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Altaïr : la guerre comme nulle part ailleurs !

Publié le 19 février 2017 par Paoru

Le chocobo est de retour ! 

Sortant enfin la tête de l’eau après six mois intenses (réorganisation au boulot, je vous passe les détails) je reviens en douceur, au rythme d’un papier par mois jusqu’à cet été. Pour relancer la machine, rien de mieux qu’un coup de cœur : il est pour Altaïr de Kotono KATO, aux éditions Glénat.

Le tome 14 est sorti en janvier et clôt un arc majeur de la série, follement épique et diablement prenant ! En dévorant cette semaine les 5 derniers tomes pour rattraper mon retard, j’ai clairement voulu vous faire plonger dans l’un des tous meilleurs mangas sur la guerre, aux côtés d’Arslan et de Vinland Saga. Avec ses propres armes et une captivante singularité.

Bref, la barre est donc placée assez haute, à moi désormais de vous dire pourquoi… Bonne lecture !

altair T13

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Notre peuple vaincra !

Printemps de l’an 451 selon le calendrier impérial, ou 75 selon le calendrier türk, quelque part sur le Continent roumélien…

Dans les hautes sphères de l’état militaire de Türkiye, on parle avec admiration d’un certain Mahmud, le plus jeune homme à accéder au rang de pacha (général) dans la stratocratie de Türkiye. Accompagné de son fidèle aigle royal Iskandar, notre fauconnier tente de faire régner la paix et sillonne le pays pour déjouer les conflits. Mais c’est sans compter sur les manipulations du Premier Ministre Louis de l’Empire voisin du Baltrhain, et du conflit en dormance entre ces deux nations.

Le royaume de Türkiye, terre de commerce prospère, est l’ennemi juré du Baltrhain qui lorgne sur ses richesses et qui veut, douze ans après une première tentative d’invasion ratée, mettre définitivement la main sur le seul ennemi du Continent en mesure de lui résister. Seulement la Türkiye est divisée et en infériorité militaire. Pendant les douze années de paix, le pays a pansé ses plaies puis a prospéré par le commerce, tandis que de nombreux hauts placés de l’Empire ont ourdi leur revanche par une politique guerrière et se sont armés en conséquence.

Comment, dès lors, Mahmud peut-il empêcher ce conflit qu’il refuse, lui qui a perdu sa mère massacrée dans la précédente guerre ?

 Altaïr ©2014 Kotono Kato  Altaïr ©2014 Kotono Kato  Altaïr ©2014 Kotono Kato

Le jeune homme ne semble pas de taille et, très vite, il chute. En évitant qu’une rébellion ne vire au bain de sang dans une ville frontière, il commet un impair et se voit déchu de son titre de pacha. Il doit désormais œuvrer dans l’ombre, parcourant son propre pays pour déjouer les complots de l’Empire, cité après cité. La corruption, les menaces, les manipulations politiques et la maîtrise des flux alimentaires ou économiques sont les milles et unes voies qu’emprunte le Ministre Louis, l’ennemi désigné de Mahmud. Ce génie militaire sans aucune pitié a malheureusement plusieurs coups d’avance et il fait tomber les remparts de la Türkiye tel un jeu de domino. L’ancienne grande Türkiye, morcelée depuis le dernier conflit, est trop apeurée pour se lancer officiellement dans la guerre, et la paix a endormi sa vigilance. Petit à petit la main de l’Empire s’étend donc sur le royaume türc… Mais pas sans se brûler les doigts au passage !

En effet, aux quatre coins de son pays, Mahmud brille par sa pugnacité, son imagination et sa détermination à sauver sa patrie. Il finit par s’entourer de valeureux guerriers, de talentueux informateurs, mais aussi de dirigeants de premier plan, qu’il entraîne dans une nouvelle alliance, sans cesse grandissante : la Türkiye n’a pas dit son dernier mot, et elle est bien décidée à montrer les crocs !

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Il était une fois la guerre… en Méditerranée

Si l’on place en préambule que Kotono KATO a fait des études d’Histoire spécialisées sur la Turquie, on commence à comprendre la genèse d’Altaïr et l’enchevêtrement des références qui le compose. Forte de ses connaissances historiques, la mangaka a recréé une nouvelle Méditerranée où elle redessine une nouvelle carte, réorganise les alliances,  redistribue les ethnies et réinvente les guerres qui ont fait rage pendant des siècles entre l’Empire Byzantin et celui qui allait le supplanter, l’Empire Ottoman. Elle pioche aussi dans l’opposition de ce dernier avec les coalitions européennes du Saint Empire Germanique qui dureront jusqu’à l’orée du XXe siècle. Elle a donc l’embarras du choix. Géographiquement et culturellement, ce panel couvre toutes les grandes puissances du sud du Môyen-Âge tardif et de la Renaissance, de l’Espagne jusqu’à l’Arabie Saoudite… Un vaste vivier, donc.

 Carte Europe  Ottoman Empire

Néanmoins, même si le choix est large, encore faut-il associer l’ensemble correctement, pour donner un minimum d’unité à ce nouveau monde. À cette fin, la mangaka commence déjà par concentrer le tout : la mer du Centro et le Contient roumélien d’Altaïr sont bien une nouvelle version de la Méditerranée. Le royaume de Türkiye et l’Empire du Baltrhain y sont les deux seuls pays d’envergure, entourés de petites provinces et surtout de villes-état, chacun indépendant de son voisin et tout au plus partenaires dans une coalition commerciale.

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Carte partielle d’Altaïr : Baltrhein à gauche, Turkïye et ses voisins à droite © 2014 Kotono Kato

Parti en voyage dans sa contrée natale, Mahmud va donc de ville en ville, restant pendant deux ou trois volumes dans chacune. Il  permet au lecteur de faire des bonds dans l’espace, voire dans le temps :  le premier exemple marquant est l’Etat Portuaire de Phoenicia au début du volume 3, qui possède des allures de Carthage ou de république grecque. C’est aussi le nom d’une ancienne civilisation établie du côté de la Syrie, qui s’est répandue un peu partout en Méditerranée de 1500 à 300 avant J.C..

Puis vient la république de Vénédik, hommage à Venise, avec ses masques mais surtout ses bateaux qui vont devenir LA flotte primordiale dans la conquête des mers, une dizaine de volumes plus tard. D’autres cités ou petits états vont suivre comme l’homonyme et fastueuse Florence, la cité imprenable et hispanisante de Campana, les mercenaires de Tauro, l’Urad et ses palais slaves de toute beauté… etc, etc ! On pourrait passer des heures à éplucher chacune de ces destinations tant les décors et les costumes y sont majestueux, bourrés de détails. Les références culturelles enrichissent l’ensemble et lui confèrent un supplément d’âme, en plus d’être expliquées dans de petits encarts bonus ou en début de chapitre, pour une introduction dans un nouveau lieu.

Arrivée à Venedik

Arrivée à Venedik © 2014 Kotono Kato

De par le jeu de toutes ces références Kotono KATO déploie son manga bien au delà du simple shônen historique. La quête initiatique de Mahmud est un voyage rafraîchissant dans des contrées que l’on croit reconnaître mais que l’on ne cesse, en réalité, de redécouvrir. Un vrai dépaysement. De plus, le résultat visuel sympathique des premiers tomes, avec ses influences orientales assez inédites pour un manga, gagne en maturité au fil des opus. On sent la mangaka monter en gamme dans ses tracés et la maîtrise de son chara-design. Rien de plus normal car Altaïr est le premier titre de Katano KATO, qu’elle a débuté en 2008 au Japon. Une fois le cap des 9e et 10e tomes franchit, on atteint alors un graphisme envoûtant et les magnifiques couvertures des derniers tomes de la série, avec ses somptueuses incrustations dorées, ne mentent en rien sur la beauté des dessins qui se cachent en dessous. Le manga ne se lit plus, il se savoure, se dévore ou se décortique selon votre appétit de lecteur, avec une réelle gourmandise.

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« Au jeu des stratèges il faut vaincre ou périr« 

Enfin, impossible de finir cet article sans évoquer ce qui m’a séduit dès les premiers volumes et qui fait que je mets la série en avant dès que je le peux, ici et ailleurs : la géostratégie et les techniques militaires ne cessent de donner du piquant à Altaïr. Dans le premier Arc, Mahmud regagne petit à petit ses galons auprès du pouvoir Türc, à travers des victoires mais aussi des échecs. En effet, il est des situations qui ne peuvent pas toujours êtres sauvées, des cités si embourbées dans leurs disputes internes ou leur corruption qu’un « étranger » n’a aucune chance d’inverser les rouages du destin. Mais Mahmud brille à chaque fois, par sa capacité à lire les plans des adversaires, à en éviter les traquenards et à penser plusieurs coups en avance.

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Une fois la preuve faite de sa valeur, il se voit confier une mission secrète : reformer l’ancienne Grande Turquie en prévision du combat qui s’annonce contre l’Empire, quitte à faire disparaître – et ce par tous les les moyens – les anciens sultans amis qui sont passés depuis du côté du Baltrhain. Il grandit donc de rencontres en rencontres, évolue le long de cette quête initiatique faisant preuve d’une maturité assez précoce et comprenant rapidement que certains ennemis ne peuvent pas être épargnés. La réalité de la guerre et des conflits a frappé notre héros très jeune et il sait que certains ennemis doivent mourir. Altaïr n’est donc pas un shônen naïf où tout le monde meurt quatre à cinq fois. Il y a des rebondissements et des vies sauvées in extremis, bien sûr, mais les soldats et les civils meurent… et leurs généraux aussi.

C’est la guerre quoi, la vraie, avec tous ses moments tragiques, ses sacrifices glorieux ou ses morts stupides, ses vengeances dans le sang ou ses défaites dans l’honneur…

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Altaïr ©2014 Kotono Kato

Tout ceci donne un arc riche en émotion qui construit véritablement la série et ses bases, jusqu’au moment où l’heure du grand affrontement retentit. Je ne vous en dévoile pas les tenants ni les aboutissants, mais ce jeu de guerre pour la défense de la nouvelle alliance est un must read pour quiconque a déjà pris du plaisir à un jeu de stratégie en plateau ou sur console. Infanterie, cavalerie légère ou lourde, ingénierie surprenante, bataille en mer, technique d’encerclement ou de contre-encerclement sur terre, stratégie de fuite ou de chasse, utilisation du relief… Si vous avez la chance comme moi de lire les tome 10 à 14 d’un coup – relisez-les sinon, ça marche aussi – c’est un véritable festin où s’affrontent des dizaines de milliers d’hommes et les plus brillants des cerveaux.

Bref, que dire de plus, les superlatifs vont finir par me manquer mais je pense que vous avez compris l’envie de partager avec vous cette passionnante lecture. Au bout de 14 tomes, je ne pouvais plus me taire ou évoquer la série sur une simple petite chronique.

 Altaïr ©2014 Kotono Kato Altaïr ©2014 Kotono Kato Altaïr ©2014 Kotono Kato

Alors que le 15e volume arrive le 8 mars prochain dans nos librairies, la France aura rattrapé le Japon et son 18e volume courant 2017. Déjà qu’elle ne parvient pas vraiment à trouver son public, la série risque donc de sortir des radars car elle ne sera plus publiée qu’une fois tous les 8-10 mois. Mais Altaïr et son auteure Kotono KATO méritent amplement de connaître le succès, pour leur invitation au voyage, des graphismes somptueux et détaillés, un mix des cultures et des civilisations remarquable et une véritable expertise guerrière, tant sur le plan tactique que dramatique… Donc lisez Altaïr et partez à l’aventure, que diable !

tome 15 altaïrFiche descriptive

Titre : Altaïr
Auteur : Kotono KATO
Date de parution du dernier tome : 04 janvier 2017
Éditeurs fr/jp : Glénat Manga / Kôdansha
Nombre de pages : 192 n&b
Prix de vente : 7.60 €
Nombre de volumes : 14 / 18 (en cours)

Visuels : © 2014 Kotono Kato

Pour en savoir plus vous pouvez jeter un œil sur la preview ci-dessous et sachez également qu’un anime est prévu pour cet année : il possède déjà son site internet et son compte twitter, et les studios Mappa et Aniplex, ainsi que le réalisateur Kazuhiro Furuhashi (Le chevalier d’Eon)  sont à la manœuvre. 

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