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De Paris à Fukushima : entretien avec la journaliste Linda Bendali après son enquête au Japon.

Publié le 06 mars 2017 par Eric Roche @lyon_japon_info
Photo Linda Bendali, journaliste d'investigation, auteur et réalisatrice, ayant notamment collaboré à Charlie Hebdo, Sciences et Avenir, au Nouvel Observateur, à Challenges aux Dossiers du Canard enchaîné, Envoyé spécial ou encore dernièrement à Cellule de crise, nous fait l'honneur de venir sur lyon-japon  et  paris-lyon-japon pour répondre à nos questions et nous parler du Japon où elle est venue enquêter pour réaliser le documentaire récemment diffusé sur France 2, le dimanche 12 février à 22h45 et présenté par David Pujadas : "Cellule de crise : De Paris à Fukushima: les secrets d'une catastrophe" consacré à la catastrophe de Fukushima. ​ Photo
La centrale de Fukushima continue de polluer l’environnement. Aujourd’hui encore, chaque jour des centaines de travailleurs raclent le sol irradié. Plus de deux millions de sacs de terre radioactive attendent d’être traités. Dans un rayon de 30km, les villages sont toujours inhabitables. Les 210 000 Japonais évacués, doivent régulièrement être examinés pour détecter d’éventuels cancers. 
Photo Avant notre interview, rappelons que Linda Bendali est aussi l'auteur, avec Nathalie Topalov, de « La France des incapables » (Cherche-Midi éditeur, 2005) et de « Sarcelles, une utopie réussie ? » (Broché, 2006). Elle  enquête régulièrement pour des magazines journalistiques télévisés : « Le prix de nos vies un reportage de Spécial investigation » (Canal+, 2015), « De la terre à l'assiette - Que mangeons nous vraiment ? »  (France 3, 2015), « Pièces à conviction - Pédophilie, les silences de l'Église » (France 3,  2011).
Ses enquêtes nous éclairent sur les nombreuses zones d'ombre de nos sociétés.

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Mais alors, qu'en est-il de Fukushima, 6 ans après l'accident nucléaire le plus grave depuis Tchernobyl ?

Fukushima et ses 210.000 évacués n’ont jamais tout à fait réveillé l’opinion
nous dit-elle et dans ce blog nous souhaitons lui poser quelques questions pour aussi en savoir un peu plus sur le Japon qui avant les Jeux Olymiques de Tokyo en 2020, continue de « traiter » du mieux qu'il peut, ladite « Zone rouge », région toujours contaminée par les radiations. Fukushima, demeure encore pour longtemps un cauchemar planétaire et pour la France dont plus de 75 % de l’électricité sont issus de l’atome. Il reste difficile de fermer les yeux mais peut-être aussi de les ouvrir... 

Cet accident nucléaire survenu en 2011, s'est produit aux sus et aux vues de tous, mais étions-nous vraiment et totalement au courant de ce qui se passait vraiment, il y a six ans ?

Il y a six ans, il y avait une réelle opacité sur l’accident. Les premières heures qui ont suivi le tsunami, Tepco et le gouvernement ont commencé par cacher les problèmes de la centrale. Il faudra attendre l’explosion du réacteur 1 pour que la catastrophe soit révélée au grand nombre. Dans les jours qui suivent, l’entreprise Tepco va être réticente à communiquer. A l’époque, Tepco était d’ailleurs réputée pour son opacité et son sens du secret. Comme je le raconte dans le documentaire, même le Premier ministre de l’époque, Naoto Kan, ne parvenait pas à obtenir des informations en temps réel. Et puis, par peur d’affoler la population, ni le gouvernement, ni Tepco ne vont dire complètement la vérité sur la gravité de la situation. D’ailleurs, Naoto Kan n’a confié que récemment qu’il avait même envisagé d’évacuer Tokyo.
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Pourquoi as-tu voulu traiter ce sujet-là ? 

J’ai tenu à traiter ce sujet car j’avais été moi même particulièrement marquée par cette catastrophe. Si lointaine et si proche de nous à la fois par son impact planétaire. En tant que citoyenne d’un pays, la France, qui est la nation la plus nucléarisée au monde, je me sentais doublement concernée. Je voulais comprendre ce qui s’était réellement passé et donner des clés de compréhension aux téléspectateurs pour qu’ils se forgent un avis en toute conscience sur l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, toute personne qui aura vu ce film et qui défendra l’industrie de l’atome, ne pourra pas ignorer les réelles conséquences et implications de ce choix.


Une venue au Japon sur un sujet aussi sensible a-t-elle été bien accueillie ?

 Au Japon, il n’est pas simple de parler de l’accident. Les autorités et Tepco souhaiteraient que les médias ne reviennent plus sur ce drame. Ils voudraient que nous journalistes, ne parlions que du futur et des efforts qui sont faits pour décontaminer le site et faire revivre la région. Tepco a aussi beaucoup insisté pour nous montrer les nouveaux équipements qu’ils ont installés pour se protéger d’un nouveau tsunami. Toute cette stratégie de communication n’a qu’un seul but : préparer la population à la réouverture des centrales nucléaires au Japon.
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Combien de temps es-tu restée au Japon pour le documentaire ? Es-tu allée dans la région sinistrée ? Peux-tu nous dire quelques mots sur l'état actuel de la région proche de la catastrophe ?

Nous sommes restés deux semaines avec mon équipe. Et nous sommes allés dans la centrale de Fukushima et nous avons parcouru la région sinistrée, la zone rouge plus exactement. Cela m'a beaucoup attristée. Des Centaines de maisons abandonnées et barricadées par les forces de l'ordre pour empêcher les gens d'y résider. Des villages fantômes où tout est resté en l'état, figés depuis et recouverts de végétation. C'est terrible de voir une si belle région condamnée ainsi à cause d'une industrie qu'on n'a pas su maîtriser. La seule vie humaine présente, ce sont ces dizaines de travailleurs qui viennent chaque jour racler le sol pour entasser la terre contaminée dans des sacs poubelles. Visiter cette zone rouge c'est prendre conscience de la catastrophe et des vrais dangers de nos choix énergétiques.
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En dehors du travail sur le documentaire, as-tu eu le temps de profiter un peu du Japon ? Qu'est-ce que tu as le plus apprécié ?

Bien heureusement, j’ai pu entre-apercevoir un peu du Japon en marge de mon tournage. C’est la première fois que je m’y rendais. Avant d’y aller, j’imaginais découvrir une société très éloignée de moi sur laquelle j’allais porter un regard distancé. Et puis, à ma grande surprise, dès les premières heures, je m'y suis sentie très bien, presque dans mon élément. A Tokyo, j’ai été séduite par l’atmosphère harmonieuse. Sous mes yeux, tout était ballet. Les déplacements des citadins dans la ville sont millimétrés comme une chorégraphie. Ce qui m’a frappé, c’est aussi la gestuelle des Japonais. Chaque acte, chaque métier est accompagné de gestes très précis et très démonstratifs. J’étais émerveillée par cet enchainement de mouvements. Cela m’a aussi fait réaliser à quel point en France, notre rapport physique aux autres, notre façon de nous mouvoir est dur, frontal et égoïste. Ce que j’ai adoré, c’est que cette quête d’harmonie et ce sens de l’esthétisme, je le retrouvais dans tout, et notamment dans la gastronomie et l’art de la table ou encore dans les Onsen. 


Pour finir, travailler avec des grands noms de l'information comme David Pujadas, ça doit mettre la pression, non ?

Disons que la pression, je la ressens surtout dans le fait de devoir m’adresser à des millions de gens à travers mes films. Cela donne une grande responsabilité. Mais j’ai aussi conscience d’avoir une incroyable chance.

lyon-japon  et  paris-lyon-japon remercient chaleureusement Linda Bendali d'avoir pris le temps de venir répondre à nos questions pour le plus grand plaisir de nos lectrices et lecteurs passionnés du Japon ! Nous nous permettons de lui souhaiter une excellente continuation et nous ne manquerons pas de la suivre au cours de ses prochains reportages. 
Eric R.
www.lyon-japon.com et www.paris-lyon-japon.com
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