L'époque fait la part belle aux Blacks dans le rock, qu'on en juge : Black Keys, Black Lips, Black Angels, Black Fountain sont apparus récemment et semblent tirer les marrons du feu.
Ceux qui nous préoccupent sont canadiens, et comme tout ce qui est bon actuellement, Arcade Fire, Molasses, Breastfeeders, Besnard Lakes, nous viennent du Canada. Comme ces derniers, révélés l'an passé avec un très bel album ("...are The Dark Horse), ces speedfreaks donnent dans le rock lysergique psychédéliques, grandes envolées de strat (mais sans le solo chiant), l'orgue qu'il soit d'église, Hammond, Farfisa, Korg, jamais baveux ni bavard en tout cas. A tout ce joli monde, j'associerais aussi les Psychic Ills qui ne sont "qu" américains mais le disputent en terme de rock de drogués -au fait que deviennent-ils ?
Les Black Mountain; donc -et sans S, s'il vous plait ! Auteurs d'un 1er album éponyme remarqué il y a 3 ans, ces chevelus récidivent et.....comment dire.....enfoncent et pour un bon moment, toute tentative de comiques tels que les Warlocks oou autres Dandy Warhols de leur voler la palme du groupe le plus planant ! Car ce qui manque aux deux groupes précités, à savoir les chansons, les Black Mountain en ont plein leur disque, qu'on aurait tort de résumer parce qu'il est double -mais en fait pas trop long- en un interminable essai consistant en jams tape-à-l'oeil ! Non, au contraire, tout est sombre chez ce groupe, et ce qui me plait, c'est que chaque note me paraît être à sa place. De longues plages de silence font parfois éruption, bien sûr entrecoupées de breaks plus couillus mais qui ne donnent jamais dans le putassier ; ces excellents musiciens savent ce que jouer juste veut dire !
Mais tout d'abord ce titre, In The Future, à l'ironie savamment agencée, quand on sait que les influences de ces bonshommes et demoiselle sont plus à chercher du côté de Grateful Dead, du Jefferson Airplane, (la voix d'Amber offre ce mimétisme troublant avec le vibrato de Grace Slick) de Hawkwind que de choses plus modernes.
On l'a cependant dit et répété : la valeur d'une musique n'est pas fonction de ses références anciennes ou modernes ; il s'agit encore une fois de savoir les digérer et à l'arrivée, ce sont les chansons qui font ressortir du lot ! Et là, qu'il s'agisse du riff infernal de Stormy High, de la folk-rock sandales et patchouli de Stay Free ou bien de l'envoûtant Tyrants qui sonne comme enregistré live, Black Mountain fait feu de tout bois !
L'une des forces de ce groupe est sans doute aussi de marier de façon très originale et des plus complémentaire la voix du leader barbu et allègrement trentenaire (on s'en serait douté) à celle vibrante et chaude de sa chanteuse percussionniste dont on a déjà souligné l'incroyable similitude de timbre avec Grace Slick, et de réussir une osmose de ces deux voix dans des crescendo alertes !
Certains morceaux sont aussi étonnamment que cela puisse paraître, compte tenu de l'héritage musical convoqué, renversants d'originalité, je pense à Tyrants mais aussi au punching ball qu'est la mélodie de Wucan, l'envolée de Evil Ways. Et 9 morceaux sur 10 réussissent à osciller entre 3 et 3 et 6 minutes, ce qui n'est pas un mince exploit pour un groupe de cet acabit.
Seule la magnifique odyssée de Bright Lights avoisine les 17' et lancinante telle un scorie d'épouvante, captive d'un bout à l'autre. Pour les amateurs, l'ambiance de ce titre n'est pas sans évoquer le chef d'oeuvre prog des Damned, Curtain Call sur le Black Album.
Et ce qui ne gâte rien, la pochette est magnifique !
en bref : des chansons aux airs de classiques pour un album appelé à tutoyer les sommets dans les palmarès de fin d'année !