Partager la publication "[Critique] LION"
Titre original : Lion
Note:
Origine : États-Unis/Australie/Grande-Bretagne
Réalisateur : Garth Davis
Distribution : Sunny Pawar, Dev Patel, Rooney Mara, Nicole Kidman, David Wenham, Abhishek Bharate, Priyanka Bose…
Genre : Drame/Adaptation/Biopic
Date de sortie : 22 février 2017
Le Pitch :
À 5 ans, le petit Saroo, alors qu’il attend son grand frère parti travailler, s’endort malencontreusement dans un train à l’arrêt. Lorsqu’il se réveille, le garçon se rend compte que le train est en marche. Dans l’impossibilité de descendre, il attend et parcours malgré lui des milliers de kilomètres à travers l’Inde, s’éloignant toujours plus de sa famille. Après des mois d’errance dans les rues de Calcutta, il est recueilli par un organisme qui le propose à l’adoption. C’est alors qu’il s’envole vers l’Australie où l’attend un couple… 20 ans plus tard, Saroo est un jeune homme accompli. Néanmoins, le souvenir de sa mère et de son frère ne l’a jamais quitté. Profitant des nouvelles technologies, il va se mettre à leur recherche et tenter de retrouver son village natal. Histoire vraie…
La Critique de Lion :
C’est Saroo Brierley qui a lui-même écrit l’incroyable récit de sa vie. Un livre publié en France sous le titre Je voulais retrouver ma mère (A Long Way Home en version originale), qui a inspiré le film qui nous intéresse présentement et qui revient donc sur le parcours de vie d’un petit garçon adopté, désireux, une fois devenu adulte, de retrouver sa famille. Un long-métrage, disons-le tout net, taillé pour les Oscars. Ce qui ne signifie pas qu’il ne soit pas méritant. Bien au contraire…
Le Roi Lion
Le parcours de ce petit garçon est, sur le papier, très touchant. Pour l’adapter, le réalisateur Garth Davis, qui signe par ailleurs son premier film, après avec bossé sur la série Top Of The Lake, a choisi une structure en deux parties distinctes. Ce qui explique au fond pourquoi Dev Patel, qui joue le héros à l’age adulte, a été nommé aux Oscars pour le prix du Meilleur Acteur dans un second rôle et non pour celui du Meilleur Acteur tout court. Durant toute la première heure, c’est le jeune Sunny Pawar, par ailleurs remarquable de justesse, qui tient le long-métrage. C’est lui que l’on suit, du quai de cette gare où il perd la trace de son frère, jusqu’à ce centre pour enfants perdus, à partir duquel il embarque pour l’Australie et la nouvelle vie qui l’attend. Une première partie très réussie, qui met en valeur la résilience du garçon. Sans forcer le trait, elle illustre avec une grande justesse la souffrance et la peur qui habitent ce petit être parachuté dans un monde dont il n’avait jusque-là aperçu qu’une infime partie. Elle met en opposition le bruit effrayant de la ville et les visages fermés des passants et l’attitude de Saroo, qui ne cède jamais à la panique. Il se débrouille, mange et boit ce qu’il peut trouver et nous emmène avec lui, livrant au passage, toujours sans en trop en faire, une belle morale face à laquelle il est difficile de rester insensible.
Aussie Millionnaire
Puis vient le moment où Lion fait un grand bon en avant. C’est à cet instant que Dev Patel fait son entrée. C’est aussi là que Garth Davis change un peu sa façon d’appréhender l’histoire. Alors que sa mise en scène et que le montage étaient plutôt dynamiques, ils se font plus contemplatifs, adoptant le spleen de Saroo, qui se pose alors de plus en plus de questions sur ses origines. Quel est le déclic qui fait que ce dernier a attendu tout ce temps pour entreprendre les démarches lui permettant d’espérer retrouver son frère, sa mère et sa sœur ? Ce n’est pas très clair car au fond, l’ellipse est maladroite. Quoi qu’il en soit, une chose ne change pas. La caméra colle de près au protagoniste central. Plus posé, ayant trouvé sa place dans une société dans laquelle il s’apprête à travailler et à se construire, Saroo impose une rythmique plus calme, même si l’urgence de remplir ce vide qui l’empêche de véritablement avancer, se fait aussi sentir. Peut-être un peu habité par un désir de justement ne pas trop souligner ses effets, Garth Davis en fait paradoxalement un peu trop et dirige tout doucement Lion vers une zone qu’il convient d’appeler la « zone à Oscars ». L’émotion se fait plus verbale. Rien de dérangeant en somme, mais force est de reconnaître que cette seconde moitié est moins éloquente. Un peu molle également. Encore une fois rien de grave vu que le passage concerné ne dure pas très longtemps. Dès que le dénouement approche, Garth Davis n’échoue pas à retranscrire une somme de sentiments, bien aidé par un scénario méritant à plus d’un titre, qui fait lui aussi la part belle à une sensibilité à fleur de peau propice à des torrents de larmes.
Une seconde partie qui permet à Dev Patel de s’imposer un peu plus comme un acteur qui compte. Charismatique, il fait preuve d’une grande prestance et parvient à retranscrire, sans toujours l’exprimer par les mots, une foule de choses lui permettant de s’élever. Nicole Kidman elle, en retrait, est impeccable. Très touchante, entre force et fragilité. Tout comme David Wenham, le Faramir du Seigneur des Anneaux, certes moins présent, mais garant d’une bienveillance salvatrice. Enfin, Rooney Mara, comme à son habitude, offre son incroyable magnétisme à cette histoire, qu’elle sert avec toute la pertinence et la force dont elle sait faire preuve. Des comédiens magnifiquement dirigés par un réalisateur qui ne peut certes pas se targuer d’avoir réalisé un sans faute, mais qu’il serait vraiment malvenu de condamner, tant sont travail brille avant tout par une vibrante sincérité et par un désir de bien faire. Ce qu’il fait la plupart du temps. Lion est souvent magnifique, baigné par une lumière faisant écho à cet espoir ténu habitant à chaque minute le regard d’un naufragé de la vie, parti sur les traces d’un passé qui se rappelle à lui en permanence…
En Bref…
On peut se focaliser sur sa dimension de film à Oscars ou encore souligner avec cynisme que le film est une pub géante pour Google. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel, à savoir de cette formidable émotion qu’arrivent à communiquer des acteurs magnifiques et un réalisateur investi, tous autant qu’ils sont, habités par cette incroyable histoire. À noter que le générique de fin saura à n’en pas douter achever ceux qui avaient résisté à l’envie de verser un petite larme jusqu’alors.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : SND