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Quand la maison devient la continuité de l’hôpital

Publié le 02 février 2017 par Pnordey @latelier

Mettre en place une surveillance du personnel soignant, pouvoir les alerter, prendre son médicament en temps et en heure, garder le moral… Il existe des technologies pour chaque cas, qui facilitent la vie du patient à domicile.

Soixante-quinze millions d’Américains utiliseront des traqueurs d’activité comme les bracelets connectés Fitbit, Garmin ou Jawbon et autres montres intelligentes, d’ici à 2021, d’après Juniper Research. Si l’on en croit leur étude intitulée « Wearable fitness et de santé », le nombre actuel d’utilisateurs va donc doubler en moins de cinq ans. Preuve s’il en faut que ces innovations à mi-chemin entre le domaine médical et le domaine commercial trouvent leur marché. Pour Jeroen Tas, CEO of connected Care & Health Informatics chez Philips, « les consommateurs préfèrent communiquer en utilisant leur mobile et leurs applications et gèrent virtuellement quasiment tout en ligne. Ils veulent clairement de plus en plus avoir aussi le contrôle sur leur santé. » affirmait-il pendant le webinar organisé par l’association à but non lucratif HIMSS.

Quand la maison devient la continuité de l’hôpital

Les technologies de la santé se multiplient. Source : Philips

Mais la collecte de données, notamment liées aux activités et aux interactions quotidiennes du patient, permet désormais à ce dernier de rester à la maison en cas de convalescence ou de conditions fragiles quand autrefois il aurait été obligatoirement hospitalisé. Grâce aux innovations, la frontière entre l’hôpital et le domicile s’en trouve désormais brouillée : le patient peut bénéficier du suivi attentif du personnel de santé en étant chez lui.  L’entreprise que dirige Lily Sarafan est justement à ce croisement là. Home Care Assistance propose des soins à domicile aux personnes âgées et collabore pour cela avec des institutions de santé. « Avoir accès à des dossiers médicaux transmis par les hôpitaux et pouvoir ensuite partager ce qu’il se passe une fois que le client ou le patient est autorisé à rentrer chez lui nous permet d’avoir un réel impact clinique », explique-t-elle au Forum annuel Tech Wadi 2017, à San Francisco.

Le lien avec les soignants, le patient à domicile gardera

De multiples innovations permettent de collecter une quantité incroyable d’informations comme le rythme cardiaque, la température du corps, la tension, le nombre de pas effectués, la pression sanguine, le temps de sommeil...  Mais encore faut-il pouvoir les comprendre et les analyser. Certains acteurs l’ont bien compris. Comme Kaiser permanente que cite Jeroen Tas. « La moitié de leurs consultations ont lieu virtuellement. Ils voient leur réseau comme un endroit où les patients peuvent bénéficier des bons soins au bon moment et au bon endroit, grâce aux innovations digitales. » Ces nouveaux outils apparaissent ainsi comme autant de moyens pour le patient de pouvoir rester chez lui et de surmonter plusieurs difficultés.

Le patient, même bien équipé, doit continuer à être suivi par des professionnels. Et maintenant que la télémédecine se développe, nul besoin de déplacements. La startup israélienne Tytocare, repérée au CES, propose ainsi une solution associant objets connectés et consultations virtuelles. Certaines données sont envoyées directement à des médecins pour être traitées. C’est le cas de celles recueillies par VitalPatch de VitalConnect ou par HealthPatch, des pansements pour surveiller le coeur.

Quand la maison devient la continuité de l’hôpital

L’information collectée par la patch est ensuite communiquée au médecin via bluetooth. Source : VitalConnect.

« Ces patchs transmettent aux professionnels de santé des informations sur les signes vitaux et permettent au patient de se déplacer seul, sans fils. L’hôpital garde ainsi un oeil sur lui et le prévient en cas de détérioration ou d’anomalie », explique le CEO Connected care & Health informatics chez Philips.

Les bonnes doses de médicaments au bon moment le patient prendra

La gestion de la prise de médicaments est une autre difficulté pour les malades à domicile. Selon Jeroen Tas, « la moitié des patients ne prennent pas leurs cachets à temps voire ne les prennent pas du tout ». Les piluliers connectés apparaissent comme une solution. Celui inventée par des étudiants de l’université Johns Hopkins se déclenche au contact de l’empreinte digitale du patient et est programmé pour ne pas délivrer plus que la dose prescrite à un intervalle horaire prédéfini par le médecin. Une telle technologie permettra aussi de s’assurer que le pilulier appartient bien à la bonne personne et que cette dernière ne se trompe pas de traitement.

Les familles s’inquiètent souvent de savoir si leur proche se soigne correctement. C’est la raison pour laquelle certains piluliers comme PillDrill, nommé dans la catégorie Tech for a better world (technologie pour un monde meilleur) au CES 2017, prévient le soignant ou un parent du patient quand celui-ci a pris son médicament. Pour cela, il suffit au malade de scanner la boîte contenant les doses à prendre.

Et si le patient est étourdi ou souffre de pertes de mémoire, le dispositif est aussi équipé d’une alarme pour rappeler les heures de prises du médicament. Dernière difficulté et non des moindres, le risque que le patient refuse de se soigner. Le dernier mot lui appartient, il conserve son libre-arbitre mais peut prévenir d’un mal-être en précisant son humeur sur l’appareil. Cinq faces d’un cube correspondent chacune à une réponse à la question « comment allez-vous », le patient peut répondre en scannant : « super », « bien », « normal », « mal » ou « très mal ».

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Les patients à domicile gèrent leur maladie chronique seuls ou presque, grâce à la technologie. Source : Philips (Webinar HIMSS)

En cas de dépression ou en cas d’accident, des outils permettent à ces patients indépendants d’alerter quelqu’un.

En cas d’urgence, un proche ou un médecin le patient alertera

Toutes les 11 secondes aux Etats-Unis, une personne âgée de plus de 65 ans est traitée aux urgences après une chute, d’après le centre américain pour le contrôle des maladies et la prévention. Le patient risque ainsi de perdre son autonomie et les conséquences peuvent être encore plus graves surtout si elle ou il vit seul(e) et que personne ne lui vient en aide pendant plusieurs heures. Pour éviter que cela ne se produise, plusieurs appareils ont vocation à prévenir en urgence un proche ou un membre du personnel soignant.

Jeroen Tas explique l’utilité de celui que commercialise son entreprise : « Lifeline est le plus petit téléphone portable du monde, il ne contient qu’un numéro. Si une personne a un problème, il lui suffira d’appuyer sur le bouton pour être connectée à quelqu’un qui pourra immédiatement l’aider ou la guider. Si la personne s’évanouit ou tombe, l’appareil se connectera automatiquement et la personne appelée à l’aide aura accès à l’historique clinique du patient. » D’autres boutons d’urgence se portent au poignet ou autour du cou.

L’existence de ce type d’appareil traduit un changement d’approche. « Au lieu de s’occuper de soins épisodiques, on se dirige vers des soins holistiques du patient », remarque Jeroen Tas. Autrement dit, la personne est traitée dans sa globalité, aussi bien physiquement que psychologiquement, on se soucie de sa santé mais aussi de son bien-être.

À son bien-être et à son moral, le patient veillera

Les personnes vulnérables et les patients dont la condition ne leur permettent pas de quitter leur domicile peuvent souffrir de solitude. Les robots-compagnons comme Blue Frog Robotics constituent alors un moyen de communication efficace. Celui d’OhmniLabs s’adresse aux seniors vivant seuls chez eux. Il peut ainsi être contrôlé à distance par un membre de la famille et le représenter, à un repas ou dans la vie de tous les jours.

La réalité virtuelle améliore aussi la vie des patients à domicile. L’objectif n’est plus de soigner directement un mal mais de rendre la personne plus heureuse en lui offrant la possibilité de s’évader, de voyager sans partir de chez elle. Le New York Times cite l’exemple de ce patient dont la condition cardiaque ne lui permet pas d’effectuer de longues distances. Grâce à la réalité virtuelle, il a revisité un restaurant berlinois dans lequel il a autrefois travaillé et s’est rendu sur des plages des Caraïbes pour voir les poissons colorées dans la mer et sentir le sable sur ses pieds. La jeune pousse Rendever est à l’origine de ce type de service et insiste sur la stimulation sensorielle qui rend l’expérience plus réelle.

Lily Sarafan met toutefois en garde contre l’explosion du nombre d’appareils censés aider le patient. « Ce que l’on risque dans ce type d’environnement c’est d’avoir trop de start-up motivées par l’hypermédiatisation et la popularité de certaines technologies et qui ne pensent qu’à collecter plus de données. L’une d’entre elle pourrait vouloir traquer le moindre mouvement et investir beaucoup d’argent dans un produit qui le permettrait mais qui ne serait pas nécessaire. Pour l’instant dans le cadre du domicile, si on peut surveiller les données basiques pour être capable de prévenir les chutes, la déshydratation et les réhospitalisations, c’est suffisant pour économiser des milliards en frais de santé », a-t-elle expliqué au Forum annuel de Tech Wadi.  

Dans un contexte où l’Obamacare qui permet aux Américains d’avoir des soins plus accessibles s’apprête à être modifiée voire abrogée, ces innovations dont l’objectif est de réduire les frais de santé sont particulièrement bienvenues.


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