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« Une faillite prévisible »

Publié le 24 juin 2008 par Journalsudouest

Pour Gilbert Gress, l’ancien entraîneur de Strasbourg, sacré champion en 79, les Bleus n’ont jamais été dans le vrai.

ma0__quay___photo_f_2_____m1-5513458.JPGCheveux blancs, lunettes noires, Gilbert Gress signe toujours des autographes par dizaines car il fréquente les stades de l’Euro 2008 avec une belle assiduité ! À 67 ans, c’est un personnage, une référence en Suisse ou en Allemagne. Malheureusement, il est moins reconnu chez lui, en France. De Strasbourg à Neuchâtel, en passant par l’OM, il n’a laissé personne indifférent. Avec Gress, pas de faux-fuyant, de langue de bois, il dit toujours ce qu’il pense : « Un très bon joueur, dit-il, met une demie seconde pour trouver la bonne solution, un moyen, une, et un médiocre, cinq ! »Quel est votre sentiment sur le désastre bleu ?

Cette faillite était tellement prévisible et tellement annoncée par ceux qui n’ont pas d’œillères ! Contre la Roumanie, l’équipe de Domenech joue avec quatre défenseurs qui ne peuvent rien apporter sur le plan offensif. Et qui jouent juste devant ? Un milieu de terrain à 85 sélections qui n’a jamais inscrit un but ! Avec un Malouda transparent et un Anelka qui n’a rien à faire à ce niveau. Restent, Benzema fatigué, et Ribéry. C’est trop peu à ce niveau. Tout s’est confirmé, enchaîné.

Était-ce donc si prévisible ?

Les faits me donnent raison. Quand on voit jouer la Russie, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal ou même l’Allemagne, on ne peut que constater que la France n’est pas dans le vrai. Ça pétille, ça déboule, ça va dans tous les sens intelligemment. C’est un régal. C’est le football que j’ai toujours tenté de mettre en place avec mes équipes.

On s’aperçoit que les entraîneurs néerlandais ont la cote, pour quelles raisons ?

Depuis des décennies, ils prônent l’attaque, l’intelligence, la prise de risque, la technique. Ils sont fidèles à leur légende. Ils n’ont plus de grands résultats en clubs à cause de l’économie. Mais ils sont reconnus en sélection. Ils sont à l’avant-garde. Aux Pays-Bas ou ailleurs.

Les « gros » du premier tour souffrent à partir des quarts de finale. Que faut-il en déduire ?

C’est le souci avec le troisième match, celui des coiffeurs. Faut-il vraiment mettre les titulaires au repos et les laisser tourner en rond pendant huit jours ? Voir Cristiano Ronaldo sur le lac de Neuchâtel se promener en bateau, ce n’est pas extra. Les exemples de dérive sont nombreux… Je crois que sauf exception, il faut rester dans le rythme. Est-ce bien sérieux que Scolari annonce sa signature à Chelsea en pleine compétition, ou que Deco prenne une journée pour parapher son nouveau contrat ? C’est plus que surprenant. Ça se paie cash.

L’organisation tactique parait primordiale lors de cet Euro. Est-ce votre opinion ?

Pas forcément. Toutes celles utilisées sont bonnes, après c’est une question d’état d’esprit : il ne faut pas avoir peur de jouer, d’aller de l’avant, de provoquer, de prendre des risques. La récompense est à ce prix, il faut oser et s’en donner les moyens. La Russie et les Pays-Bas de samedi soir m’ont fait penser au grand Ajax ! Ils ont joué de la même façon, mais les Russes allaient deux fois plus vite.

Ce sont quand même de sacrées parties d’échec, non ?

Quand je lis 4-2-3-1 ou 4-4-2… Je rigole. J’en ai même vu se tromper et mettre douze joueurs ! Et ce vocabulaire : à « jouer en losange », je préfère « jouer en mouvements ». À « hommes de couloir », je préfère « ailiers ». Des gens qui savent centrer et mettre le ballon là où il faut. Pas dans les tribunes neuf fois sur dix !

Si vous étiez sélectionneur aujourd’hui, adopteriez-vous le même style de vie avec votre équipe ?

Sûrement pas ! Il y a un temps pour la discrétion quand vous travaillez certains points précis. Mais après, il ne faut pas tourner le dos à la vie et surtout aux gens ! Et je crois que les joueurs en souffrent. Sont-ils assez grands pour le désapprouver ? C’est autre chose.

Succéder à Raymond Domenech, cette idée peut-elle vous traverser l’esprit ?

(Éclat de rires). Non, je suis trop vieux et tellement peu reconnu. Dans mon pays, je suis mort, je n’ai jamais appartenu aux Variétés club. Et je ne sais pas pourquoi un grand journal national spécialisé m’a toujours taillé ! De plus Guy Roux, avec son passage à Lens, a fait beaucoup de mal aux vieux !

Propos recueillis par Alain Goujon, Sud Ouest


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