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La France se joint à la course à l’ADN !

Publié le 14 février 2017 par Pnordey @latelier

Les thérapies géniques vont apporter de nouvelles armes aux médecins pour lutter contre les pathologies les plus sévères, notamment le cancer. Mais dans cette course vers une médecine ultra personnalisée pour le plus grand nombre, la baisse du coût des analyses d'ADN sera la clé.

Il y a quelques semaines, à l'occasion du lancement de ses nouvelles machines d'analyse ADN, Francis deSouza, le PDG d'Illumina annonçait que le séquençage du génome d'un patient ne coûterait plus qu'une centaine de dollars et pourrait être réalisé en 60 minutes. Actuellement, le prix d'une telle analyse est de l'ordre de 1 000 dollars avec des machines facturées entre 850 000 et un million de dollars. On prend ainsi la mesure des progrès réalisés depuis le The Human Genome Project (HGP), ce programme de recherche lancé en 1990 et qui est parvenu pour la première fois à séquencer le génome humain dans son ensemble en 2003. Un effort international qui avait nécessité à l'époque un budget de 3 milliards de dollars.

Mais si la recherche avance dans le domaine des techniques d’analyse de l’ADN, des moyens conséquents vont devoir être mis en place pour que les populations puissent en bénéficier tant pour le diagnostic que, dans un futur proche de traitements personnalisés. Et c’est dans cette perspective que la France a mis en place stratégie visant à doter le territoire de centre de séquençage ADN sur tout le territoire.

Vers une démocratisation des tests ADN sur le territoire français

Le projet a été officiellement lancé en juin 2016, lors de la remise du Plan France Médecine Génomique 2025 au Premier ministre d’alors, Manuel Valls par Yves Lévy, Pdg de l’Inserm et Président de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Lors de cette cérémonie, Yves Lévy déclarait : « Le plan est assez simple : mettre en place des plateformes de séquençage à haut débit sur l’ensemble du territoire pour que chacun puisse y avoir accès, collecter ces données pour avoir un système centralisé et nous permettre d’avoir une masse d’informations. Enfin, il faudra assurer la pérennité du système, ce qui veut dire avoir des centres de référence qui surveillent ce que nous faisons et qui permettent d’intégrer au fur et à mesure les innovations technologiques pour que chacune ne fasse pas ce qu’il veut de son côté. » Depuis, un budget de 670 millions d’euros a été débloqué afin de mettre ce plan en application et en décembre 2016, Marisol Touraine lançait un premier appel à projet pour la construction de 2 centres de séquençage à très haut débit. Il s’agit des deux premiers centres, sachant que l’objectif est bien d’atteindre les 12 plateformes d’ici 5 ans. Dans sa description, le rapport estime que chaque centre va employer une quinzaine de personne et pourra analyser environ 20 000 génomes par an.

La technique CRISPR/Cas9 soulève d'immenses espoirs et d'immenses craintes

Le plan français vise notamment à venir en aide aux malades frappé par l’une des 7 000 maladies rares, des patients actuellement en situation de « d’errance diagnostique » et les analyses ADN vont apporter un plus en diagnostic et suivi de ses patients, beaucoup imaginent d’aller beaucoup plus loin et non plus se contenter de dépister telle ou telle pathologie, mais les traiter.

Jusqu'à récemment, les techniques d’édition génique été longue et coûteuse à mettre en œuvre et réservait les usages médicaux à la recherche, mais depuis l’invention de la technique d’édition génique CRISPR-Cas9, un usage beaucoup plus large est désormais très sérieusement envisagé. Cette technique, mise au point par l’équipe de recherche d’Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna permet de remplacer des fragments ciblés d’ADN par une séquence quelconque. Elle permet de littéralement réaliser des coupé/collé dans les gènes.

La technique est utilisée en génie génétique pour intégrer de nouvelles propriétés à des fruits, des légumes ou même des animaux. La relative simplicité de CRISPR-Cas9 est telle que David Ishee, un biohacker, a annoncé vouloir produire un dalmatien génétiquement modifié pour ne plus souffrir de calculs urinaires du fait de l’hyperuricémie caractéristique de cette race de chien. La Food & Drug Administration lui a interdit de commercialiser ce chien génétiquement modifié et, face à la relative simplicité de mise en œuvre de la technique CRISPR-Cas9, la FDA a annoncé vouloir réguler les usages de l’édition génétique aux Etats-Unis. Comités d’éthiques et gouvernements s’alarment déjà sur les conséquences de la dissémination de cette technique. Des terroristes pourraient la mettre à profit pour rendre toxique des fruits et légumes ou créer des virus génétiquement modifiés.

Les tests sur les patients humains ont commencés

Mais outre ses usages potentiellement dangereux, sauf feu rouge des comités d'éthiques, CRISPR-Cas9 aura des applications sur l’homme. De nouveaux traitements se profilent déjà. Plusieurs équipes de recherche notamment chinoises et suédoises sont déjà parvenues à modifier des gènes d’embryons humains, démontrant que techniquement, il n’y a pas d’impossibilité à réparer les gènes d’un enfant dont on sait qu’il sera victime d’une anomalie génétique. Il sera ainsi techniquement possible de rendre des enfants et leur descendance immuno-résistants au virus du Sida.

Mais outre ces essais sur les embryons, les chercheurs chinois et américains sont engagés dans une course à celui qui guérira ses premiers patients par édition génétique. En juin 2016, les chercheurs américains ont reçu le feu vert pour traiter des malades du cancer. L'idée des chercheurs est de modifier les lymphocytes T d'une vingtaine de patients afin que ces globules blancs puissent cibler spécifiquement le cancer dont sont victimes les patients. Officiellement, l’objectif de cet essai est de valider la faisabilité d’une thérapie génique au moyen de la technique CRISPR-Cas9, mais l'espoir de malades de cancers pour lesquels toutes les thérapies existantes ont échoué est bien évidemment énorme. Cette recherche est financé par la fondation Parker, fondation créée par Sean Parker, le flamboyant fondateur de Napster dont l'objectif avoué est : "disrupting cancer." Si Google n'a pas officiellement dévoilé ses recherches sur la question, notamment dans le cadre de sa société Calico, la technique intéresse beaucoup le géant du Web. La rumeur d'un projet de moustique génétiquement modifié à circulé (le projet GMO) et Google Ventures a participé à une levée de fond de 120 millions de dollars par Editas Medicine, rejoignant ainsi la fondation Gates dans le financement de cette startup spécialisée dans l'édition des gènes via la technique CRISPR-Cas9.

En parallèle à cet effort américain, la Chine avance elle-aussi vers les premières expérimentations sur des malades. L’équipe de Lu You de l’université de Sichuan a commencé les tests de la même technique, des lymphocytes T modifiés par CRISP-Cas9, afin de cibler les cellules cancéreuses. Un malade du cancer du poumon a bénéficié d’une première injection, sachant que le test va porter sur une dizaine de personnes. Le chercheur se donne 6 mois pour évaluer les résultats de ce test. Se poseront ensuite les questions d’industrialisation de la technique. Le comité d’éthique de l’IRSERM a délivré en juin dernier les grandes lignes de la position française sur les usages de CRISPR-Cas9 : encourager la recherche, participer aux programmes nationaux et internationaux, tout en évaluant les effets indésirables induits par cette technique mais aussi respecter l’interdiction de toute modification du génome nucléaire, c'est-à-dire le patrimoine génétique transmis  de génération en génération. Enfin, le comité d’éthique appelle à une réflexion philosophique sur la plasticité du vivant, réfléchir à la nature humaine face aux promesses et dangers introduits par cette capacité à réécrire nos gènes.

La chute du coût des analyses ADN s'accélère

La recherche avance désormais très rapidement et il est de plus en plus rapide de réaliser l'analyse ADN d'un patient. Aurélien Bancaud, chercheur du Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (Laas) du CNRS, a mis au point une technique d'analyse d'ADN en rupture avec les techniques habituelles et qui permet de réaliser une analyse en une dizaine de minutes seulement. Mais outre la vitesse de la technique imaginée par le chercheur, sa technique présente un atout majeur, sa sensibilité. "Notre innovation permet de faire de l'analyse de fragment d'ADN avec une sensibilité qui est de 100 à 1 000 fois supérieure à toutes les technologies sur le marché" affirme Aurélien Bancaud. "Quand nous sommes en présence d'un échantillon très dilué, on peut concentrer ces fragments d'ADN par un assemblage de capillaires qui va forcer l'ADN à se concentrer entre deux capillaires consécutifs."

Cette sensibilité fait toute la différence, notamment lorsqu'il s'agit de diagnostiquer des tumeurs. "Elle autorise en particulier l'analyse de l'ADN résiduel, c'est à dire celui qui est présent dans une canalisation de refroidissement ce qui signale la présence de salmonelle, ou encore l'ADN qui circule dans notre sang du fait du renouvellement cellulaire. Les chercheurs, notamment à Paris Descartes sont en train de valider des protocoles de diagnostic et de suivi des patients en chimiothérapie sur la base de l'analyse de cet ADN circulant. C'est un domaine où la recherche avance vite car laisse espérer d’avoir un bilan de santé en ayant moins recours à l'imagerie médicale. Comme les tumeurs ont une activité métabolique supérieure, elles libèrent plus d'ADN avec une signature spécifique et ont peut ainsi avoir une information ciblée. Cet ADN circulant dans le sang, l’analyser était aux limites de sensibilité des machines actuelles. Avec notre technique, nous parvenons à analyser cet ADN sans difficulté."

La technique découverte par le chercheur a été testée dans plusieurs hôpitaux, ainsi que dans l'industrie pharmaceutique. Elle est maintenant commercialisée par Picometrics qui propose aujourd'hui le procédé sous forme de service. 5 brevets ont aujourd'hui été posés sur la technologie et le toulousain a présenté sa machine à France Génomique voici quelques semaines.


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