Paradis du Cinéma*******Annie Hall de Woody Allen

Tel que promis, je vous offrirai en début de mois une chronique sur un film de ma vidéothèque qui a changé ma vie par sa proposition visuelle, sonore ou narrative ou encore par ses intervenants.
Qui m'a ouvert les sens.
Je ne pouvais pas faire autrement que de commencer par Woody Allen.
Parce qu'en 2017, je vous souhaite de rire.
Il m'a semblé si difficile de rire depuis l'automne.
Le monde me paraît moins rieur.
Rions tout 2017.
Ça fait tant de bien.

Et le film est un voyage si peu coûteux.
198x.
Je découvre, sur la télévision du salon, dans le gros meuble encastré qui fait face au foyer, ce qu'est un spermatozoïde. C'est un juif, pas très grand mais rond et blanc, avec des grosses lunettes en écailles et une voix un peu désespérée. Je n'ai pas 12 ans. Peut-être même pas 10.

Mais faut-il être unique pour penser un sketch du genre? 10 ans plus tard, à 1:04 explosion de rire. Je découvre Woody Allen par ce sketch dans les jeunes années 80 et plus jamais je ne le manquerai. C'est un ami.
Je verrai tous ses films comme si c'était un proche qui m'invitait à prendre un verre. Les verrai tous,  même les mauvais. J'en posséderai pas moins de 25 de ses 51.
Même des mauvais.

Mais celui dont je veux vous causer. Ça a longtemps été mon meilleur. Je crois préférer Love & Death depuis, mais c'est seulement parce que j'ai trop écouté et réécouté Annie Hall. Oscar du meilleur film, de la meilleure actrice, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario.
1975.

Woody aura 40 ans en décembre. Il vient de terminer une comédie qui a beaucoup marché (Love & Death). Il prend de longues marches avec son ami Marshall Brickman et ils discutent ensemble de nouvelles idées. Rien ne plait à Wood. Il écrit en 4 jours ses idées. Il veut un homme se négociant une nouvelle relation amoureuse. Diane Keaton, dans la vraie vie, vient de quitter Woody Allen Pour Warren Beatty. Il veut aussi parler de son souci de la banalité de la vie. Enfin il veut aussi que son personnage mette au défi son propre caractère. Il en écrit l'histoire et l'envoie à Brickman pour qu'il y mette du sien.
Pour la première fois de son oeuvre, il laissera le confort du rire facile pour tenter d'atteindre une certaine profondeur. Dans l'histoire originale, il y avait une intrigue de meurtre qui sera reprise des années plus tard (avec Diane Keaton encore) et deviendra Manhattan Murder Mystery.

Le film se nommera tour à tour Anhedonia (Le terme scientifique expliquant l'incapacité de savourer le plaisir), It Had To Be Jew, Rollercoaster Named Desire, Me & My Goy (3 titres suggérés par Brickman), Anxiety et Annie & Alvy avant de devenir Annie Hall.
Le tournage commence en mai 1976, à New York, mais plusieurs scènes seront tournées en Californie, la plupart, coupées au montage. Woody installe un personnage qui se répétera maintes et maintes fois dans la plupart de ses films futurs, parfois les incarnant lui même, parfois prêtant le côté nerveux et incertain à d'autres.

Woody, 40 ans, commence une relation avec l'actrice (une seule scène dans le film) Stacey Nelkin, qui a 17 ans. (moins mon ami, ici). Elle sera l'inspiration pour le rôle de Mariel Hemingway dans Manhattan.
Bien que Woody dira maintes et maintes fois que son film ne représente ni qui il est, ni ce qu'il aurait vécu. Diane Keaton confirme que la scène du homard s'est produite comme telle quand ils étaient un couple, que plusieurs scènes et dialogues sont liés directement à leur relation en tant que couple, que le personnage lui ressemble beaucoup et que le personnage de Paul Simon est clairement une référence à Warren Beatty. Quand elle reçoit l'Oscar de la meilleure actrice, elle se sent un peu imposteur car elle n'a  pas eu l'impression d'avoir eu à chercher bien loin pour jouer. "Annie" est le surnom que l'on donnait à Keaton et "Hall", son vrai nom original. Elle porte dans le film son linge à elle. Quand le couple se moque d'un sosie de Truman Capote dans Central Park, il s'agit en fait du vrai Truman Capote qui passe à l'écran. Le vrai Marshall MacLuhan y fait aussi une présence comme vous l'avez vu si vous avez cliqué sur les liens, c'était Fellini qui était à l'origine prévu.

Annie Hall raconte tout simplement une histoire d'amour du point de vue d'Alvy Singer, un humoriste  tentant de comprendre les raisons qui ont mené à la fin de sa relation avec Annie. Mais une histoire d'amour racontée comme ça! Fameux! La scène du balcon avec les sous-titre mentaux est l'une des formidables trouvailles de l'auteur/acteur/réalisateur/scénariste.
Premier pas de Woody Allen vers les films dit "plus sérieux" (tout en restant fondamentalement drôle), avec l'ajout du directeur photo du Godfather, Gordon Willis. Ce dernier travaillera plusieurs fois avec Allen, s'en faisant un ami. et remportant l'Oscar du meilleur directeur photo pour Zelig, 6 ans plus tard, avec Woody.

Pour amateurs de comédie dramatique, de New York, de personnages névrosés accro à la psychanalyse, d'autodérision, de modernisme, d'urbanisme, d'identité juive, d'amours compliqués et cérébraux.
Voté scénario le plus drôle par la Writer's Guild of America en 2016.
Cette année marquera le 40ème anniversaire de sa sortie et de la récolte de ses 4 prestigieux prix.
Riez 2017.