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Le fil rouge de Bernard Rancillac

Publié le 23 février 2017 par Pantalaskas @chapeau_noir

Concernant les peintres de la Figuration Narrative il est remarquable d’observer que nombre de leurs toiles datant même de près d’un demi-siècle semblent avoir été réalisées aujourd’hui tant leur fraîcheur, leur pouvoir décapant perdure.Le fil rouge de Bernard Rancillac C’est le cas de la rétrospective consacrée à Bernard Rancillac à l’Espace Niemeyer à Paris. Dans cette exposition  que l’organisateur, le Musée de la Poste, délocalise dans ce lieu pour cause de travaux, le moment où, au début des années soixante, le travail du peintre bascule de l’abstraction vers une figuration nouvelle marque le véritable point de départ d’une œuvre qui se cherche encore. Avec cette approche personnelle, le jeune créateur prend conscience qu’il n ‘est pas seul, que d’autres artistes se retrouvent dans une préoccupation comparable. Ce qui ne se revendique pas déjà comme un mouvement n’a pas trouvé un nom mais prend alors position dans son époque et entame une aventure qui se prolonge de nos jours.
L’ implication de cette Nouvelle Figuration dans son siècle commence par une guerre des images, celles en provenance du maelström de l’information, de la publicité, des productions industrielles de l’imagerie populaire. Bernard Rancillac s’accapare ces images pour mieux les détourner. Avec le graphisme des Comics américains il  met, en quelque sorte, les pieds dans le plat de la peinture française dominante, provoque l’abstraction omniprésente : (« Où es-tu, que fais tu ?  » 1965). Cette influence de l’Amérique passera par celle de la Beat generation: Kerouac, William Burrough, Allen Ginsberg  dont le portrait en relief, réalisé en 1968, est présenté dans l’exposition. Elle passe également par l’amour du Jazz.
Mais ce qui est devenu la Figuration Narrative après l’exposition des Mythologies quotidiennes en 1964 (brocardée par Pierre Restany  qui y voit « De l’américanisme hâtif, mal digéré par de faux blousons noirs » ) se confronte aux tensions de son époque. Chez Bernard Rancillac, le recours à l’épiscope, assurant la complicité entre photographie et peinture, participe à cette implication des images de son temps dans une réflexion  politique : « C’est la photographie qui m’a amené a peindre la politique » écrit-il dans son livre « Devenir peintre » paru l’an passé.

Le fil rouge de Bernard Rancillac

Belfast 1977 Bernard Rancillac

Du Front Polisario au Sahara occidental contre l’occupation espagnole au coup d’Etat de Pinochet au Chili, du conflit Cambodgien à la guerre civile algérienne ou encore des guerres de Tchétchénie, il délivre une chronique des tensions du monde.
Dans ces années soixante et soixante dix, traversées par les soubresauts de mai 68, cette question du rapport entre l’art et la politique et plus précisément entre la peinture et la politique a connu des réponses diverses voire opposées selon les artistes, selon les groupes pour lesquels une prise de position politique et même militante apparaissait comme une impérieuse nécessité. Fallait-il faire une peinture directement engagée avec les outils de la figuration comme la Figuration narrative et le Salon de la Jeune peinture (où l’on retrouve notamment Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, Henri Cueco, Bernard Rancillac et Antonio Recalcati) s’y employaient ? Fallait-il faire politiquement de la peinture en interrogeant sa nature, sa matérialité comme le préconisait le groupe «Supports/Surfaces» ?

Le fil rouge de Bernard Rancillac

Affiche Mai 68 Bernard Rancillac

On sait que Bernard Rancillac s’est impliqué dans la création d’affiches au sein de l’Atelier des Beaux arts de Paris en 1968 et qu’il est l’auteur d’une des affiches … anonymes sorties de cet atelier («Nous sommes tous des juifs et des allemands» ).
Cinquante an plus tard cette préoccupation politique et militante peut être observée en perspective avec les pratiques artistiques actuelles davantage morcelées, où la notion de groupes d’artistes ne correspond plus à la réalité du terrain. Peindre la politique reste cependant la question majeure posée par cette rétrospective de Bernard Rancillac et trace un  fil rouge éclatant à l’image du flamboyant polyptyque «Vive la révolution populaire de Chine» de 1966  planté au cœur de l’Espace Niemeyer.

Photos: Musée de la Poste

Rancillac Rétrospective
Du 21 février au 7 juin 2017
Espace Niemeyer
2, place du Colonel Fabien
75019 Paris


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