Et les amoureux, et les malheureux, et les vaporeux.
La vie, la femme, la lumière, le bébé, le boulot, la voiture, le carburant, la famille, l'image, le rêve, le voyage, le ciel, la mer, la rivière, la fille, la photo, le soir, la nuit.Je ne sais plus me mettre à ma place, enfiler les habits, placer le masque, marcher droit, saluer les amis. Je ne sais plus dire je, enfin je dis je mais cela ne rime à rien, cela n'a pas de profondeur, ce sont des paroles en l'air. Ce n’est peut-être pas important d'ailleurs, le tout, c’est d’échapper à soi-même, de prendre du recul sur sa propre personne, et surtout surtout, de ne pas se regarder dans la glace, car l’image est inversée, et ce que vous prenez pour de la réalité est exactement son contraire. Un mensonge et un appauvrissement de votre être.A la bonne peurEn ce début 2017, j'ai peur, il y a un grand méchant très méchant, les médias disent qu'il est très affreux sale et méchant, il me terrorise, il terrorise la planète entière. La guerre des étoiles devient réalité, l'invasion bientôt, le carnage, l’horreur, la honte. L'humanité tout entière est dans les mains d'un sombre crétin. Idiot utile ou homme tranquille ? Qui avance sûr de lui. Qui va panser les plaies, s'il vous plaît. Qui va venir en aide à ceux qui pleurent, à ceux qui ont froid, à ceux qui ont faim, l'homme providentiel, celui qu'on attendait plus, l'homme à la poigne de fer. Il tape du poing sur la table, il se fait entendre, les soldats le respectent, les soldates aussi, les policiers les policières, les fonctionnaires les fonctionnaires, les professeurs les professeures, les maîtres les maîtresses, les auteurs les auteures, les criminels les criminelles, les enfants les enfantes, les lions les lionnes, les avions les avionnes, les bons les bombes, les banquiers les banquières, les mères les pères, les camions les camionnes, les canyons les canyonnes, les ronds-points, les rondes de pointe.Chacun dans sa tanière s'efforce d'être à la hauteur de ce grand homme. Chacun se dit voici venu le temps de l'île aux enfants, voici venu le temps des loups dans la plaine et des loups dans la ville. Chacun espère sa clémence, sa pitié. Sous ses habits dorés, le roi est tout nu. Toutes glaces dehorsJe ne me regarde plus dans la glace, j'ai décidé d'être honnête. Commence par l'homme que tu vois dans le miroir et le reste suivra. Coup de fil que je t'envoie dans la poire, soudain tu ne discernes plus rien. Quand il fait froid, il ne faut pas mettre un chien dehors, pas même une chienne ; il ne faut mettre personne dehors, sauf les pingouins et les pingouines, les ours blancs et les ours blanches,les skieurs aussi et les skieuses, qui savent si bien esquiver les obstacles ; ceux-là on peut les mettre dehors et celles-là ouais également, rien ne leur fera peur, ils/elles sont paré(e)s à tout événement. Et pourtant elle tournera sans moiMalgré tout, je n'arrive pas à m'imaginer un monde sans moi ; je n'arrive pas à m'imaginer ce que sera cet instant précis, 7h12, 13 avril 2067, le printemps renaîtra, au rendez-vous du bonheur, il y aura des fleurs, les filles les garçons dans la rue, il y aura de la joie, dans l'air des petits oiseaux, à 7h12 le 13 avril 2067, ce sera le matin, le soir on se fera un film sur grand écran, directement dans le salon installé à l'intérieur de notre tête, par puce interposée, et oui, en ce temps-là tu pourras t'aménager ta propre salle de cinéma mentale, avec un système de son exceptionnel et un public trié sur le volet, un auditoire exceptionnel composé d'amis et de personnes illustres, tous tes amis virtuels conviés à l’événement, tu seras bien dans ta tête, tu te serreras bien fort avec les autres. Bien au chaud, dans ton enclos cérébral...
La mort ne sera plus... ni la vie d'ailleurs
Ne croyez pas que je divague, je sais pertinemment ce que je pense et ce que je ne dis pas ; et l’un ne va pas sans l'autre, on a exécuté des innocents pour bien moins que cela… Je n'ai pas prétention à innover en la matière, je suis juste un gars ordinaire, un peu rêveur sur les bords. Dans le futur, nous n’aurons plus besoin de voiture, notre travail se fera à domicile, il n’y aura plus de bureaux, plus de cafés, plus de restos, plus de salles de conférence, plus de rencontres. Nous serons assignés à résidence, seuls, chez nous, dans notre petit mètre carré de surface habitable, même la famille ne sera plus, les enfants nous seront enlevés dès la naissance, pour être éduqués convenablement, conditionnés, formatés, par la société, telle qu’elle le voudra, elle nous choiera comme de parfaits petits employés futiles; nous pourrons nous consacrer à notre sentiment de réalisation personnelle, voir, regarder, acheter, cliquer, liker, buzzer...Nous ne verrons même plus la mort venir, car elle nous sera devenue inconnue ; au premier signe de délitement, on nous injectera et nous partirons, en catimini, vers l’inconnu, tandis que de zélés agents remplaceront nos noms, effaceront notre existence, balaieront notre mémoire ...