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(feuilleton) Cécile Riou, "Phrase unique", 20

Par Florence Trocmé

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(…) comme autant d’heureux rappels de pétales tombés, des gros pompons roses, qui avant d’être des ornements de cheveux sont les ornements des arbres, ornements doubles, gonflés et tendres, ils deviennent, ensuite seulement, des ornements de cheveux que l’on ne porte pas forcément sur la tête, mais tête à tête chauffée au soleil, rétine à rétine étrécie de soleil (Chamarande, Étampes, persistance rétréchienne), parce qu’alors que les voisins de train reconnaissants voient finalement la tour penchée de l’église Saint-Martin d’Étampes, penchée jamais vue penchée toujours vue massive imposante et sombre, aussi je suis heureuse de partager avec ces inconnus ce que je n’aurais sans doute jamais vu seule, le trésor de la tour penchée d’Etampes « qui m’est une promesse et beaucoup davantage », et qui s’ajoute par anticipation ferroviaire à la liste des (…)
(…) Choses qui créent de l’attente
le clignotement intermittent de la lampe de chevet
le téléphone
le chant du merle tôt le matin : le jour arrive, et j’ai été réveillée bien avant par désir commun
les « incidents techniques indépendants de notre volonté » sur la ligne 5 du métro parisien
la poésie
une file avec bandeaux de sécurité et chicanes fabriquées en rubans à enrouleurs, indicateurs de temps estimé d’attente proportionnel à la longueur de ruban « ici le temps d’attente est estimé à 10 minutes »
la Loire
le week-end prochain
« le départ initialement prévu à … » de la voix SNCF, alors que vous êtes déjà installé dans le train
la voile blanche, calque découpé Mallarmé l’appelle ainsi la page
lire la suite d’un bon roman
les « incidents électriques indépendants de notre volonté » de la ligne de chemin de fer Bourges-Paris
la tour penchée de l’église Saint-Martin d’Étampes, vue de la ligne de chemin de fer Bourges-Paris
un risotto
le téléphone
(…)
(…) alors que les ors du train bleu ne créent aucune attente, sinon de régal oculaire, de partage de tableaux pédagogiques illustrant Nice, Orange, Le Puy en Velay, mais pas de partage de gigot à la tranche ou de cabillaud vapeur artichaut au fumet si tiède qu’absent, le partage est dans la filiation – je n’aurais jamais cru écrire pareille chose il y a, mettons vingt ans, mais on n’est pas sérieux quand on a moins vingt ans, et je suis heureuse aujourd’hui de pouvoir écrire le poème de ma mère, le poème du partage de ma mère, partage de midi ce midi sans orage – j’aurais pu écrire de mon père le partage est dans le fil à plomb, avec sa poudre bleue qui répandait des étoiles de bleu de travail sur le sol de ciment, des queues de comète de bleu de travail, travail toujours recommencé, travaille ma fille il en restera toujours quelque chose, je sais dans quel midi se trouve la poudre d’azur d’azur d’azur d’azur – je suis hantée, comme les (…)
(…) Choses qui sont bleues
un bol avec un dessin de chat au fond, portant grelot au cou, qui encourage à finir sa soupe
les veines
le méthylène
le cyan (ça empoisonne, il paraît, les sols miniers de Bruxelles)
la couverture en carton vergé de La marquise d’O…, de Kleist, éditions Phébus, Paris 1976
la peur
les azuléjos, à Lisbonne, et certainement ailleurs
un débutant
le Guimet (pas le musée, allons !)
l’œil de mes ancêtres gaulois, ceux qui se beurrent la chevelure
le télégramme (ça ne se fait plus)
le fond d’écran par défaut (ça ne se fait plus)
le ciel
le mot l’Azur (appliquer trois fois)
la carpe de mon fils, accrochée au mât toute l’année, pas seulement le jour de sa fête
la couverture très douce qui couvrait les bébés, même s’il faisait chaud, même si ce bébé était une fille (…)


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