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[fanfiction Harry Potter] Antje #10

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Bonne lecture à tous !

Chapitre 10

One rainy wish

La pleine lune de novembre fut la première que nous pûmes passer en compagnie de Remus. Il y en eut beaucoup d’autres depuis mais celle-ci resta un souvenir particulier. Nous avions tout prévu à l’avance. Notre ami lycanthrope refusa de se transformer en face de nous. Il affirmait que, même si nous étions présents sous nos formes animales, ça pouvait être dangereux. Je pensais plutôt qu’il ne voulait pas que nous soyons témoins de sa souffrance. Nous avions appris que se transformer en animal était douloureux. Pour un loup-garou, ça devait certainement être pire.

Nous n’en menions pas large en rejoignant la Cabane hurlante cette nuit-là. Nous ignorions à quoi nous attendre. Cela dit, les formes d’animaux simplifiaient nos pensées et, malgré une part d’humanité résiduelle, nos instincts prenaient le dessus et nous incitaient à la méfiance. Nous savions que nous pourrions toujours fuir si jamais les choses tournaient mal et que, sous ma forme de chien, j’avais une chance de retenir Remus s’il tentait de nous attaquer.

Il n’en fit rien.

Bien sûr, nous fûmes impressionnés par l’énorme loup gris et poilu qu’il était devenu, avec ses grandes dents pointues et ses monstrueuses pattes pleines de griffes. Notre ami était pourtant bien présent, nous en avions conscience, quelque part dans le cœur de la créature. Il grogna et claqua des mâchoires en nous voyant avant de nous observer avec curiosité. Peter couina et trembla dans son coin, prêt à détaler à toutes pattes. James resta impassible et observa le loup en silence. Quant à moi, je me mis en position d’attaque, toutes dents sorties et les poils du dos hérissés parce qu’on n’était jamais trop prévoyant. Cette phase d’observation sembla durer une éternité puis le loup poussa un hurlement (ahouuuuuuuuu !) et se coucha sur le sol, les oreilles baissées.

Remus semblait nous avoir reconnus, à tout le moins ne nous voyait-il pas comme des ennemis.

Nous ne quittâmes pas la Cabane hurlante cette nuit-là. Sous forme humaine, nous étions les meilleurs amis du monde mais une relation de confiance similaire sous nos formes animales restait à construire. Le loup nous tolérait mais la présence de Remus en lui était encore trop faible pour nous permettre une quelconque sortie. Une fois encore, il fallait faire preuve de patience.

James, Peter et moi rejoignîmes Poudlard quelques heures avant le lever du soleil. Remus reprendrait sa forme humaine à l’aurore et Madame Pomfresh viendrait le chercher à ce moment-là. Ensuite, il lui faudrait une journée de repos. Avant de partir, Peter grimpa sur le dos du loup pour lui mordiller affectueusement une oreille. James s’inclina comme seuls les cervidés super classe savent le faire et quant à moi, j’échangeai quelques aboiements cordiaux avec Remus. Je comprenais parfaitement ce qu’il me disait :

« Vous êtes totalement cinglés, tous les trois, mais c’était la meilleure pleine lune que j’aie passé en plus de dix ans.

— Tu vas voir, le mois prochain, ce sera encore plus chouette ! »

Nous n’avions quasiment pas dormi de la nuit mais cette première expérience était sacrément prometteuse. Auparavant, cette période du mois nous rendait tous très malheureux. James, Peter et moi maudissions le monstre qui avait mordu Remus et fait de sa vie un enfer. A présent, nous étions certains que nos formes d’Animagi rendraient la pleine lune beaucoup plus facile à vivre pour lui… et beaucoup plus amusante pour nous.

oOØOo

La journée de classe du lendemain fut affreusement compliquée. Nous dormions debout tous les trois. En temps normal, durant la pleine lune, nos nuits étaient courtes parce que nous nous inquiétions pour Remus, tout seul dans la Cabane hurlante. Cette fois-ci, nous étions restés éveillés quasiment tout le temps et je me demandais comment nous allions pouvoir suivre les cours sans nous endormir sur nos bouquins. Ne pas écouter les profs était une chose. Attirer l’attention sur nous en nous assoupissant sous leur nez en était une autre. Il était hors de question que quiconque, enseignants ou élèves, mette le nez dans nos affaires.

Antje, d’ailleurs, ne manqua pas de remarquer nos têtes à la table du petit déjeuner. Elle-même semblait fatiguée mais je savais que le week-end qu’elle devait passer chez ses parents se rapprochait inéluctacblement, qu’elle était inquiète et qu’elle ne dormait pas très bien.

« Où est Remus ? demanda-t-elle en se faufilant entre James et moi.

— Il est malade, répondit Peter en bâillant. Faut le laisser tranquille. »

Antje fronça les sourcils. Peut-être commençait-elle à avoir des doutes. Bah, pensai-je en me frottant les yeux. Elle finirait bien par découvrir la vérité un jour ou l’autre. Quand ce moment viendrait, nous aviserions mais j’étais persuadé que ça ne changerait rien. Elle comprendrait certainement à quel point la situation de Remus était difficile. Je la regardai tendre la main pour attraper le pot à café et je fus incapable de refouler quelques pensées plutôt embarrassantes. Dans le brouillard de ma fatigue, je la trouvais adorable avec son petit air préoccupé et bon sang, son odeur de fleurs était tellement apaisante…

« Sirius ? »

Je sursautai et sortis de ma rêverie. Elle me regardait en haussant les sourcils.

« Tu veux du café ? me demanda-t-elle en me tendant une tasse pleine.

— Ah oui. Du café. Merci, marmonnai-je en me sentant complètement idiot.

— Je ne sais pas ce que vous avez fabriqué hier soir, tous les trois, dit Antje en nous regardant tour à tour, mais vous avez vraiment de drôles de têtes.

— Laisse-nous cultiver notre aura de mystère, fit James, et ne pose pas de questions. »

Elle n’insista pas mais je sentis, durant tout le petit déjeuner, son regard suspicieux peser sur nous. Au moment de quitter la Grande Salle pour nous rendre en cours, elle me retint par le poignet et me dit à voix basse :

« James peut dire ce qu’il veut avec son aura de mystère mais j’espère que vous ne faites pas de bêtises.

— Ne t’en fais pas pour ça, répondis-je.

— Je sais bien que vous attirer des ennuis ne vous pose pas de problèmes mais… »

Elle pinça les lèvres sans finir sa phrase et je sentis monter en moi une curieuse vague d’émotion. Antje s’inquiétait pour nous, c’était évident. Elle craignait sans doute que nous courrions des risques inconsidérés, que nous nous fassions renvoyer ou quelque chose comme ça. Si quelqu’un nous découvrait, effectivement, cette possibilité n’était pas à négliger, j’en avais bien conscience. Néanmoins, nous avions pensé à toutes les éventualités et ça ne se produirait pas. J’aurais bien volontiers rassuré Antje mais je ne pouvais rien lui dire. Alors je me contentai de lui sourire en secouant la tête, lui signifiant qu’elle se faisait du souci pour rien, puis je partis rejoindre mes copains.

La journée s’annonçait très longue.

oOØOo

Remus refit son apparition le lendemain matin. Il s’était remis plus facilement que d’habitude des effets de la pleine lune et il nous dit que Madame Pomfresh en avait été agréablement surprise. Nous fûmes donc plus sûrs que jamais d’avoir fait le bon choix et que l’aide que nous apportions à notre ami serait efficace. Les métamorphoses mensuelles, dorénavant, ne seraient plus aussi cauchemardesques pour lui et c’était une très bonne chose.

Quelques jours passèrent sans incident notable mais, tandis que la fin du mois approchait, je constatais qu’Antje était de plus en plus encline à la mélancolie et à l’anxiété. Dans un premier temps, je crus que c’était à cause du week-end qu’elle devait passer chez elle mais elle finit par m’avouer que certaines moqueries et autres mauvaises plaisanteries avaient recommencé. Ces derniers temps, outre les Serpentard qui s’en prenait à tout ce qui était d’ascendance moldue et la bande de Britta Hopkins, plus personne ne s’en était pris à Antje depuis qu’elle s’était mise à nous fréquenter, mes amis et moi. Sa détresse manifeste avait changé la donne, à croire que le monde était peuplé de minables aimant profiter de la faiblesse d’autrui pour se mettre en avant. Quelle bande d’imbéciles. Je détestais cette attitude lâche et abjecte, même si certains individus coincés du bulbe — Lily Evans pour ne citer qu’elle — pensaient que j’agissais de la même manière en m’en prenant à Rogue. Ce dernier, d’ailleurs, se montrait plus infect que jamais à l’endroit d’Antje. Il pensait probablement faire d’une pierre deux coups : il l’insultait et lui jetait des sorts parce que selon ses principes répugnants, elle n’était pas une vraie sorcière et dans le même temps, il savait que ça m’exaspérait et que je détestais qu’on fasse du mal aux gens que j’appréciais. Bien entendu, je ne pus laisser impuni ce qu’il faisait subir à Antje et lui collai un bon coup de poing dans la figure à la première occasion. Je n’avais malheureusement pas pris garde à la présence de l’odieux animal de compagnie de Rusard qui fila aussitôt prévenir son maître. De fait, je dus finir ma journée en retenue.

La vie, parfois, était injuste.

Je voyais bien qu’Antje essayait de faire comme si l’attitude des autres ne la touchait pas. Je savais aussi qu’elle tentait de refouler son angoisse concernant l’état de santé de sa mère. Ses efforts, pourtant, étaient insuffisants. Deux jours avant le week-end fatidique, je constatai qu’elle était à bout de forces. Son regard était fuyant et elle semblait lutter contre les larmes. Après le repas du soir, je l’emmenai dans une classe vide pour discuter un peu avec elle et essayer de lui remonter le moral. Elle me raconta les remontrances que lui avait faites Slughorn parce qu’elle avait raté sa potion, les quolibets qui en avaient découlé et la dernière « plaisanterie » de Britta Hopkins qui lui avait pris son sac pour le jeter au bas d’un escalier. Elle m’avoua ensuite sa fatigue, son découragement et sa peur de l’avenir. Ses propos étaient un peu incohérents, sa voix tremblait, elle semblait sur le point de fondre en larmes. La voir dans cet état me mettait mal à l’aise. Je ne savais pas quoi dire et me sentais terriblement impuissant.

« Je suis désolée, Sirius, soupira-t-elle. Je ne devrais pas t’embêter avec mes histoires. De toute évidence, je ne suis pas assez forte.

— Ne dis pas n’importe quoi », répondis-je.

Elle baissa la tête et je vis une larme couler sur sa joue. Je voulus la prendre par les épaules et, sans savoir vraiment comment c’était arrivé, elle se retrouva dans mes bras, son visage enfoui dans mon cou. Comme j’étais incapable de la réconforter avec de simples mots, je la serrai contre moi pour essayer de lui faire comprendre que j’étais là et que, même si une bande d’abrutis faisaient de sa vie une misère, même si sa mère allait peut-être mourir, elle n’était pas toute seule. Les pensées se pressaient dans ma tête sans que je sois capable de les exprimer. Mes doigts se posèrent dans le cou d’Antje, là où poussaient quelques petits cheveux frisés, et je me retrouvai à énoncer mentalement les paroles tendres refoulées depuis des semaines, enfermées dans les replis de ma conscience comme quelque chose d’inconvenant. Bien entendu, elle ignorait ce qui me traversait l’esprit mais je la sentis se détendre contre moi comme si mon étreinte maladroite lui faisait du bien. Je fermai les yeux pour respirer l’odeur de fleurs émanant de ses cheveux et espérai que le temps s’arrête, juste un peu. Je ne sus dire si cette sorte d’état de grâce dura cinq secondes ou cinq minutes mais au bout d’un moment, Antje se détacha de moi. Elle ne semblait plus sur le point de pleurer, ce qui était une victoire en soi.

« Je pense que ma vie entière ne suffira pas à rembourser ce que je te dois, me dit-elle d’une voix un peu plus rauque que d’habitude.

— Mais je n’ai rien fait », répondis-je.

Elle secoua la tête.

« Jusqu’ici, je me suis efforcée de cacher à ma famille, surtout à ma mère, que je n’avais pas d’amis. Maintenant, je vais pouvoir dire que je ne suis pas toute seule sans raconter de mensonges. »

Je souris malgré moi. J’avais réussi à le lui faire comprendre. Tandis que nous retournions dans la tour de Gryffondor, je me sentais un peu moins inquiet pour elle. Si elle avait réalisé qu’elle pouvait compter sur moi, ce n’était pas si mal. À notre arrivée à la salle commune, elle monta directement se coucher. Je rejoignis mes copains dans un coin et me rendis compte que j’avais un peu froid.

Il fallait dire que pendant un court moment, même si j’aurais voulu que ça se passe dans d’autres circonstances, j’avais tenu Antje dans mes bras.

oOØOo

Antje devait rentrer chez elle durant le week-end de sortie à Pré-au-Lard. J’avais prévu de passer toute la journée du samedi au village avec mes potes et de m’occuper de mes devoirs le lendemain. Avec un peu de chance, j’aurais suffisamment de choses à faire et l’esprit assez occupé pour ne pas me faire de souci.

Le samedi matin, je me retrouvai avec James, Remus et Peter dans le hall à faire la queue pendant que Rusard vérifiait la liste des élèves ayant l’autorisation de se rendre au village. Les portes étaient ouvertes et un courant d’air glacial nous faisait frissonner.

« Je crois qu’on va commencer par prendre quelque chose de chaud aux Trois-Balais, dit Peter en claquant des dents. Qu’est-ce qu’il fait froid ! Où sont les pingouins et les ours polaires ? »

Cette remarque nous amusa beaucoup mais mon rire se coinça dans ma gorge quand je vis passer Antje. Vêtue d’une robe et d’un manteau moldus, les cheveux sévèrement nattés, elle affichait une mine sinistre. Je m’excusai auprès des copains pour aller lui dire bonjour. Nous échangeâmes quelques propos qui sonnaient creux et, tandis que je cherchais quelque chose d’intelligent à dire, McGonagall surgit.

« Suivez-moi, miss Ziegler. Votre Portoloin vous attend. »

Je vis Antje déglutir péniblement mais je n’aurais su dire si c’était à cause de ce qui l’attendait chez elle ou de la perspective de prendre un Portoloin. Elle fit pourtant l’effort de prendre sur elle et de me sourire.

« Salut, Sirius, me dit-elle d’une petite voix. On se voit demain soir. Essaie de ne pas trop faire de bêtises. »

Son effort dérisoire pour faire une blague m’attrista.

« Ça va sans doute me demander un effort surhumain mais je ferai au mieux », répondis-je dans une tentative tout aussi minable. Je la regardai un moment et ajoutai : « Ne te fais pas trop de soucis. Tu me raconteras comment ça s’est passé ?

— Promis. »

Pour la deuxième fois, elle me saisit par le col de ma cape pour m’embrasser sur la joue. Quand elle s’écarta, je constatai que l’enseignante en métamorphose, qui était toujours là, semblait très intéressée par le lustre accroché au plafond. Antje m’adressa un petit signe de la main et suivit McGonagall. L’instant d’après, elles étaient parties.

Je rejoignis mes copains dans la file d’élèves qui attendaient de pouvoir sortir.

« Qu’est-ce qui se passe ? demanda James. Pourquoi Antje est habillée en Moldue ? Pourquoi elle est partie avec McGonagall ?

— Elle rentre chez elle jusqu’à demain, répondis-je brièvement.

— Mais… »

Je vis Remus secouer la tête.

« Il y a quelques jours, elle m’a dit que sa mère était gravement malade. Je sais que Sirius est au courant depuis un certain temps mais j’imagine que ça va finir par se savoir. »

James et Peter nous regardèrent tour à tour d’un air un peu vexé.

« Elle me l’a dit il y a longtemps, admis-je, mais j’ai promis de ne pas le répéter.

— Je vois, répondit Peter d’un ton pensif. Mais qu’est-ce qu’elle a ?

— Un cancer. »

Le terme fut accueilli par un silence. Nous étions tous conscients de ce que signifiait cette maladie pour les Moldus. Fort heureusement, nous arrivâmes devant Rusard à ce moment-là. Il nous jeta des regards soupçonneux en vérifiant que nos noms figuraient bien sur sa liste avant de nous laisser sortir. Sa vilaine bobine nous donna l’occasion de changer de sujet.

oOØOo

Quelques instants plus tard, nous étions assis aux Trois-Balais devant une tasse de chocolat bien chaud et bien crémeux. Nous devisions de tout et de rien quand Britta Hopkins jaillit de nulle part et se planta à côté de moi pour examiner mon visage à la recherche de je ne savais trop quoi.

« Qu’est-ce que tu veux ? demandai-je.

— J’ai vu Antje la Pleurnicharde t’embrasser sur la joue tout à l’heure, dit-elle d’un ton dégoûté. Si ça se trouve, elle t’a refilé une maladie. »

Je levai les yeux au ciel, exaspéré.

« Tu ferais bien de grandir, Hopkins. On ne t’a pas encore expliqué que ce genre de chose ne rend pas malade ? Ou alors ton crâne est tellement plein de courants d’air que l’information s’est perdue ? De toute façon, c’est très vilain d’espionner les gens.

— Elle a fait ça devant tout le monde.

— Eh bien tu n’avais qu’à regarder ailleurs.

— Tu es amoureux d’elle ?

— C’est mon amie. Et toi, à ce que je sache, tu n’es pas mon amie. Alors dégage.

— Je te l’ai dit, Sirius. Un jour, tu changeras d’avis. »

Je n’eus pas le temps de lui répéter pour la énième fois que ce n’était pas envisageable. Elle partit en balançant des hanches et disparut parmi la foule d’élèves qui envahissaient le café.

Immédiatement, je sentis sur moi le regard de mes trois copains. Ils semblaient surpris et vaguement amusés.

« C’est vrai, ce qu’a dit Hopkins ? demanda James. Antje t’a vraiment…

— Commence pas, l’interrompis-je. Et vous non plus, ajoutai-je à l’adresse des deux autres.

— Allons, Sirius, il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire, dit Remus.

— Et puis c’est pas comme si elle t’avait roulé un patin, fit Peter avec une grimace.

— Vous allez la fermer ? » grondai-je en me sentant rougir.

Britta Hopkins allait me le payer. Je n’aimais pas spécialement faire de blagues aux filles mais elle l’aurait bien cherché.

oOØOo

Cette journée de samedi fut plutôt tranquille. Je profitai avec mes copains des attractions qu’offraient le village, fis des provisions de sucreries et de farces et attrapes jusqu’à la fin du trimestre et, alors que le soleil se couchait, nous regagnâmes Poudlard tous les quatre. Le soir venu, Remus me battit aux échecs pour la énième fois et, après être allé me coucher, Antje se glissa dans mes rêves pour la première fois. J’avais traversé le fameux miroir magique montrant les plus profonds désirs des gens et je ne parvenais pas à regagner le monde normal. Je ne m’en sentais pas spécialement inquiet. Antje était avec moi et me disait que là où nous nous trouvions, rien ne pourrait jamais nous atteindre. Alors je me penchais sur elle pour l’embrasser mais, en jetant un coup d’œil sur le miroir qui à présent reflétait la vie réelle, je constatais qu’une foule de gens étaient en train de nous regarder.

Je m’éveillai en sueur, entortillé dans les couvertures.

Je passai la journée du lendemain à mes devoirs. En fin d’après-midi cependant, je commençai à m’inquiéter pour Antje. J’ignorais quand elle devait regagner l’école et j’espérais que tout allait bien. Je ne la vis pas au repas du soir. Ça ne me semblait pas très normal mais, en jetant un coup d’œil à McGonagall qui se trouvait avec les autres enseignants, je ne lui trouvai pas l’air soucieux. Peut-être qu’Antje devait revenir plus tard dans la soirée. Après le dîner, je fis une partie de bataille explosive avec mes copains pour me changer les idées mais, au moment où Peter était sur le point de nous exploser au sens strict, Lily Evans arriva en coup de vent.

« Black, tu dois venir avec moi tout de suite », dit-elle sans prêter la moindre attention à James qui se passait frénétiquement la main dans les cheveux. Je suivis la préfète en me demandant ce qu’elle me voulait. Elle refusa de répondre à mes questions. Les poings serrés, les sourcils froncés, elle semblait très en colère. J’aurais bien voulu qu’on m’explique ce qui se passait mais Lily Evans resta silencieuse jusqu’à… l’entrée de l’infirmerie.

L’agacement commença à me gagner.

« Bon sang, Evans, qu’est-ce que… »

Je ne pus terminer ma phrase. La porte s’ouvrit et McGonagall sortit, accompagnée de Slughorn qui se tordait les mains, visiblement très mal à l’aise.

« Je ne comprends pas, disait-il. Des garçons de bonnes familles, pour la plupart… de bons élèves, qu’est-ce qu’il leur a pris ?

— Ça suffit, Horace, cingla l’enseignante en métamorphose. Il serait temps que vous compreniez que l’éducation de ces jeunes gens… ah, vous êtes là, Miss Evans.

— Je suis allée chercher Sirius Black », répondit l’interpellée.

Les yeux de McGonagall se fixèrent sur moi.

« Ecoutez-moi bien, me dit-elle. Avant que je ne vous explique ce qui s’est passé, je vous demande de ne rien faire. Laissez les adultes prendre les mesures nécessaires et ne vous en mêlez pas. Me suis-je bien fait comprendre, Black ? »

Je ne voyais absolument pas de quoi elle parlait mais, histoire d’avoir la paix, je promis de me tenir tranquille. Ça ne m’engageait à rien, après tout.

« Il y a une heure, m’apprit l’enseignante, j’ai raccompagné miss Ziegler à l’école. Je l’ai laissée regagner la tour de Gryffondor et il se trouve qu’elle a été victime de l’attitude inqualifiable de certains éléments perturbateurs de la maison Serpentard, ajouta-t-elle en jetant un regard assassin à Slughorn comme si c’était sa faute.

— Qu’est-ce qu’il lui ont fait ? » demandai-je en sentant la colère poindre.

Par la barbe de Merlin, ces salopards allaient comprendre leur douleur.

« Je vous ai demandé de ne pas vous en mêler, répliqua McGonagall. Je vous ai fait venir ici parce que miss Ziegler a été choquée et que la présence d’une personne en qui elle a confiance l’aidera peut-être à se remettre plus vite. Si j’entends parler de la moindre petite vengeance personnelle de votre part, vous risquez plus qu’une retenue. Est-ce que c’est clair ? »

J’acquiescai docilement mais je n’en pensais pas moins. À ce moment, Madame Pomfresh sortit de l’infirmerie. McGonagall me fit signe de suivre l’infirmière, ce que je fis sans savoir à quoi m’attendre. Peut-être que cette bande d’abrutis avaient jeté des sorts à Antje et l’avaient rendue méconnaissable. Peut-être l’avaient-ils frappée. Rien que d’y penser, j’avais mal au cœur.

Elle était assise en tailleur au milieu d’un lit de l’infirmerie, vêtue d’un pyjama. Son visage et ses bras portaient des traces de brûlures, ses cheveux étaient devenus très courts et elle n’avait plus de sourcils. Elle me regarda d’un air vide, comme si elle n’était plus capable d’exprimer la moindre émotion. On avait dû lui donner une potion pour calmer ses nerfs.

« Salut, dit-elle.

— Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? »

Elle haussa les épaules.

« Comme tu le vois. Maléfice Cuisant, sortilège du Crâne chauve. Ils m’ont fait tomber et m’ont marché sur les mains. Ils étaient trop nombreux, je n’ai rien pu faire.

— Mais pourquoi ?

— On dirait que mon absence de ces deux derniers jours n’est pas passée inaperçue… les pauvres, ils étaient tellement déçus que je ne sois pas retournée définitivement chez les Moldus.

— Dis-moi qui c’est.

— Non. Je ne veux pas t’attirer d’ennuis, c’est déjà bien assez difficile comme ça. »

Elle baissa les yeux sur ses mains qui, je le constatai, étaient couvertes d’écorchures et de croûtes. Bande de salopards. Si Antje ne voulait pas me donner leurs noms, je le trouverais quand même et alors, ils le paieraient cher. Je gardai cette pensée pour moi néanmoins et changeai de sujet.

« Comment ça s’est passé avec tes parents ?

— Il n’y a pas grand chose à dire. Ma mère semblait fatiguée et un peu blasée, comme si la maladie ne la concernait pas vraiment… Ce n’était pas très amusant mais moins pire que ce que je pensais. Elle a insisté sur le fait que je devais rester ici pour Noël et… j’ai fait l’erreur de lui parler de la soirée dansante. Elle tient à ce que j’y aille, elle m’a donné de l’argent pour que je m’achète une robe mais je pense que je n’irai pas. Vu ce que les gens pensent de moi, je n’ai rien à faire dans ce genre de petite fête.

— Justement, affirmai-je sans avoir une quelconque idée de ce que je disais, si tu y vas, ce sera la preuve que ce qu’on te dit ne t’atteint plus. Tu veux y aller avec moi ? »

Le temps resta suspendu quelques secondes. Bon sang, qu’est-ce qui m’avait pris ?

« Je croyais que tu n’aimais pas ça, objecta Antje d’un ton hésitant.

— Je veux bien faire l’effort. Juste une fois. Qui sait ? Si ça se trouve, on pourra s’amuser.

— Je… d’accord. Après tout, je peux difficilement tomber plus bas. »

Je ne savais pas dans quoi je venais de m’engager mais dans tous les cas, quelque chose me disait que j’avais pris la bonne décision. J’espérais quand même ne pas avoir à le regretter.

Bonne lecture à tous !

Chapitre 10

One rainy wish

La pleine lune de novembre fut la première que nous pûmes passer en compagnie de Remus. Il y en eut beaucoup d’autres depuis mais celle-ci resta un souvenir particulier. Nous avions tout prévu à l’avance. Notre ami lycanthrope refusa de se transformer en face de nous. Il affirmait que, même si nous étions présents sous nos formes animales, ça pouvait être dangereux. Je pensais plutôt qu’il ne voulait pas que nous soyons témoins de sa souffrance. Nous avions appris que se transformer en animal était douloureux. Pour un loup-garou, ça devait certainement être pire.

Nous n’en menions pas large en rejoignant la Cabane hurlante cette nuit-là. Nous ignorions à quoi nous attendre. Cela dit, les formes d’animaux simplifiaient nos pensées et, malgré une part d’humanité résiduelle, nos instincts prenaient le dessus et nous incitaient à la méfiance. Nous savions que nous pourrions toujours fuir si jamais les choses tournaient mal et que, sous ma forme de chien, j’avais une chance de retenir Remus s’il tentait de nous attaquer.

Il n’en fit rien.

Bien sûr, nous fûmes impressionnés par l’énorme loup gris et poilu qu’il était devenu, avec ses grandes dents pointues et ses monstrueuses pattes pleines de griffes. Notre ami était pourtant bien présent, nous en avions conscience, quelque part dans le cœur de la créature. Il grogna et claqua des mâchoires en nous voyant avant de nous observer avec curiosité. Peter couina et trembla dans son coin, prêt à détaler à toutes pattes. James resta impassible et observa le loup en silence. Quant à moi, je me mis en position d’attaque, toutes dents sorties et les poils du dos hérissés parce qu’on n’était jamais trop prévoyant. Cette phase d’observation sembla durer une éternité puis le loup poussa un hurlement (ahouuuuuuuuu !) et se coucha sur le sol, les oreilles baissées.

Remus semblait nous avoir reconnus, à tout le moins ne nous voyait-il pas comme des ennemis.

Nous ne quittâmes pas la Cabane hurlante cette nuit-là. Sous forme humaine, nous étions les meilleurs amis du monde mais une relation de confiance similaire sous nos formes animales restait à construire. Le loup nous tolérait mais la présence de Remus en lui était encore trop faible pour nous permettre une quelconque sortie. Une fois encore, il fallait faire preuve de patience.

James, Peter et moi rejoignîmes Poudlard quelques heures avant le lever du soleil. Remus reprendrait sa forme humaine à l’aurore et Madame Pomfresh viendrait le chercher à ce moment-là. Ensuite, il lui faudrait une journée de repos. Avant de partir, Peter grimpa sur le dos du loup pour lui mordiller affectueusement une oreille. James s’inclina comme seuls les cervidés super classe savent le faire et quant à moi, j’échangeai quelques aboiements cordiaux avec Remus. Je comprenais parfaitement ce qu’il me disait :

« Vous êtes totalement cinglés, tous les trois, mais c’était la meilleure pleine lune que j’aie passé en plus de dix ans.

— Tu vas voir, le mois prochain, ce sera encore plus chouette ! »

Nous n’avions quasiment pas dormi de la nuit mais cette première expérience était sacrément prometteuse. Auparavant, cette période du mois nous rendait tous très malheureux. James, Peter et moi maudissions le monstre qui avait mordu Remus et fait de sa vie un enfer. A présent, nous étions certains que nos formes d’Animagi rendraient la pleine lune beaucoup plus facile à vivre pour lui… et beaucoup plus amusante pour nous.

oOØOo

La journée de classe du lendemain fut affreusement compliquée. Nous dormions debout tous les trois. En temps normal, durant la pleine lune, nos nuits étaient courtes parce que nous nous inquiétions pour Remus, tout seul dans la Cabane hurlante. Cette fois-ci, nous étions restés éveillés quasiment tout le temps et je me demandais comment nous allions pouvoir suivre les cours sans nous endormir sur nos bouquins. Ne pas écouter les profs était une chose. Attirer l’attention sur nous en nous assoupissant sous leur nez en était une autre. Il était hors de question que quiconque, enseignants ou élèves, mette le nez dans nos affaires.

Antje, d’ailleurs, ne manqua pas de remarquer nos têtes à la table du petit déjeuner. Elle-même semblait fatiguée mais je savais que le week-end qu’elle devait passer chez ses parents se rapprochait inéluctacblement, qu’elle était inquiète et qu’elle ne dormait pas très bien.

« Où est Remus ? demanda-t-elle en se faufilant entre James et moi.

— Il est malade, répondit Peter en bâillant. Faut le laisser tranquille. »

Antje fronça les sourcils. Peut-être commençait-elle à avoir des doutes. Bah, pensai-je en me frottant les yeux. Elle finirait bien par découvrir la vérité un jour ou l’autre. Quand ce moment viendrait, nous aviserions mais j’étais persuadé que ça ne changerait rien. Elle comprendrait certainement à quel point la situation de Remus était difficile. Je la regardai tendre la main pour attraper le pot à café et je fus incapable de refouler quelques pensées plutôt embarrassantes. Dans le brouillard de ma fatigue, je la trouvais adorable avec son petit air préoccupé et bon sang, son odeur de fleurs était tellement apaisante…

« Sirius ? »

Je sursautai et sortis de ma rêverie. Elle me regardait en haussant les sourcils.

« Tu veux du café ? me demanda-t-elle en me tendant une tasse pleine.

— Ah oui. Du café. Merci, marmonnai-je en me sentant complètement idiot.

— Je ne sais pas ce que vous avez fabriqué hier soir, tous les trois, dit Antje en nous regardant tour à tour, mais vous avez vraiment de drôles de têtes.

— Laisse-nous cultiver notre aura de mystère, fit James, et ne pose pas de questions. »

Elle n’insista pas mais je sentis, durant tout le petit déjeuner, son regard suspicieux peser sur nous. Au moment de quitter la Grande Salle pour nous rendre en cours, elle me retint par le poignet et me dit à voix basse :

« James peut dire ce qu’il veut avec son aura de mystère mais j’espère que vous ne faites pas de bêtises.

— Ne t’en fais pas pour ça, répondis-je.

— Je sais bien que vous attirer des ennuis ne vous pose pas de problèmes mais… »

Elle pinça les lèvres sans finir sa phrase et je sentis monter en moi une curieuse vague d’émotion. Antje s’inquiétait pour nous, c’était évident. Elle craignait sans doute que nous courrions des risques inconsidérés, que nous nous fassions renvoyer ou quelque chose comme ça. Si quelqu’un nous découvrait, effectivement, cette possibilité n’était pas à négliger, j’en avais bien conscience. Néanmoins, nous avions pensé à toutes les éventualités et ça ne se produirait pas. J’aurais bien volontiers rassuré Antje mais je ne pouvais rien lui dire. Alors je me contentai de lui sourire en secouant la tête, lui signifiant qu’elle se faisait du souci pour rien, puis je partis rejoindre mes copains.

La journée s’annonçait très longue.

oOØOo

Remus refit son apparition le lendemain matin. Il s’était remis plus facilement que d’habitude des effets de la pleine lune et il nous dit que Madame Pomfresh en avait été agréablement surprise. Nous fûmes donc plus sûrs que jamais d’avoir fait le bon choix et que l’aide que nous apportions à notre ami serait efficace. Les métamorphoses mensuelles, dorénavant, ne seraient plus aussi cauchemardesques pour lui et c’était une très bonne chose.

Quelques jours passèrent sans incident notable mais, tandis que la fin du mois approchait, je constatais qu’Antje était de plus en plus encline à la mélancolie et à l’anxiété. Dans un premier temps, je crus que c’était à cause du week-end qu’elle devait passer chez elle mais elle finit par m’avouer que certaines moqueries et autres mauvaises plaisanteries avaient recommencé. Ces derniers temps, outre les Serpentard qui s’en prenait à tout ce qui était d’ascendance moldue et la bande de Britta Hopkins, plus personne ne s’en était pris à Antje depuis qu’elle s’était mise à nous fréquenter, mes amis et moi. Sa détresse manifeste avait changé la donne, à croire que le monde était peuplé de minables aimant profiter de la faiblesse d’autrui pour se mettre en avant. Quelle bande d’imbéciles. Je détestais cette attitude lâche et abjecte, même si certains individus coincés du bulbe — Lily Evans pour ne citer qu’elle — pensaient que j’agissais de la même manière en m’en prenant à Rogue. Ce dernier, d’ailleurs, se montrait plus infect que jamais à l’endroit d’Antje. Il pensait probablement faire d’une pierre deux coups : il l’insultait et lui jetait des sorts parce que selon ses principes répugnants, elle n’était pas une vraie sorcière et dans le même temps, il savait que ça m’exaspérait et que je détestais qu’on fasse du mal aux gens que j’appréciais. Bien entendu, je ne pus laisser impuni ce qu’il faisait subir à Antje et lui collai un bon coup de poing dans la figure à la première occasion. Je n’avais malheureusement pas pris garde à la présence de l’odieux animal de compagnie de Rusard qui fila aussitôt prévenir son maître. De fait, je dus finir ma journée en retenue.

La vie, parfois, était injuste.

Je voyais bien qu’Antje essayait de faire comme si l’attitude des autres ne la touchait pas. Je savais aussi qu’elle tentait de refouler son angoisse concernant l’état de santé de sa mère. Ses efforts, pourtant, étaient insuffisants. Deux jours avant le week-end fatidique, je constatai qu’elle était à bout de forces. Son regard était fuyant et elle semblait lutter contre les larmes. Après le repas du soir, je l’emmenai dans une classe vide pour discuter un peu avec elle et essayer de lui remonter le moral. Elle me raconta les remontrances que lui avait faites Slughorn parce qu’elle avait raté sa potion, les quolibets qui en avaient découlé et la dernière « plaisanterie » de Britta Hopkins qui lui avait pris son sac pour le jeter au bas d’un escalier. Elle m’avoua ensuite sa fatigue, son découragement et sa peur de l’avenir. Ses propos étaient un peu incohérents, sa voix tremblait, elle semblait sur le point de fondre en larmes. La voir dans cet état me mettait mal à l’aise. Je ne savais pas quoi dire et me sentais terriblement impuissant.

« Je suis désolée, Sirius, soupira-t-elle. Je ne devrais pas t’embêter avec mes histoires. De toute évidence, je ne suis pas assez forte.

— Ne dis pas n’importe quoi », répondis-je.

Elle baissa la tête et je vis une larme couler sur sa joue. Je voulus la prendre par les épaules et, sans savoir vraiment comment c’était arrivé, elle se retrouva dans mes bras, son visage enfoui dans mon cou. Comme j’étais incapable de la réconforter avec de simples mots, je la serrai contre moi pour essayer de lui faire comprendre que j’étais là et que, même si une bande d’abrutis faisaient de sa vie une misère, même si sa mère allait peut-être mourir, elle n’était pas toute seule. Les pensées se pressaient dans ma tête sans que je sois capable de les exprimer. Mes doigts se posèrent dans le cou d’Antje, là où poussaient quelques petits cheveux frisés, et je me retrouvai à énoncer mentalement les paroles tendres refoulées depuis des semaines, enfermées dans les replis de ma conscience comme quelque chose d’inconvenant. Bien entendu, elle ignorait ce qui me traversait l’esprit mais je la sentis se détendre contre moi comme si mon étreinte maladroite lui faisait du bien. Je fermai les yeux pour respirer l’odeur de fleurs émanant de ses cheveux et espérai que le temps s’arrête, juste un peu. Je ne sus dire si cette sorte d’état de grâce dura cinq secondes ou cinq minutes mais au bout d’un moment, Antje se détacha de moi. Elle ne semblait plus sur le point de pleurer, ce qui était une victoire en soi.

« Je pense que ma vie entière ne suffira pas à rembourser ce que je te dois, me dit-elle d’une voix un peu plus rauque que d’habitude.

— Mais je n’ai rien fait », répondis-je.

Elle secoua la tête.

« Jusqu’ici, je me suis efforcée de cacher à ma famille, surtout à ma mère, que je n’avais pas d’amis. Maintenant, je vais pouvoir dire que je ne suis pas toute seule sans raconter de mensonges. »

Je souris malgré moi. J’avais réussi à le lui faire comprendre. Tandis que nous retournions dans la tour de Gryffondor, je me sentais un peu moins inquiet pour elle. Si elle avait réalisé qu’elle pouvait compter sur moi, ce n’était pas si mal. À notre arrivée à la salle commune, elle monta directement se coucher. Je rejoignis mes copains dans un coin et me rendis compte que j’avais un peu froid.

Il fallait dire que pendant un court moment, même si j’aurais voulu que ça se passe dans d’autres circonstances, j’avais tenu Antje dans mes bras.

oOØOo

Antje devait rentrer chez elle durant le week-end de sortie à Pré-au-Lard. J’avais prévu de passer toute la journée du samedi au village avec mes potes et de m’occuper de mes devoirs le lendemain. Avec un peu de chance, j’aurais suffisamment de choses à faire et l’esprit assez occupé pour ne pas me faire de souci.

Le samedi matin, je me retrouvai avec James, Remus et Peter dans le hall à faire la queue pendant que Rusard vérifiait la liste des élèves ayant l’autorisation de se rendre au village. Les portes étaient ouvertes et un courant d’air glacial nous faisait frissonner.

« Je crois qu’on va commencer par prendre quelque chose de chaud aux Trois-Balais, dit Peter en claquant des dents. Qu’est-ce qu’il fait froid ! Où sont les pingouins et les ours polaires ? »

Cette remarque nous amusa beaucoup mais mon rire se coinça dans ma gorge quand je vis passer Antje. Vêtue d’une robe et d’un manteau moldus, les cheveux sévèrement nattés, elle affichait une mine sinistre. Je m’excusai auprès des copains pour aller lui dire bonjour. Nous échangeâmes quelques propos qui sonnaient creux et, tandis que je cherchais quelque chose d’intelligent à dire, McGonagall surgit.

« Suivez-moi, miss Ziegler. Votre Portoloin vous attend. »

Je vis Antje déglutir péniblement mais je n’aurais su dire si c’était à cause de ce qui l’attendait chez elle ou de la perspective de prendre un Portoloin. Elle fit pourtant l’effort de prendre sur elle et de me sourire.

« Salut, Sirius, me dit-elle d’une petite voix. On se voit demain soir. Essaie de ne pas trop faire de bêtises. »

Son effort dérisoire pour faire une blague m’attrista.

« Ça va sans doute me demander un effort surhumain mais je ferai au mieux », répondis-je dans une tentative tout aussi minable. Je la regardai un moment et ajoutai : « Ne te fais pas trop de soucis. Tu me raconteras comment ça s’est passé ?

— Promis. »

Pour la deuxième fois, elle me saisit par le col de ma cape pour m’embrasser sur la joue. Quand elle s’écarta, je constatai que l’enseignante en métamorphose, qui était toujours là, semblait très intéressée par le lustre accroché au plafond. Antje m’adressa un petit signe de la main et suivit McGonagall. L’instant d’après, elles étaient parties.

Je rejoignis mes copains dans la file d’élèves qui attendaient de pouvoir sortir.

« Qu’est-ce qui se passe ? demanda James. Pourquoi Antje est habillée en Moldue ? Pourquoi elle est partie avec McGonagall ?

— Elle rentre chez elle jusqu’à demain, répondis-je brièvement.

— Mais… »

Je vis Remus secouer la tête.

« Il y a quelques jours, elle m’a dit que sa mère était gravement malade. Je sais que Sirius est au courant depuis un certain temps mais j’imagine que ça va finir par se savoir. »

James et Peter nous regardèrent tour à tour d’un air un peu vexé.

« Elle me l’a dit il y a longtemps, admis-je, mais j’ai promis de ne pas le répéter.

— Je vois, répondit Peter d’un ton pensif. Mais qu’est-ce qu’elle a ?

— Un cancer. »

Le terme fut accueilli par un silence. Nous étions tous conscients de ce que signifiait cette maladie pour les Moldus. Fort heureusement, nous arrivâmes devant Rusard à ce moment-là. Il nous jeta des regards soupçonneux en vérifiant que nos noms figuraient bien sur sa liste avant de nous laisser sortir. Sa vilaine bobine nous donna l’occasion de changer de sujet.

oOØOo

Quelques instants plus tard, nous étions assis aux Trois-Balais devant une tasse de chocolat bien chaud et bien crémeux. Nous devisions de tout et de rien quand Britta Hopkins jaillit de nulle part et se planta à côté de moi pour examiner mon visage à la recherche de je ne savais trop quoi.

« Qu’est-ce que tu veux ? demandai-je.

— J’ai vu Antje la Pleurnicharde t’embrasser sur la joue tout à l’heure, dit-elle d’un ton dégoûté. Si ça se trouve, elle t’a refilé une maladie. »

Je levai les yeux au ciel, exaspéré.

« Tu ferais bien de grandir, Hopkins. On ne t’a pas encore expliqué que ce genre de chose ne rend pas malade ? Ou alors ton crâne est tellement plein de courants d’air que l’information s’est perdue ? De toute façon, c’est très vilain d’espionner les gens.

— Elle a fait ça devant tout le monde.

— Eh bien tu n’avais qu’à regarder ailleurs.

— Tu es amoureux d’elle ?

— C’est mon amie. Et toi, à ce que je sache, tu n’es pas mon amie. Alors dégage.

— Je te l’ai dit, Sirius. Un jour, tu changeras d’avis. »

Je n’eus pas le temps de lui répéter pour la énième fois que ce n’était pas envisageable. Elle partit en balançant des hanches et disparut parmi la foule d’élèves qui envahissaient le café.

Immédiatement, je sentis sur moi le regard de mes trois copains. Ils semblaient surpris et vaguement amusés.

« C’est vrai, ce qu’a dit Hopkins ? demanda James. Antje t’a vraiment…

— Commence pas, l’interrompis-je. Et vous non plus, ajoutai-je à l’adresse des deux autres.

— Allons, Sirius, il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire, dit Remus.

— Et puis c’est pas comme si elle t’avait roulé un patin, fit Peter avec une grimace.

— Vous allez la fermer ? » grondai-je en me sentant rougir.

Britta Hopkins allait me le payer. Je n’aimais pas spécialement faire de blagues aux filles mais elle l’aurait bien cherché.

oOØOo

Cette journée de samedi fut plutôt tranquille. Je profitai avec mes copains des attractions qu’offraient le village, fis des provisions de sucreries et de farces et attrapes jusqu’à la fin du trimestre et, alors que le soleil se couchait, nous regagnâmes Poudlard tous les quatre. Le soir venu, Remus me battit aux échecs pour la énième fois et, après être allé me coucher, Antje se glissa dans mes rêves pour la première fois. J’avais traversé le fameux miroir magique montrant les plus profonds désirs des gens et je ne parvenais pas à regagner le monde normal. Je ne m’en sentais pas spécialement inquiet. Antje était avec moi et me disait que là où nous nous trouvions, rien ne pourrait jamais nous atteindre. Alors je me penchais sur elle pour l’embrasser mais, en jetant un coup d’œil sur le miroir qui à présent reflétait la vie réelle, je constatais qu’une foule de gens étaient en train de nous regarder.

Je m’éveillai en sueur, entortillé dans les couvertures.

Je passai la journée du lendemain à mes devoirs. En fin d’après-midi cependant, je commençai à m’inquiéter pour Antje. J’ignorais quand elle devait regagner l’école et j’espérais que tout allait bien. Je ne la vis pas au repas du soir. Ça ne me semblait pas très normal mais, en jetant un coup d’œil à McGonagall qui se trouvait avec les autres enseignants, je ne lui trouvai pas l’air soucieux. Peut-être qu’Antje devait revenir plus tard dans la soirée. Après le dîner, je fis une partie de bataille explosive avec mes copains pour me changer les idées mais, au moment où Peter était sur le point de nous exploser au sens strict, Lily Evans arriva en coup de vent.

« Black, tu dois venir avec moi tout de suite », dit-elle sans prêter la moindre attention à James qui se passait frénétiquement la main dans les cheveux. Je suivis la préfète en me demandant ce qu’elle me voulait. Elle refusa de répondre à mes questions. Les poings serrés, les sourcils froncés, elle semblait très en colère. J’aurais bien voulu qu’on m’explique ce qui se passait mais Lily Evans resta silencieuse jusqu’à… l’entrée de l’infirmerie.

L’agacement commença à me gagner.

« Bon sang, Evans, qu’est-ce que… »

Je ne pus terminer ma phrase. La porte s’ouvrit et McGonagall sortit, accompagnée de Slughorn qui se tordait les mains, visiblement très mal à l’aise.

« Je ne comprends pas, disait-il. Des garçons de bonnes familles, pour la plupart… de bons élèves, qu’est-ce qu’il leur a pris ?

— Ça suffit, Horace, cingla l’enseignante en métamorphose. Il serait temps que vous compreniez que l’éducation de ces jeunes gens… ah, vous êtes là, Miss Evans.

— Je suis allée chercher Sirius Black », répondit l’interpellée.

Les yeux de McGonagall se fixèrent sur moi.

« Ecoutez-moi bien, me dit-elle. Avant que je ne vous explique ce qui s’est passé, je vous demande de ne rien faire. Laissez les adultes prendre les mesures nécessaires et ne vous en mêlez pas. Me suis-je bien fait comprendre, Black ? »

Je ne voyais absolument pas de quoi elle parlait mais, histoire d’avoir la paix, je promis de me tenir tranquille. Ça ne m’engageait à rien, après tout.

« Il y a une heure, m’apprit l’enseignante, j’ai raccompagné miss Ziegler à l’école. Je l’ai laissée regagner la tour de Gryffondor et il se trouve qu’elle a été victime de l’attitude inqualifiable de certains éléments perturbateurs de la maison Serpentard, ajouta-t-elle en jetant un regard assassin à Slughorn comme si c’était sa faute.

— Qu’est-ce qu’il lui ont fait ? » demandai-je en sentant la colère poindre.

Par la barbe de Merlin, ces salopards allaient comprendre leur douleur.

« Je vous ai demandé de ne pas vous en mêler, répliqua McGonagall. Je vous ai fait venir ici parce que miss Ziegler a été choquée et que la présence d’une personne en qui elle a confiance l’aidera peut-être à se remettre plus vite. Si j’entends parler de la moindre petite vengeance personnelle de votre part, vous risquez plus qu’une retenue. Est-ce que c’est clair ? »

J’acquiescai docilement mais je n’en pensais pas moins. À ce moment, Madame Pomfresh sortit de l’infirmerie. McGonagall me fit signe de suivre l’infirmière, ce que je fis sans savoir à quoi m’attendre. Peut-être que cette bande d’abrutis avaient jeté des sorts à Antje et l’avaient rendue méconnaissable. Peut-être l’avaient-ils frappée. Rien que d’y penser, j’avais mal au cœur.

Elle était assise en tailleur au milieu d’un lit de l’infirmerie, vêtue d’un pyjama. Son visage et ses bras portaient des traces de brûlures, ses cheveux étaient devenus très courts et elle n’avait plus de sourcils. Elle me regarda d’un air vide, comme si elle n’était plus capable d’exprimer la moindre émotion. On avait dû lui donner une potion pour calmer ses nerfs.

« Salut, dit-elle.

— Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? »

Elle haussa les épaules.

« Comme tu le vois. Maléfice Cuisant, sortilège du Crâne chauve. Ils m’ont fait tomber et m’ont marché sur les mains. Ils étaient trop nombreux, je n’ai rien pu faire.

— Mais pourquoi ?

— On dirait que mon absence de ces deux derniers jours n’est pas passée inaperçue… les pauvres, ils étaient tellement déçus que je ne sois pas retournée définitivement chez les Moldus.

— Dis-moi qui c’est.

— Non. Je ne veux pas t’attirer d’ennuis, c’est déjà bien assez difficile comme ça. »

Elle baissa les yeux sur ses mains qui, je le constatai, étaient couvertes d’écorchures et de croûtes. Bande de salopards. Si Antje ne voulait pas me donner leurs noms, je le trouverais quand même et alors, ils le paieraient cher. Je gardai cette pensée pour moi néanmoins et changeai de sujet.

« Comment ça s’est passé avec tes parents ?

— Il n’y a pas grand chose à dire. Ma mère semblait fatiguée et un peu blasée, comme si la maladie ne la concernait pas vraiment… Ce n’était pas très amusant mais moins pire que ce que je pensais. Elle a insisté sur le fait que je devais rester ici pour Noël et… j’ai fait l’erreur de lui parler de la soirée dansante. Elle tient à ce que j’y aille, elle m’a donné de l’argent pour que je m’achète une robe mais je pense que je n’irai pas. Vu ce que les gens pensent de moi, je n’ai rien à faire dans ce genre de petite fête.

— Justement, affirmai-je sans avoir une quelconque idée de ce que je disais, si tu y vas, ce sera la preuve que ce qu’on te dit ne t’atteint plus. Tu veux y aller avec moi ? »

Le temps resta suspendu quelques secondes. Bon sang, qu’est-ce qui m’avait pris ?

« Je croyais que tu n’aimais pas ça, objecta Antje d’un ton hésitant.

— Je veux bien faire l’effort. Juste une fois. Qui sait ? Si ça se trouve, on pourra s’amuser.


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