Berthe Morisot : « Chrysanthèmes (le panier renversé) »
Quand on a la chance de ne pas se sentir vieux, il vaut mieux n’utiliser son miroir que pour le strict nécessaire. Ce miroir, qui, comme le disait Cocteau, devrait réfléchir avant de renvoyer votre image.
Il y a cependant trois signes qui me rappelle mon âge :
Le premier tient à la courtoisie des autres (et oui, ça existe encore) : ce fut le moment (et ce moment crucial m’a surpris) où l’on a commencé à me céder une place assise dans le métro. On peut éviter son miroir mais pas le regard implacable des autres. Signe d’autant plus patent que la place est cédée par une femme et pire, par un homme d’âge moyen, dont je me sentais plutôt proche.
Le second est une petite difficulté à mettre ses chaussettes, signe qui vous rappelle que la rigidité a remplacé définitivement la souplesse.
Le troisième est la répétition des enterrements. Aujourd’hui, je fréquente plus d’amis morts que de vivants.
Et dans le cortège qui accompagne la personne défunte, il y a toujours quelqu’un qui ne manque pas de dire cette phrase irritante : « il ou elle aimait la vie ». Une phrase que l’on entend fréquemment dans les médias lorsqu’on interroge les proches d’une personnalité défunte.
Le moins que l’on puisse dire est « qu’aimer la vie » est un trait de caractère sans grande originalité, et qui ne mérite donc pas d’être mis en exergue. Et qu’en outre, cette formule sous-entend, assez bêtement, que puisque cette personne aimait la vie, elle ne méritait pas de mourir ou qu’aimant autant la vie, il est étonnant qu’elle ait pu la quitter.
On peut en déduire que ceux qui mériteraient de mourir ne seraient que ceux qui n’aiment pas la vie. D’ailleurs, logiquement, nombre d’entre eux se suicident. Cependant, certains claironnent à qui veut les entendre qu’ils n’aiment pas la vie en évitant soigneusement de se suicider pour en faire parfois leur gagne-pain, comme le fit Cioran.
Pourquoi citer le Dr WO que je déguste chaque matin juste avant mon café… Parce que ses trois signes me concernent diablement… Parce que l’illustration de ce mot me rappelle de bons souvenirs… Parce que… C’est le Dr WO !
Post-Scriptum pour ceux comme moi qui ne connaisse pas Emile Michel CIORAN : La philosophie de Cioran, penseur roumain, est une philosophie du désespoir. Réfléchissant sur la condition humaine qu’il juge de manière très pessimiste, Cioran condamne l’homme à errer sans raison dans univers vide de Dieu.
Sur la vie on ne peut écrire qu’avec une plume trempée dans les larmes.