Partager la publication "[Critique] LOGAN"
Titre original : Logan
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : James Mangold
Distribution : Hugh Jackman, Patrick Stewart, Dafne Keen, Boyd Holbrook, Stephen Merchant, Richard E. Grant, Eriq La Salle…
Genre : Drame/Action/Science-Fiction/Adaptation
Date de sortie : 1er mars 2017
Le Pitch :
Logan n’est plus ce guerrier autrefois connu pour son rôle prédominant dans les X-Men. Des années ont passé et les mutants ne sont plus. Fatigué, usé, celui qu’on appelait jadis Wolverine traîne désormais sa carcasse près de la frontière mexicaine. Vivant en reclus, il s’occupe de son vieil ami Charles-Xavier, qui est rongé aujourd’hui par un mal impitoyable, et aspire à rester à l’écart d’un monde auquel il n’appartient plus. Un jour néanmoins, une petite fille débarque dans sa vie. Une mutante avec laquelle il partage de nombreux points communs, pourchassée par de sombres individus…
La Critique de Logan :
Hugh Jackman a annoncé qu’il ne jouerait plus Wolverine. 17 ans après ses débuts, dans le premier X-Men, qui initia donc toute la saga, l’acteur a décidé de rétracter définitivement les griffes. Il aura interprété 9 fois le personnage. Il fut présent dans neuf des dix films qui composent à ce jour l’univers cinématographique des mutants. En cela, Logan se devait de rendre justice au super-héros. James Mangold, déjà aux commandes du sympathique mais néanmoins décevant Wolverine : le combat de l’immortel, n’avait pas droit à l’erreur. Il s’est d’ailleurs battu, de concert avec Jackman, pour imposer à la Fox une tonalité plus sombre. Le succès de Deadpool ayant encouragé les producteurs à accepter. Carte blanche ou presque. Inspiré par le comics Old Man Logan, le film pouvait enfin y aller franchement. Ce que le premier trailer, rythmé par le Hurt, de Johnny Cash semblait confirmer, lui qui arrivait à coller la chair de poule en moins de 3 minutes. Qu’en est-il du long-métrage dans son ensemble ? C’est simple, c’est un chef-d’œuvre…
Logan l’impitoyable
Si James Mangold n’a pas vraiment calqué son récit sur la bande-dessinée Old Man Logan, il semblerait que cette dernière lui ait au moins inspiré l’environnement dans lequel évolue Wolverine (en plus d’autres éléments). Dans un futur proche, le monde n’a pas vraiment changé. Il n’a, en tout cas, pas évolué dans la bonne direction. Le scénario est plutôt flou à ce sujet, mais on comprend que ce n’est pas la joie. Logan lui, a choisi la frontière mexicaine pour sa retraite. Le soleil tape fort, le paysage est aride et poussiéreux, la rouille ronge les habitations, tout menace de s’écrouler. Au propre comme au figuré. Une décrépitude qui se lit d’ailleurs avant tout sur le visage et le corps du héros. Il est loin le Wolverine indestructible. D’emblée le film nous le présente tel qu’il est devenu. Vieux, au bout du rouleau, il a certes conservé son caractère légendaire, mais carbure à la gnôle et semble malade. Quelle est la nature de ce mal qui ne fait que grandir en lui ? Lui seul le sait mais il ne dit rien. Il grogne et continue, bon grès mal grès. Impossible ne pas penser au Clint Eastwood d’Impitoyable devant Logan. Quand intervient le facteur déclencheur de l’histoire, le personnage central est en piteux état. Il paye le prix fort d’une existence qui ne l’a pas épargné et reflète l’état d’une humanité meurtrie. Hier Clint, aujourd’hui Jackman. Le parallèle est flagrant, même si James Mangold ne se repose jamais trop longtemps sur ses illustres références, d’ailleurs pour la plupart issues du western (L’Homme des Hautes Plaines et Pale Rider notamment). Une façon de conférer à cette ultime aventure une patine propre, qui tranche avec les précédentes productions estampillées Marvel/X-Men. Plus adulte, plus sombre, Logan n’a au final pas grand-chose à voir avec tout ce qui a été jusqu’alors, même si il conserve en son sein plusieurs thématiques propres à la saga des mutants, comme cette métaphore globale, une nouvelle fois remarquablement illustrée, sur le rejet de la différence et la peur de l’autre. Il fait le lien, nous rappelle qu’il prend bien place dans le même univers que ces prédécesseurs, mais arrive aussi à gagner à la force d’une bravoure sauvage, une identité qui lui appartient et dont il est, à ce jour, le seul garant dans ce genre de cinéma. Il s’agit d’une œuvre profondément en lien avec son époque, la notre et pas seulement d’un blockbuster dont la vocation est de divertir.
Sanglant chant du cygne
James Mangold et Hugh Jackman ont d’emblée voulu renouer avec les origines sauvages du personnage, tel qu’il fut conçu dans les comics. Pas moyen d’éluder la question de la violence comme dans le premier volet ou d’édulcorer les actes de Logan. Ici, la volonté était de ne pas détourner le regard. De rendre sa brutalité à Wolverine. De faire écho à son côté animal. À vrai dire, c’était inespéré, même si au fond, Logan s’était déjà montré brutal dans certains X-Men. Pour autant ici c’est différent. Les 3 premières minutes du long-métrage sont, à elles seules, plus gore et plus radicales que tous ce que le cinéma super-héroïque nous a proposé jusqu’à présent. On nous a promis de la violence et bien nous sommes servis. Wolverine ne se débarrasse plus de ses ennemis, il les massacre littéralement, armé de ses griffes acérées et d’une fureur inédite enfin relayée par une mise en scène pleine d’ampleur, nerveuse à souhait quand les circonstances l’exigent. Cette dernière aventure n’est décidément pas grand public. Il y a du sang, beaucoup de sang, des chairs meurtries et plusieurs scènes repoussent largement au-delà de la ligne jaune tout ce qu’on a l’habitude de voir dans un tel film. Deadpool était déjà bien gore ? Rien à voir avec Logan, qui l’est beaucoup plus plus au niveau de la forme mais aussi du fond. Si il y de l’humour, il n’a rien d’outrancier et est disséminé par petites touches. Logan, c’est avant tout de la noirceur et de la brutalité. Du sang, de la sueur et des larmes. C’est le chant du cygne d’un héros désespéré qui va tenter une dernière fois de faire le bien. Qui va essayer de s’imposer malgré la souffrance omniprésente.
Apocalypse Logan
Logan apparaît ici moins musclé. Il est toujours impressionnant mais pas autant que jadis. C’est un animal blessé qui est donc d’autant plus dangereux. Sous-estimé, méprisé, ses plaies se referment beaucoup plus lentement qu’avant et son regard trahit une lassitude déchirante qui fait écho à l’épuisement du Professeur Xavier, lui aussi très diminué. Deux personnages emblématiques d’une saga en plein bouleversement, interprétés par des acteurs en état de grâce.
Hugh Jackman est devenu une star grâce à Wolverine. Si il a pu susciter quelques doutes au début, il a rapidement prouvé qu’il était l’homme de la situation. Même quand les films n’étaient pas bons, Jackman lui, jouait avec conviction, par amour du rôle et par respect pour un public confiant. Cela n’a pas toujours suffit bien sûr, mais si la saga X-Men est marquée par des travers, ce ne fut jamais de sa faute. Ici cependant, ses efforts payent totalement. Il est parfait. À fleur de peau, il incarne le mythe vieillissant auquel il confère une sensibilité exacerbée et toujours cette rage sourde. Charismatique, Hugh Jackman accomplit un boulot remarquable. Dans l’action ou dans les moments plus calmes, quand le drame prend le dessus. En un seul regard il bouleverse, en un seul coup de griffe il terrifie, sa souffrance étant palpable pour nous spectateur.
En face, Patrick Stewart est lui aussi étonnant. Son personnage étant complètement démuni, il profite pour offrir à Charles-Xavier une humanité probante, qui ne peut pas laisser indifférent. Tendre, imprévisible, il est incroyable. Tout comme l’est la jeune Dafne Keen d’ailleurs. Énigmatique, cette dernière est excellente et incarne elle aussi le caractère radical de toute l’entreprise. On saluera aussi les bad guys, Boyd Holbrook en tête et on n’oubliera pas non plus Stephen Merchant, impeccable dans un rôle inattendu.
Les précédents Wolverine se dissipaient et multipliaient les sorties de route. Pas celui-là. Tous les personnages ont leur importance. Tous ont l’occasion de s’exprimer. Le récit de dérape pas, il reste focalisé. L’écriture est passionnée et concise. Centrée sur l’émotion. Logan est un vrai western moderne. Une sublime odyssée âpre et déchirante. Une mélopée funeste à la portée dramatique inédite. Jamais un film de super-héros n’a touché au vif avec une telle puissance. Logan est unique et il n’est en cela pas interdit de le considérer comme le meilleur film qui soit sorti sous la bannière Marvel. Comme la plus grand réussite d’un cinéma qui justement, commençait à tourner à rond. Logan rue dans les brancards. Difficile d’en ressortir indemne.
En Bref…
Incroyable aventure portée par une énergie du désespoir bouleversante, Logan est une réussite aussi totale qu’inespérée. Un uppercut porté à la face d’un entertainment souvent trop lisse, qui brille grâce à des acteurs investis, Hugh Jackman en tête, parfait, intense et déchirant, mais aussi par une écriture et une mise en scène pleines de pertinence et de fureur. Un film habité. Un classique instantané qui évolue dans des chemins de traverses et qui est amené à laisser à la fois son empreinte sur le cinéma de genre et dans nos esprits.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France