Christiane Singer fait partie des auteurs que j'aime. Dans ses textes, je découvre toujours de jolies choses à laisser mûrir, à intérioriser pour les faire grandir en moi. Je ne suis pas toujours en phase avec ce que je lis, notamment la face invisible du monde, mais cela m'aide à m'interroger. Bref, sans surprise, j'ai beaucoup aimé ce recueil de textes qui invitent à se retrouver, à retrouver le sens dans nos vies trépidantes. Attention, ça peut ne pas plaire à tout le monde.
Voici les textes repris dans l'ouvrage:
Ils parlent d'eux-mêmes, n'est-ce pas ? Oui, il est question de spiritualité, de vie belle et bonne, d'engagement dans la société mais aussi de lettres, de surgissement de la vie et d'art. Plus que de résumer chaque intervention, il me paraît plus nourrissant de vous livrer des extraits.
"A la longue, il ne vaut jamais la peine d'avoir été cynique, revanchard, gagnant, compétitif, "the best" ! La seule chose à la longue qui vaille le jeu et la chandelle est d'avoir aimé"
"Le ciel c'est de pressentir que tout ce que je ne mettrai pas au monde de gratitude et de célébration n'y sera pas"
"Plus je m'interroge et plus je vois qu'il y a dans notre modernité quelque chose comme un découragement immense. Le monde est devenu trop grand. Tant que je suis dans une enclave - un espace délimité - je peux en porter la responsabilité. Une famille. Un lieu de travail. Un groupe. Dans cet espace, je peux me mettre au service, m'engager tout naturellement".
"Dans les affaires du cœur et de l'esprit, on s'adresse à la personne qu'on a devant soi et, par ricochet, c'est un autre qui reçoit le message en plein cœur ; c'est ce qui importe"
"La littérature, c'est prendre sa vie au sérieux - passionnément au sérieux"
"Tout sur terre nous interpelle, nous hèle, mais si finement que nous passons mille fois sans rien voir. Nous marchons sur des joyaux sans les remarquer"
"Là où tu es, dans la présence aiguë, je suis aussi. Être là ! Le secret. Il n'y a rien d'autre. Il n'est d'autre chemin pour sortir des léthargies nauséabondes, des demi-sommeils, des commentaires sans fin, que de naître enfin à ce qui est"
"Parler de sens pour dire qu'on la perdu est aussi bizarre que de prétendre n'avoir plus de temps. Le sens est comme le temps, il en vient à chaque instant du nouveau. Il est là en abondance, il afflue"
"La vie ne tolère à la longue que l'impromptu, la réactualisation permanente, le renouvellement quotidien des alliances. Elle élimine tout ce qui tend à mettre en conserve, à sauvegarder, à maintenir intact, à visser au mur"
"Il ne s'agit pas pour autant de laisser l'amertume tirer sa conclusion, de renoncer à tout idéal ! Ce qui importe c'est de remettre chaque jour cet idéal à l'épreuve de la vie, d'oser une réponse unique (surgie du riche humus de l'expérience amoncelée) à une situation unique. C'est à cette haute discipline à laquelle nous sommes invités chaque jour de neuf"
"La vie nous casse nos idéologies au fur et à mesure de notre avancée, les bonnes comme les mauvaises. La vie n'a pas de sens, ni sens interdit, ni sens obligatoire. Et si elle n'a pas de sens, c'est qu'elle va dans tous les sens et déborde de sens, inonde tout. Elle fait mal aussi longtemps qu'on veut lui imposer un sens, la tordre dans une direction ou dans une autre. Si elle n'a pas de sens, c'est qu'elle est le sens"
"La plus grande part de notre énergie, nous l'utilisons pour oublier ce que nous savons"
"C'est l'intensité qui manque le plus à l'homme d'aujourd'hui. Où est en nous le désir, l'ardeur ? Où est cet amour qui tient éveillé ?"
"Les dieux de cendre et de sang, de mort et de fers croisés, les dieux de la compétition, de la rivalité, de la domination et de la guerre, qui peut nous obliger à les honorer ? Partout où des mains se joignent et se rejoignent continue la plus vieille histoire de la nature et de l'humanité, la sage de la solidarité. De nouvelles mailles se nouent au filet qui nous retient de tomber dans l'abîme de l'inhumanité".
"Tu tires un fil et tu ne sais jamais ce que tu vas ramener à l'autre bout. Tu mords dans une madeleine et tout Combray vient avec. Tu souris à un enfant et c'est le ciel qui s'ouvre".
"L'important n'est pas que je porte le flambeau jusqu'au bout mais que je ne le laisse pas s'éteindre"
"Devant toute souffrance, toute violence, toute dégradation monte la question harcelante : qu'y a-t-il en moi qui souffre, qui mord, qui frappe, qui tue, qui dégrade ? Quelle part en moi acquiesce à l'humiliation, à la mort d'autres humains ?"
"Refuser de mûrir, refuser de vieillir, c'est refuser de s'humaniser. L'humanisation passe par le relâchement du masque, par son amollissement. Refuser de mûrir, c'est en somme refuser de devenir humain [...] Retenir le flux de l'existence, c'est oublier que la vie est l'art de la métamorphose"
"C'est le moment de construire le monde. Nous avons alors chacun la responsabilité d'une parcelle de l'univers (école, bureau, hôpital, maison où nous travaillons, où nous vivons). Nous sommes responsables de ce lieu où le destin nous place"
"L'important est de tenter, toujours de tenter, sans souci de réussite, de mettre un instant au monde ce qui n'y était pas. En catimini. Soli deo gloria !"
"Ce qui fait la royauté de notre aventure, c'est l'élan qui nous habite, le désir qui nous porte et nous brûle. N'espérons pas réussir pour de bon !"