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A quoi ressemblera le travail demain ?

Publié le 06 mars 2017 par Pnordey @latelier

Et si le monde numérique qui se déploie devant nous, nous imposait de nouvelles façons de penser le travail de demain ? De nouveaux paradigmes pour de nouveaux enjeux et un même défi : faire du travail une source d’émancipation pour tous. On a parlé travail de demain au Lab Postal 2020.

« La vie fleurit par le travail » chantait Arthur Rimbaud. Mais pas n’importe quel travail pour n’importe quelle vie. « La travail c’est la santé » pour ceux qui ont la chance d’y accéder, de s’épanouir et de s’émanciper. Or, le travail souvent est perçu comme un fardeau ou comme une marque de soumission et d’aliénation. Jusque dans son étymologie, tripalium, littéralement, la torture. Il assène une place, une classe, un rang. Pourtant, le travail permet d’être vivant et de se réaliser. “Jours de travail ! Seuls jours où j'ai vécu !” disait Alfred de Musset. Aujourd’hui plus que jamais, les progrès technologiques amènent à repenser structurellement nos organisations et nos manières de penser. Ce qui est en jeu, c’est que, par le travail, émerge une nouvelle cohésion et une nouvelle solidarité.  Une réorientation des savoirs et des savoirs faire, une meilleure inclusion et une meilleure formation pour révéler les talents et perpétuer les sphères de création et d’innovation. 

Pour la 9ème édition du Lab Postal, le rendez-vous annuel de la Tech organisé par La Poste, la question du travail était au cœur des discussions. Au programme, un retour vers le futur, à horizon 2020, pour découvrir le nouveau visage de l’écosystème industriel français. Deux jours de conférences, parmi lesquelles « Faire autrement : vers de nouveaux schémas de pensée », une mise en perspective des nouveaux paradigmes et des nouvelles façons de travailler, animée par quatre intervenants : Claude Terosier, fondatrice de la start-up Magic Makers, Yvane Piolet, consultante en management de l'innovation, Walter Baets, professeur émérite de The Camp, et Sylvie Joseph, responsable de la transformation interne au sein de La Poste. L’occasion donc de dresser un portrait complet des transformations à venir dans nos manières de concevoir et de faire mais aussi d’investir et de créer en entreprise. Peut-être aussi un nouveau cadre pour redéfinir ce qu’est le travail et dans quelles conditions l’exercer pour concilier performance, compétence et appétence.

Lab postal

Conférence «  Faire autrement : vers de nouveaux schémas de pensée » au Lab Postal 2017

Vers une société de Makers polyvalents

Nous sommes entrés dans un nouvel âge du faire qui amène un infléchissement de la définition de ce qu’est le travail et son organisation. Les techniques et les technologies ont changé, emportant avec elles des bouleversements fondamentaux en matière de savoir faire. Il ne s’agit plus de savoir avant de faire, ni complètement de faire sans savoir. Les entreprises tentent de plus en plus d’apprendre tout en pratiquant, c’est la méthode dite du Learning by doing dont nous vous avions déjà parlé. « Apprendre avec les mains », formule répétée à de nombreuses reprises lors de la conférence, n’est pas amoindrir la valeur de l’activité, ce n’est pas non plus faire sans réfléchir mais réfléchir en faisant. Ainsi, là où l’organisation du travail était divisée en deux parties hiérarchisées, apprendre puis faire, ici les deux pôles sont mêlés entrainant par la même un gain de productivité et d’efficacité. Mais pour qui ? Pour les entreprises, naturellement, mais aussi pour les salariés et les apprenants qui expérimentent plus qu’une simple mission mais une véritable activité.

Claude Terosier, présidente et fondatrice de la start-up MagicMakers, rappelle ainsi le rôle fondateur de l’expérientiel. Sa start-up, dont la devise est « apprendre à coder pour apprendre à créer », organise en effet des ateliers de programmation informatique à destination des enfants. L’objectif ? Apprendre tout en créant et en s’amusant. Meilleur moyen selon elle, de « devenir maître de leur apprentissage ». Comment ? Par la création d’un nouveau contexte de formation qui permet aux enfants de collaborer entre eux et donc d’apprendre par eux même, d’expérimenter, de persister, d’oser, de désespérer parfois, bref de travailler.  S’opère alors un renversement de posture : d’agents passifs ils deviennent agents actifs.

Cette posture s’inscrit pleinement dans la « culture maker », un nouveau paradigme de formation prônant un apprentissage de groupe fondé sur la collaboration autour d’un patrimoine commun et partagé. Cette organisation suit celle de la structure en réseaux des solidarités en ligne, où chacun apporte sa pierre à l’édifice et où chacun s’inspire réciproquement.  Elle s’appuie aussi sur des supports open source ou de logiciels libres. Cette perspective, encore trop souvent l’apanage  des jeunes start-up et autres travailleurs free-lance, pourrait bien pénétrer peu à peu le monde de l’entreprise et bouleverser par la même les processus RH, de formation et d’organisation interne.

Lab Postal

Développer des palettes de talents en changeant les modalités de formation

L’intérêt majeur de cette démarche pour les entreprises est de s’adapter aux mutations de la société et coller au mieux aux réalités et aux attentes sur le marché de l’emploi. D’après la dernière enquête Millennial Survey 2017 de Deloitte, les Millennials aspireraient à plus de flexibilité au travail, garante selon eux de bien-être, de gain de productivité et d’engagement au travail. Ayant grandi dans des contextes économiques difficiles, ils sont partagés entre liberté et stabilité. Si l’activité en free-lance les tente, pour autant leur angoisse face à l’instabilité des conjonctures économiques les amènent à préférer un poste plus stable, de préférence dans une entreprise reconnue « qui n’embauche que les meilleurs ». Sur le marché de l’emploi comme pour l’ensemble de la société existent des tendances difficilement conciliables : la peur face à un monde qui change et qui s’hybride à une vitesse vertigineuse et l’élan de liberté et de création que ce tournant historique permet.

C’est pourquoi, c’est le moment, plus que jamais, pour les entreprises d’épouser ces tendances et de s’adapter à ce nouveau monde. Et cela commence dès la formation des futurs porteurs d’innovation. Walter Baets est un universitaire et auteur belge, directeur de la Graduate school of business à l’université du Cap en Afrique. Mais c’est en qualité de chargé de formation et de transformation à The Camp qu’il s’est présenté durant ce Lab Postal 2017. The Camp, initié par Frédéric Chevalier est un campus universitaire inédit, dédié à la transformation numérique et à la ville du futur organisé autour de plusieurs workshops de co-création. Basé à Aix-en-Provence, le campus de 12.000m2 est un établissement hybride, à cheval entre une université et un incubateur. Les jeunes sont ainsi formés aux métiers de l’innovation en développant des prototypes. Learning by doing, encore et toujours. Au cœur de la méthode pédagogique, le développement d’une « intelligence collective » par la mise en commun d’idées et de perspectives parfois divergentes ou antagonistes. Walter Baets le confesse : « On apprend avec des gens avec qui on est en désaccord ou avec qui on rencontre le même problème mais qui pensent  différemment ». Le campus se veut en outre un écosystème intergénérationnel et pluridisciplinaire où se développent librement les talents. Dans l’innovation, il est moins question de compétition que de collaboration et de création. C’est pourquoi, aux modèles traditionnels de notation, The Camp et Magic Makers préfèrent la réalisation. Toute idée est potentiellement porteuse d’innovation, l’intérêt est donc plus de développer les motivations pour valoriser les ambitions.

A quoi ressemblera le travail demain ?

Privilégier l’Holacratie à la verticalité hiérarchique

Mais alors comment adapter l’organisation de l’entreprise de demain à ces nouvelles façons de faire? Du taylorisme à nos jours, de l’eau a coulé sous les ponts. Un océan de changements et de restructurations, des vagues de décentralisation, de délocalisation même, des torrents de transformations qui tour à tour ont transfiguré l’organisation des entreprises. Or, face aux défis de la flexibilité, surtout pour les grands groupes, le chemin est encore long. Sylvie Joseph, responsable de la transformation interne du Groupe La Poste, est au cœur de cette problématique. Le Groupe La Poste est un géant économique qui emploie plus de 250.000 personnes. Pour un Groupe d’une telle ampleur, la transition numérique pose des questions de fond et amène à repenser en profondeur l’organisation de la société. Pour Sylvie Joselph toutefois, l’adaptation est indispensable, « quand on est immobile, on est déjà mort ». Pour ce faire le Groupe réinvente sa culture d’entreprise autour de l’expérimentation à petite échelle et par l’interaction entre divers pôles auto-organisés. C’est un des axes par ailleurs majeur de la mutation numérique qui s’impose aux entreprises aujourd’hui.

La verticalité hiérarchique des grands groupes n’est pas la plus adaptée aux logiques du 21ème siècle et aux nouveaux enjeux de l’innovation. Cloisonnée et austère, la structure pyramidale ne laisse finalement que peu de place à l’émergence d’idées diverses et originales, issus de la discussion et de la collaboration. Car l’entreprise est à l’image de la société et en suit les mouvements, c’est pourquoi elle en emprunte aussi le nom. Monarchique dans sa pyramide hiérarchique, l’entreprise traditionnelle est en révolution. Elle n’est plus un partage de pouvoir mais le fruit d’une véritable collaboration. Construite selon un modèle organisationnel, chacun apprend de tous avec des responsabilités redistribuées selon un objectif commun. La hiérarchie est morte, vive l’Holacratie ! Or, contrairement à ce que l’on a tendance à penser, l’Holacratie n’est pas l’entreprise libérée, qu’Isaac Getz décrit comme « une forme organisationnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsables dans les actions qu'ils jugent bon - eux et non leur patron - d'entreprendre ». L’Holacratie, inventée en 2007 par Brian Robertson et Tom Thomison, désigne plutôt un modèle organisationnel en rupture avec le système pyramidal qui entend refonder la gouvernance d’entreprise autour de l’intelligence collective. De la pyramide passer au cercle. Englober plus qu’empiler. Un système nouveau, inclusif, qui, faisant collaborer les talents individuels, serait à même de faire émerger une intelligence collective innovante et créative. La hiérarchie ne disparaît pas mais s’infléchit. S’appuyant sur le dialogue, l’interaction, la réunion et la coopération, ce nouveau mode d’organisation interne permet à la fois un pilotage dynamique de l’action, un gain effectif de transparence, et une véritable inclusion de ses collaborateurs, qui dès lors en sortent plus motivés et inspirés.

Ne reste qu’à construire un modèle et une culture d’entreprise à l’image d’une pendule, dont chaque maillon requerrait la ronde d’un autre pour faire tourner la machine. Une interdépendance dans un cadre libre, où l’expertise de chacun permet la réussite de tous. Peut-être est-ce là d’ailleurs l’essence de l’entreprise, une fusion des talents, des connaissances, des différences et des personnalités, qui, dans un jeu fou de l’autre et du même, parvient soudain sans peine à innover et rayonner.


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