jetzt endlich schnäbel von der fensterbank?
les miettes de pain reposent, desséchées,
depuis trois hivers dans les mains des créanciers
& on pourrait à l'occasion en faire une miche.
mais louons quand mêm' la beauté des miettes
ou bien dévorons-les ou prions pour en avoir
ou effaçons de la bande ce pépiement :
et là, des pics empalent les oiseaux, largement plus nombreux
& ces oiseaux, j'te dis pas les cris qu'ils poussent :
ils n'étaient à la fin que zézaiements de radiocassette.
mais est-ce moi qui claironne, ou leurs gorges rouge-sang
ou tout finit en miettes
ou balaie-t-on enfin ces becs de l'appui des fenêtres ?
sind´s der weltmeere sieben, die ich nicht kenne:
das weiße, das laute, das schnelle, das falt´ge,
rundgeborne, federlassende & eins mehr noch.
das sind die sieben weltmeere, die in keine himmelsrichtung zeigen
- wo osten wär, wär auch zuviel gesagt
& dermaßen große schiffe auf wässern,
ich könnt sie gar nicht alle zählen. bis an die zähne hin bewaffnet,
meer, flotte & die kacheln, auf denen schlachten abgebildet waren.
die kacheln hinterm ofen, alleiniges seeblau,
begreif doch: das meer ist nicht minder olive
& zähl an den blättern (so knorrig verweilend), ich mein,
dieser baum hätte ärmel so viel wie das meer nicht minder kanäle zur stadt.
korrigier diese haltung: wir halten sie fest & sind uns drin einig -
das meer ist ´ne schwimmhaut, ist nie schwimmhaut gewesen.
das meer ist jetzt hungrig & schlecht für den teint.
um die schlacht zu gewinnen, investier jetzt in öl
& das basige etwas, das nie meer sein wollte,
korrigier mich, aber ist nicht die heizung zu klein
für die zu große menge an wasser zur see?
& versteh mich nicht falsch:
ist die leitung gekappt für ein salzweißes bad
& oliven vom teller,
der mir gestern zersprang, eine übung,
die leichter als erdkunde war.
géographie
ce s'raient du monde les sept mers que je ne connais pas :
la blanche, la sonore, la vive, la ridée,
la ronde-née, la déplumée & une dernière.
ce sont les sept mers du monde, qui ne fixent aucun point cardinal
où est l'Est, on ne saurait trop dire
& des bateaux si grands sur les eaux,
j'peux pas les compter, armés jusqu'aux dents,
mer, flottille & les carreaux, où des batailles étaient peintes.
les carreaux derrière le four, bleu marine et solitaire,
comprends donc : la mer n'en est pas moins olive
& compte les feuilles (reste là, enraciné), j'veux dire,
autant de manches à cet arbre que moins à la mer de canaux vers la ville.
corrige cette posture : on s'y tient & en cela on s'accorde -
la mer est un palmipède, ne fut palmipède jamais.
la mer est affamée & mauvaise pour le teint.
pour gagner la bataille, investis dans l'pétrole
& la chose fondamentique, qui mer ne voulut être,
corrige-moi, mais le chauffage est-il suffisant
pour l'énorme volume d'eau qui coule à la mer ?
& comprends-moi bien :
le robinet coupé pour un bain blanc-sel
& les olives hors de l'assiette,
qui hier s'est brisée dans mes mains, un exercice,
plus simple que la géographie.
küstenstreifen & wachenversehentlich hat das schiff meersalz geladen
& wirsing & lädt das jetzt ab. was es sonst zu bieten hat:
vollzählige horde von mardern, getier? oder blüten, alt & farn?
größtmögliche anzahlen kleinholz vielleicht?
wir trauen den schiffstüren nicht übern weg.
als öffnet man was & das wär dann behaust.
der kopf, aus dem wir schon fische schöpften,
graues gras & denguefieber & jetzt ziehn wir aus dem schiffsbauch
wieder folien über tiere aus dem wald.
was wir sonst nachtsüber tun:
an dem mast die zunge reiben. abgerieben.
altes brack & kerosin
& auf dem kork,
auf dem wir nun seit tagen tanzen
& nie fisch & blaukraut bei den flössern finden können.
côte & gardes-côtesle bateau par mégarde a chargé du sel
& du chou & à présent décharge. qu'a-t-il d'autre en réserve :
une bande au complet de martres, sales bêtes ? des fleurs fanées & des fougères ?
un maximum de petit bois, peut-être ?
on s'méfie comme de la peste des portes du bateau.
comme si on ouvrait et qu'c'était habité.
dans les têtes, on a déjà pris des poissons,
de l'herbe grise & la dengue & on tire à présent des soutes
des films transparents pour emballer les animaux de la forêt.
voici ce que nous y faisons aussi la nuit :
contre le mât frotter, râper nos langues.
vieille épave, flache & kérosène
& sur l'espèce de bouchon,
où depuis des jours nous dansons
& sans trouver ni poisson ni chou rouge chez les barcassiers.
Trois poèmes de Carolin Callies, " traduits par le Grand Huit "


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