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Vous avez dit « amour »? Non, j’ai dit « Dark romance »

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Vous avez dit « amour »? Non, j’ai dit « Dark romance »Ah l'amour... thème universel dans la littérature.

Amour platonique, amour fou, amour tragique ou dramatique, amour impossible, amour passion, amour et haine, amour à deux, à trois, amour aveugle, amour destructeur...

Amour qui fait perdre la raison, annihile tout sens critique, amour qui brouille les repères, détruit les valeurs, amour prétexte, excuse, illusion, amour invraisemblable...

Invraisemblable et dangereux quand de nos jours il est présenté comme LE produit miracle à toutes les situations, comme une potion magique vendue sans posologie ou tellement édulcorée qu'on en oublie ce qu'on avale.

Prenons une recette suivante :

- Exit les milliardaires et types célèbres de la New Romance et bienvenue aux sociopathes assumés. (Ceci dit, la nuance entre les deux est parfois tenue. Les " héros " de la dark romance sont souvent des Grey sans cravate et ayant déménagé en banlieue. Clark Kent sans lunettes quoi...). On prend donc un mec trop dangereux, mais beau à se damner, arrogant, manipulateur, dominant, sans âme, souffrant de blessures prenant racines dans son enfance.

- Une femme douce, innocente, introvertie, cruche très souvent, victime de préférence mais aussi, parfois, sensuelle, libérée mais toujours, derrière, une blessure aussi.

Parce qu'il y a toujours des fissures chez les êtres. Là, n'est pas le problème. Le problème vient de la solution.

Saupoudrez la rencontre de " ces deux êtres si imparfaits et affreux " (merci Musset) d'une bonne dose d' " Amour " en solution pure et par miracle on en oublie le goût amer que pourrait laisser certaines histoires.

Mais l'amour n'excuse pas tout, ne résout pas tout et il serait bon de le rappeler. Prenons quelques exemples déjà publiés:

" J'aime le soulagement que procure l'acte sexuel. Il n'est pas grand-chose qui me procure du plaisir, et le sexe ne m'en donne pas beaucoup, mais c'est pour moi un exutoire. J'adore franchir les limites des autres. J'adore les dégrader. Sadique, moi ? Oui. "
[...] L'empathie n'était pas mon fort jusqu'à ce que ses yeux verts croisent les miens dans un miroir... et que je sois incapable de lui ôter la vie. "

" Leur amour peut les sauver... ou les détruire.
Michael Crist. Un nom qui fait frissonner chaque fille de notre petite communauté privilégiée de la côte Est. Moi comme les autres. Sauf que moi, ce n'est pas sa beauté à couper le souffle ou le fait qu'il soit riche et adulé qui me fascine - enfin, pas seulement. Non, moi, c'est la noirceur que je devine sous sa carapace dorée. La violence dans son regard noisette. Son mépris pour les règles, les lois, la morale. Ce miroir permanent de tout ce qui est noir et sombre au fond de moi. En dix-neuf ans, Michael ne m'a jamais jeté un regard. Mais, le jour où il s'intéresse à moi, je ne sais pas si je dois être excitée... ou terrifiée. "

" La vengeance. La vengeance est le but ultime de Caleb. Il la prépare depuis douze ans. Pour réussir, son " arme " doit être vraiment spéciale. Elle sera un cadeau inestimable dont tout le monde parlera.
La fille qu'il surveille de l'autre côté de cette rue passante est parfaite. Elle est différente de ses proies habituelles. Elle n'est pas consentante, elle n'est pas vendue par son père, elle ne lui a pas été envoyée... Elle sera sa conquête.
Dans ce huis-clos étouffant, le bonheur est-il encore possible? "

C'est magnifique n'est-ce pas ? C'est beau comme une rencontre, dans une ruelle déserte, avec un type armé. C'est romantique comme une séance de torture. C'est passionnel comme un viol avec séquestration. Dans la vraie vie, ça donnerait ça :

Vous avez dit « amour »? Non, j’ai dit « Dark romance »

Ou dans le meilleur des cas:

Vous avez dit « amour »? Non, j’ai dit « Dark romance » Mais pas dans la nouvelle tendance Dark romance, tellement cool, tellement avant-gardiste.

La morale ? On s'en tape ou plutôt on va se taper sa sœur, son frère, son père. Après tout la famille, c'est de l'amour aussi, non ?

Les droits élémentaires de l'individu ? Franchement, qu'est-ce qu'on s'en fout qu'elle soit consentante ou pas. Après tout, elle a dit non, elle est ligotée, bâillonnée, séquestrée, mais elle a pris son pied non ? Alors où est le problème ?

Un minimum de vraisemblance ? Laissez-moi rire. Tout le monde sait que n'importe quel monstre peut être guéri grâce à l'amour. C'est Disney qui l'a dit. Suffit de regarder comment la Belle a conquis la Bête. ( Je vous invite à relire le conte original d'ailleurs pour avoir un autre aperçu de la chose).

" Allons mesdames (oui parce que curieusement les mecs ne sont pas encore suicidaires au point d'écrire ce genre de trucs. Imaginez le scandale !) vous n'allez pas rester sur un petit viol à la missionnaire ? Qui dit mieux ? Ah ! ma droite, une petite sodomie. Non consentie bien sûr. C'est mieux, mais vous pouvez surenchérir. C'est devenu b-anal la sodomie (facile). Alors ? Alors ? Un viol à plusieurs ! Beaucoup mieux... Avec accessoires et des coups ? C'est génial... " La classe, quoi.

" C'est bon : c'est juste une histoire pour se détendre. C'est juste des fantasmes de femmes. Réflexions de féministe tout ça. ". Après tout, c'est vrai : les droits de la femme se portent bien. Il n'y a pas à s'inquiéter. D'ailleurs pour me lancer dans la tendance Dark romance, je vous propose un projet de roman dont voici le synopsis :

" Claire rencontre son prince charmant à la fac. Elle est timide et réservée. Chris est charmeur et séducteur. Très vite, elle succombe. Mais très vite aussi, elle découvre la face sombre de Chris. Quand la première gifle tombe, Claire est anéantie, mais son amour pour Chris la pousse à lui pardonner quand il s'effondre en larmes devant elle. Elle connait son passé. Elle sait qu'il a souffert. Il promet de ne jamais recommencer : elle le croit. Mais la Bête a montré le bout de son nez. Viols, coups, humiliations, séquestration, Claire est prête à tout supporter pour sauver l'amour de sa vie. Parce que Chris l'aime. C'est certain : il lui a dit la dernière fois qu'il lui a pété les côtes et rendu presque aveugle. Si elle fait tout ce qu'il demande, elle le sauvera. "

C'est curieux, mais présenté comme ça, ça donne moins envie, hein ? Pourtant, j'ai du sexe, de la violence, un couple avec des failles. De l'amour... Non ? Vraiment pas ? Vous êtes difficiles quand même !

Entendons nous bien : tous les romans de dark romance ne sont pas à mettre dans le même panier et certains analysent finement ces relations toxiques. Malheureusement, nous sommes dans une logique de surenchère permanente et c'est là l'écueil. Parce que faire passer du " pas normal " pour du " normal ": c'est pas normal. Présenter la violence comme un élément banal dans une relation de couple est la limite à ne pas franchir, même enrubannée dans du papier rose et étiquetée " Amour passionnel ".

Je suis de celles qui pensent qu'en littérature comme dans le reste il ne doit pas y avoir de sujets tabous. On peut tout écrire, même des histoires aussi malsaines que les sujets de la dark romance. A condition de le faire intelligemment et avec un truc formidable, un godemichet pour cerveau et un plug pour neurones, qui s'appellent " sens critique " et " bon sens ".

Un roman est un message. Aucune histoire n'est neutre. L'œuvre artistique est à l'image de la société et de l'époque qui l'ont vue naître.

Demandons-nous alors quelle image de notre société renvoie ce genre de textes et quel message il véhicule.

Doit-on retenir que la violence et l'amour ne font qu'un ? Que les femmes d'aujourd'hui n'aspirent qu'à être maltraitées et qu'en plus elles en redemandent ? Doit-on laisser croire que l'amour avec un grand A peut se substituer à une psychothérapie, voire un coup dans l'entrejambe face à des pervers ? Qu'être victime et être considérée comme un objet c'est vraiment le pied et que c'est une preuve d'amour de la part de l'autre ?

Eh ! On se réveille, là !


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