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A la recherche de la donnée médicale : un écosystème en construction

Publié le 02 janvier 2017 par Pnordey @latelier

Des appareils de surveillance ou de mesure aux appareils miniaturisés implantés dans le corps humain... De plus en plus de technologies permettent de collecter des données concernant l’organisme. En quoi est-ce que cela révolutionne le futur de la médecine ? Eléments de réponse récoltés au Hello Tomorrow de San Francisco.

« Les systèmes de santé ont toujours été pensés pour les malades, et non pas pour les patients sains. Le modèle de santé traditionnel est aujourd’hui bouleversé par une nouvelle préoccupation au-delà de la maladie, celle du bien-être. » À l'événement Hello Tomorrow The future of healthcare, qui s’est tenu le 15 décembre à San Francisco, Mitesh B. Rao, a mis le doigt sur un changement de perception fondateur. « Cela modifie notre manière de penser à l’innovation dans le secteur et aux moyens d’apporter de meilleurs soins aux patients. » Il ne s’agit plus seulement de soigner mais aussi de prévenir la maladie en se concentrant sur le bien-être grâce aux données.

C’est la raison d’être des wearables, parfois gadgets, comme les bracelets connectés Fitbit, Garmin ou Jawbone qui mesurent l’activité. « Ces appareils apportent un certain niveau d’information : ils nous disent si on ne marche pas suffisamment en comptant le nombre de pas effectués en une journée ou nous rappelle de nous lever si on est resté assis trop longtemps… », rappelle le docteur Rao. « Ce qu’il faudrait désormais ce n’est pas seulement un appareil qui donne une information mais tout un écosystème de données médicales. » Et c’est ce que nous réserve l’avenir, si l’on en croit les experts présents à Hello Tomorrow.

A la recherche de la donnée médicale : un écosystème en construction

Michel Maharbiz et Bernard Malavaud répondent aux question de Hank Greely au Hello Tomorrow - Future of healthcare à San Francisco.

Des wearables aux nano-appareils implantés dans l’organisme : l’interaction homme-machine en croissance

Les wearables sont aujourd’hui répandus dans les pays développés. Certains d’entre eux ont même vocation à détecter les crises d’épilepsie ou les risques d’arrêt cardiaque. Pour mieux agir sur le corps, les spécialistes conçoivent également des dispositifs implantables au sein de l’organisme afin d’obtenir une meilleure interaction homme-machine.

Celui du professeur Bernard Malavaud servira à lutter contre le cancer, une maladie qui tue « tous les ans aux Etats-Unis, environ 600 000 personnes, soit l’équivalent de la population d’une ville comme Washington. En comprenant mieux la maladie, il est possible de mieux agir pour la vaincre via des traitements personnalisés ». Le petit appareil du chirurgien et oncologue se présente sous la forme d’une corbeille à papier microscopique. Le dispositif est conçu spécialement pour pouvoir être injecté dans le flux sanguin d’une manière non-invasive et capturer les cellules cancéreuses en circulation.

« La difficulté c’est qu’elles sont très rares. Il y en a une sur dix millions. Un peu comme si on cherchait 32 personnes sur les 320 millions que comptent les Etats-Unis », précise Bernard Malavaud. Heureusement, ces cellules cancéreuse en circulation dans le sang ont des caractéristiques qui permettent de les distinguer : « bien qu’elles soient furtives et létales, elles sont aussi rigides et un peu épaisses ».

Les trous de la corbeille microscopique laissent tout passer sauf ces cellules qui restent bloquées. « L’expérience est un succès, elle a été répétée plusieurs fois, on peut ainsi capturer, caractériser, analyser et mettre en culture ces cellules tumorales », s’enthousiasme le professeur à l’Institut Universitaire du Cancer à Toulouse. Les informations collectées permettront ensuite à la fois d’orienter le patient vers un traitement personnalisé et de limiter les coûts des soins. L’avantage de cette initiative est qu’il suffit d’une simple aiguille pour procéder à l’expérimentation.

Le dispositif neuronal du professeur Maharbiz augmente le champ des possibles

La plupart du temps, les dispositifs implantés dans le corps humain le sont par des procédés plus agressifs, qui nécessitent souvent des incisions sous anesthésie. C’est le cas pour le pacemaker mais également pour les implants cérébraux qui atténuent les symptômes de la maladie de Parkinson ainsi que pour tous ces appareils qui font dire à Michel Maharbiz,  professeur à UC Berkeley que « nous serons tous hybrides, mi-organique, mi-technologique ». Le sien compris. Avec Jose Carmena et le reste de leur équipe, il a créé un nano dispositif, sorte de capteur sans fils qui fonctionne par ultrasons pour communiquer des informations en temps réel sur l’activité du cerveau.

« L’organisme a tendance a rejeté les corps étrangers. C’est la raison pour laquelle le nôtre est de la taille d’un grain de sable. Il faut l’implanter au plus près des neurones pour capter la bonne fréquence, le faire réagir à l’activité neuronale et lui faire envoyer des signaux à l’extérieur », vulgarise pédagogiquement Michel Maharbiz. « En plus de surveiller l’activité neuronale, cela pourrait également avoir d’autres applications. D’ici un mois on pourra s’en servir pour stimuler l’activité neuronale et ensuite on peut imaginer la même chose pour des organes comme le foie ou le rein… le champ des possibles est incroyable. » Il évoque comme autre exemple la possibilité d’envoyer des signaux pour couper l’appétit.

Un implant neuronal pourrait aussi permettre de manipuler des prothèses... à moins qu’il ne soit possible de se passer de craniotomie comme le proposent des chercheurs de l’université du Minnesota. Leur invention repose sur un casque et le pouvoir de la pensée : avec un peu d’entraînement, des patients parviennent à faire fonctionner un bras robotisé en imaginant qu’ils le soulèvent. Des technologies impressionnantes mais qui ne sont pas exemptes de risques.

Des technologies qui soulèvent des questions éthiques... et quelques risques

Le premier risque auquel chacun pense est celui de l’atteinte à la vie privée. Comme au Slush, la question de la propriété des données se pose. “À qui appartiennent toutes les informations collectées auprès des patients et autres utilisateurs ? Comment s’assurer que ces données soient utilisées de manière appropriée ? Qu’est-ce qui leur arrive par la suite ?”, s’interroge Mitesh B. Rao. Ce dernier s’inquiète qu’elles soient vendues à des entreprises ou même perdues, comme c’est arrivé l’an dernier à un hôpital près de Boston.

Pour obtenir ce type d’information, des personnes mal-intentionnées sont capables de pirater ces appareils médicaux, comme les pacemakers par exemple, avec le risque qu’ils interfèrent directement avec leur fonctionnement et menacent la santé du patient.  Et s’il était possible de manipuler le cerveau humain en hackant un dispositif neuronal ? Cela reste de la science-fiction mais les inquiétudes sont réelles. La FDA (Food & Drug Administration, l’organisme qui autorise la commercialisation des médicaments) vient de proposer une série de recommandations pour éviter que cela ne se produise. Les experts sont bien conscients des dangers et s’attachent à les maîtriser. Ces données seront bénéfiques au patient, lui permettront de mieux comprendre sa condition, à condition d'avoir résolu en amont les problèmes que cela pose.


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