Magazine Culture

(feuilleton) Cécile Riou, "Phrase unique", 26

Par Florence Trocmé

Lire la présentation de ce feuilleton et les épisodes déjà publiés en cliquant sur ce lien.
(…) lierre veiné de noir, comme le café dans la tasse noire de bistro, à facettes larges et de hauteur modérée, qui appelle d’abord le silence après la première gorgée, puis quand la place se libère, après la troisième gorgée la parole se déplie un peu, ankylosée, engoncée dans ses habits noirs et amers de café, ses habits trop forts de café (est-ce que Balzac se taisait aussi dans sa tasse mouillée et sa robe de chambre fermée d’un cordon ? Est-ce que Mallarmé trempait sa moustache dans son café le matin pour se consoler de se taire, est-ce qu’ils en avaient marre (de café) d’attendre que ça se passe ?), la parole se défroisse mais trop tard, ses pétales tombent sur la nappe, mi cuits et mi confits comme les (…)
(…) CHOSES QUI ÉVOQUENT LA DISPARITION
les pétales de coquelicot
Callas, un mazagran, Avida Dollars, un turban d’astrakan
une affiche, plusieurs affiches au commissariat, représentant chats, chiens, humains
celui dont le patronyme ressemble un peu au votre, Anton Voyl, consonne, voyelle qui forme un trou, consonne, consonne, assemblage rare
la descente aux Enfers, dans L’Odyssée, dans l’Eneide, dans Rabelais, et partout ailleurs
l’idée de se mettre à sa déclaration de revenus pourrait bien pousser à
– mais où sont encore les clés, bon sang !
– sur la crédence nue (…)
(…) enfin quand on dit nue, on comprend bien la nuée, les nuages, la nue, celle que je contemple de ma chambre d’enfant, dans ma chambre une lampe est éteinte et deux autres allumées, on ne put pas dire combien d’oreillers font (dans, allumées, d’oreillers) le pendant de l’oreille ou du cou, ce serait dire de combien de corps est faite cette créature (pendant, combien, faite) assemblée là par un docteur Frankenstein tête pieds et épaules le tout plus proche du mille pattes (là, pied, mille-pattes) il est vrai qu’on n’y voit rien du tout, qu’on ne sait pas s’y prendre mieux qu’avec les (…)
(…) CHOSES QUI POSENT PROBLÈME
les tyrans
le temps nécessaire  à la correction des copies
la résistance au bruit
l’écartement des rails à la frontière franco-espagnole et italo-slovène
la ponctualité de la SNCF
le remplissage d’une baignoire, compte tenu du goutte à goutte qui met un temps certain sur un certain quotient de capacité
qui a deux maisons perd sa raison, qui a deux femmes perd son âme
une violoncelliste qui porterait une jupe crayon (…)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines