Silence de Shūsaku Endō est le livre éponyme du film de Martin Scorsese. Il raconte le retour de deux prêtres jésuites au Japon, à la moitié du XVIIe siècle. Lesquels sont à la recherche d'un aîné disparu dans l'archipel, au milieu des persécutions dont les chrétiens y sont l'objet depuis l'interdiction de leur religion en 1614.
En 1640, le père Sebastiaõ Rodrigues (Andrew Garfield) et le père Francisco Garupe (Adam Driver) viennent demander à leur supérieur, le père Allessandro Valignano (Ciaran Hinds) de partir pour le Japon afin de savoir ce qu'est réellement devenu leur professeur et maître, le père Cristovaõ Ferreira (Liam Neeson).
En effet, selon certaines rumeurs, le père Ferreira serait mort. Selon d'autres, il aurait apostasié, ce qui, pour les deux prêtres, est tout simplement inconcevable. Alors, ils veulent en avoir le coeur net. Malgré qu'il en ait, le père Valignano les y autorise et les met en relation avec un Chinois de Macao, lequel connaît un Japonais.
Ce Japonais, Kichijiro (Yôsuke Kubozuka), est bourré de remords (et bourré tout court) quand le père Rodrigues et le père Garupe le rencontrent. Pour avoir la vie sauve, catholique baptisé, Kichijiro, seul de sa famille, complètement décimée, a apostasié, et, toujours craintif de se dire chrétien, ne s'en remet pas.
Avec l'aide de Kichijiro le père Rodrigues et le père Garupe débarquent clandestinement dans un village de chrétiens du Japon. Ces Kakure Kirishitan, chrétiens cachés, sont tout heureux que des prêtres les aient rejoints. Privés de sacrements, telles que la confession et l'eucharistie, ils n'avaient pas d'autre possibilité que de baptiser.
Être chrétien à l'époque, au Japon, est très dangereux. Les autorités nipponnes ne supportent pas qu'une religion étrangère rivalise avec leur bouddhisme local. Alors elles l'ont coupée à la racine en privant ses adeptes de leurs prêtres et continuent en les débusquant: si elles soupçonnent des paysans d'en être, elles les obligent à se renier.
Leur épreuve du fumi-e est de demander aux suspects de piétiner une image du Christ, faute de quoi ils encourent la mort, eux et leurs proches, dans de cruelles souffrances. C'est ainsi qu'un jour des soldats débarquent dans le village où se trouvent les deux pères jésuites, accompagnées d'Inoue (Issey Ogata), le mielleux Grand Inquisiteur...
Il y a plusieurs degrés de vision de ce film, remarquablement réalisé et tourné par Martin Scorcese, que les problèmes de foi et de religion tourmentent (à 14 ans, pour un an seulement il a été séminariste): les prises de vue des êtres et des choses ne laissent pas d'impressionner le spectateur et de l'émouvoir.
On peut voir dans ce film une critique d'une religion, le bouddhisme local, qui, du fait qu'elle est majoritaire et de connivence avec le pouvoir, ne supporte pas la concurrence des autres religions, qui, d'une manière ou d'une autre, même inoffensives, même seulement spirituelles, pourraient porter atteinte au temporel.
On peut y voir ensuite la lancinante question du martyre: tous les hommes ne sont pas capables de résister à la torture et à la mise à mort, qu'elles soient infligées à eux-mêmes ou qu'elles soient infligées, devant eux, à leurs proches ou à ceux qui leur sont confiés. C'est le problème de la faiblesse ou de la grandeur humaine face aux épreuves.
On peut y voir aussi le thème de la trahison heureuse, de l'intelligence avec l'ennemi: il est tellement plus facile de pactiser avec lui que de lui résister, d'autant que pour emporter la conviction l'exemple de quelqu'un qui s'en porte bien est donné avec tous les avantages que procure la servitude comparée l'exigence de la liberté.
On peut y voir enfin l'interrogation de l'abandon par Dieu de ceux qui ont placé leur foi en lui, de son silence devant le mal qui se fait sous ses yeux sans qu'il intervienne. Et l'on peut dès lors se demander si c'est une tentation du Diable ou une parole de miséricorde de Dieu qui souffle à l'un des protagonistes ce conseil devant une image du Christ:
Piétine! Piétine! Mieux que quiconque je connais la souffrance. Piétine! C'est pour être piétiné par les hommes que je suis venu au monde! C'est pour partager la douleur des hommes que j'ai porté ma croix!
Francis Richard
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