Partager la publication "[Critique] ROCK’N ROLL"
Note:
Origine : France
Réalisateur : Guillaume Canet
Distribution : Guillaume Canet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Yvan Attal, Philippe Lefebvre, Camille Rowe, Ben Foster, Maxim Nucci, Johnny Hallyday…
Genre : Comédie
Date de sortie : 15 février 2017
Le Pitch :
Guillaume Canet, 43 ans, a tout pour être heureux. En couple avec Marion Cotillard, avec laquelle il a un fils, il mène une carrière d’acteur florissante. Pourtant, un jour, une interview le plonge dans un profond désarroi. Un entretien durant lequel une journaliste lui affirme qu’il ne fait plus partie de la liste des acteurs français qui comptent. Désormais rangé des voitures, Guillaume Canet n’est pas assez rock and roll pour les nouvelles générations, qui lui préfèrent les Gaspard Ulliel et autres Pierre Niney. Il s’aperçoit qu’on le considère comme un comédien un peu ringard et somme toute conventionnel. Bien décidé à prouver à tout monde qu’il est encore jeune et insaisissable, l’acteur se met alors à faire n’importe quoi et à adopter un comportement pour le moins imprévisible…
La Critique de Rock’N Roll :
Guillaume Canet a toujours fait preuve d’une vraie volonté de surprendre. Surtout en ce qui concerne les films qu’il a mis en scène, et même si il manquait au final toujours quelque chose pour qualifier ses essais de franches réussites. Son tout premier, Mon Idole, traduisant une urgence et un étant d’esprit dont il s’est malheureusement un peu éloigné par la suite, au fil d’œuvres parfois célébrées (Les Petits Mouchoirs) et parfois ignorées (Blood Ties, son essai américain) mais quoi qu’il en soit plutôt conventionnelles. Rock’N Roll arrive donc à point nommé pour rappeler à ceux qui ont légitimement pu l’oublier, que Guillaume Canet n’est peut-être pas le gendre idéal qu’on a souvent vu en lui. Finies les chroniques larmoyantes et poussives au bord de l’océan ou les thrillers prévisibles pour Canet, qui passe à la vitesse supérieure avec un film qui, et c’était presque inespéré, tient enfin toutes ses promesses !
Mise en abîme périlleuse
Guillaume Canet n’est bien sûr pas le seul acteur à se mettre en scène dans son propre rôle, au sein d’une histoire qui, si elle s’appuie sur plusieurs vérités, extrapole aussi beaucoup. Michel Blanc avait fait la même chose avec Grosse Fatigue. En France ou aux États-Unis, les comédiens ont souvent aimé prendre un peu de recul sur leur vie et leur image publique, en tablant sur ce genre d’auto-dérision. Un genre qui n’appelle aucune demi-mesure. Ce que Canet a parfaitement compris. Un film sur sa vie ? Ok, mais alors un truc qui va loin. Là est la principale et plus grande qualité de Rock’N Roll : il va jusqu’au bout de son concept et que l’on aime ou pas la façon dont se poursuit le récit quand celui-ci atteint le point de non retour (aux deux tiers environ) force est de reconnaître la cohérence de l’ensemble et le courage qui en émane.
Car en effet, Canet a pris des risques. Sa fin notamment, va probablement en laisser plus d’un perplexe. D’autres (dont l’auteur de ses lignes) vont adorer. Parce qu’il est vrai qu’elle a de la gueule cette fin, dont nous ne dévoilerons bien sûr rien. Sachez juste qu’il est impossible de la voir venir.
Très bien écrit, Rock’N Roll permet donc à Guillaume Canet de jeter un regard acide sur sa propre existence, tout en taclant joyeusement certains médias et plus globalement tous ceux qui nourrissent de leurs ragots et de leur curiosité parfois malsaine une machinerie dont il s’est d’ailleurs retrouvé au centre à la sortie d’Alliés, de Robert Zemeckis (quand il fut murmuré que Marion Cotillard était enceinte de Brad Pitt). Et si il profite de son postulat pour viser quelques cibles et toucher en plein cœur à plusieurs reprises, avec une jubilation communicative, Guillaume Canet ne perd pas de vue que le sujet du film, c’est avant tout lui et personne d’autre. Ce double qui, à l’écran, devient un acteur désireux de prouver son côté rock sans trop savoir ce que cela signifie d’ailleurs. D’un quadragénaire en pleine crise, qui n’aime pas spécialement ce qu’il est devenu et qui va donc chercher un nouveau rebond, quitte à se mettre à dos son entourage.
Film rock ?
Avec sa promo un peu surfaite sur Instagram, son affiche volontairement ou non désuète, semblant tout droit sortie des années 80 et la présence de Johnny Hallyday au générique, comme si il était le seul garant de l’état d’esprit rock and roll en France (à défaut d’en faire au niveau musical), Rock’N Roll avait certes pour lui un trailer intriguant et un casting plutôt classe, mais c’est bien tout. Comme dit plus haut, Canet a souvent pris pour habitude de ne pas vraiment aller jusqu’au bout de ses concepts ou de se ranger. Pas ici. Rock’N Roll surprend car il réussit tout ce qu’il entreprend. La déconstruction plus ou moins contrôlée de cet acteur en quête d’autre chose est de prime abord assez fascinante mais aussi très drôle. Il faut voir Canet péter un plomb sur le plateau d’un énième drame lénifiant franco-français pour comprendre que son nouveau film est aussi un bon gros coup de pied dans la fourmilière d’un cinéma hexagonal nombriliste et refermé sur lui-même. Canet lui, préfère envoyer bouler tout ça et regarder vers une comédie gentiment trash mais violemment sincère, faisant référence aux cadors américains. Là encore la fin va dans ce sens. Le plaisir qu’il prend à l’auto-dérision, entouré de sa compagne et des ses amis (mention à Johnny), aussi.
Alors certes, le titre ne veut pas dire grand-chose. Le mot rock rime ici davantage avec liberté. C’est ce vers quoi tend le Guillaume Canet de cette curieuse histoire : être lui-même envers et contre les attentes et les obligations.
Du cinéma français comme on aimerait en voir plus souvent
Il se dégage de cette comédie un parfum somme toute assez rare chez nous. Rien à voir avec les grosses pantalonnades franchouillardes mais rien à voir non plus avec les délires bobos comme Les Infidèles (dans lequel Canet joue aux côtés de Jean Dujardin et Gilles Lellouche). Rock’N Roll évolue dans une ambiance qui fait plaisir. Ce qui profite aux acteurs. Aux deux principaux en tout cas, à savoir Guillaume Canet himself et Marion Cotillard. Elle, qui trouve l’un de ses meilleurs rôles. Le meilleur français en tout cas c’est certain. En roue libre, positivement parlant, elle est parfaite. Tout spécialement quand le script lui donne l’opportunité d’aller très loin dans le délire, ce qu’il fait heureusement rapidement. À l’aise dans ses baskets, elle joue le jeu à fond les ballons, et contribue à instaurer une mécanique parfaitement cadencée, initiée par un Guillaume Canet ambitieux et inspiré. Le couple qui fait de ce long-métrage à part non seulement l’une des comédies les plus efficaces et les plus originales vues depuis des lustres en France, mais aussi une œuvre empreinte de liberté et d’une authentique tendresse, habitée d’une folie douce, qui assume tous ses choix. Et franchement, ça fait du bien. Comme quand, dans un moment de pur abandon, le film nous gratifie de passages complètement dingues, qui sont habituellement l’apanage des Ben Stiller, Will Ferrell, et autres Kristen Wiig.
En Bref…
Rock’N Roll est de loin le meilleur film de Guillaume Canet le réalisateur. Il n’y a pas photo. Mais c’est aussi le meilleur de l’acteur. Brillante mise en abîme, ce film n’est ailleurs jamais aussi bon que lorsqu’il cède à des délires que beaucoup pourront juger hors sujet, mais qui en réalité, lui donnent tout son sel. Quand il lâche la bride, Guillaume Canet redevient bel et bien le meilleur espoir du cinéma français. Celui qui, au moins le temps d’un long-métrage, aura su faire autre chose que la soupe qu’on nous sert habituellement, avec flamboyance, auto-dérision, inspiration et goût. Pourvu qu’il continue dans cette voie…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Pathé