Partager la publication "[Critique] LES FIGURES DE L’OMBRE"
Titre original : Hidden Figures
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Theodore Melfi
Distribution : Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monáe, Kirsten Dunst, Kevin Costner, Jim Parsons, Mahershala Ali, Glen Powell…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 8 mars 2017
Le Pitch :
États-Unis, années 60 :trois brillantes jeunes femmes afro-américaines travaillant à la NASA vont s’imposer malgré les préjugés et le racisme ambiant grâce à leurs extraordinaires compétences et ainsi jouer un rôle prédominant dans la conquête spatiale. Histoire vraie…
La Critique de Les Figures de l’Ombre :
L’histoire que nous conte Theodore Melfi se devait de faire l’objet d’un film. La trajectoire de ces trois femmes étant sur bien des points exceptionnelle, elles qui ont non seulement grandement fait avancer les choses au niveau de la conquête spatiale américaine, à l’époque où le pays se tirait la bourre avec la Russie, mais aussi imposé leur voix dans un pays gangrené par le racisme. Trois destins qui s’entremêlent pour au final donner lieu à un vibrant plaidoyer contre les discriminations. Qu’elles soient liées à la couleur de la peau donc, mais aussi au sexe…
L’étoffe des héroïnes
Réalisateur de l’excellent et malheureusement trop confidentiel St. Vincent, avec Bill Murray et Melissa McCarthy, Theodore Melfi s’empare de ces trajectoires de vie hors-normes et parvient à rendre hommage aux trois personnages, sans que l’un ne fasse de l’ombre aux deux autres, même si au fond, le récit se focalise avant tout sur Katherine Johnson, la mathématicienne surdouée campée par Taraji P. Henson. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que les trois sont liées. Elles sont amies, mais mènent surtout le même combat. Une lutte contre une société rongée par le racisme, qui n’a de plus que peu de considération pour les femmes et en particulier pour celles qui entendent ne pas rester à la maison pour élever les enfants. La caméra passe ainsi de Katherine Johnson à Dorothy Vaughn puis s’intéresse à Mary Jackson. On découvre leur quotidien avant de les suivre sur leur lieu de travail, à savoir les bureaux de la NASA où toute une équipe s’échine à gagner la guerre des étoiles contre la Russie. Le but étant d’envoyer John Glenn dans l’espace pour que celui-ci fasse plusieurs fois le tour de la terre avant de revenir sain et sauf sur le plancher des vaches. Un bureau où règne le même racisme que dans les rues et où ces femmes de l’ombre vont peu à peu émerger, armées de leur bagout et surtout d’un savoir qui fait défaut à une intelligentsia tellement auto-centrée qu’elle a dans un premier temps du mal à concevoir que la solution se trouve sous ses yeux.
La force est avec elles
Les Figures de l’Ombre est un film académique. Ça y est, le mot est lâché ! Ce mot qui fait fuir les spectateurs qui considèrent ce genre de production comme de simples machines à Oscars sans parfois même chercher à savoir si cet académisme n’est justement pas de mise suivant les circonstances et la nature de l’histoire que le film illustre. Car c’est bien le cas ici. Les Figures de l’Ombre semblait justement appeler un certain classicisme. Sans se soucier d’esquiver les gimmicks d’un cinéma américain grandiloquent, Theodore Melfi embrasse des codes sécuritaires et solides et se concentre sur une bonne exécution. La photographie va aussi dans ce sens, tout comme la bande-originale, pourtant co-signée par Hans Zimmer et Pharell Williams, pour le coup complètement sobre et parfaitement dans la tonalité. Une démarche artistique noble qui offre un écrin de choix au message qu’entend porter le long-métrage, favorisant du même coup une émotion croissante, qui atteint des sommets dans le dernier tiers. L’important est donc l’histoire. Et ici, elle est remarquablement illustrée. Toute en mesure, avec une pudeur et une pertinence rares.
Casting 4 étoiles
Cela dit, Les Figures de l’Ombre, si il s’impose comme un film américain plutôt classique dans sa forme (on le répète, ce n’est pas négatif), repose beaucoup sur ces trois actrices. Taraji P. Henson est magnifique. Toute en mesure, habitée par une sensibilité qui fait mouche en permanence, elle porte en elle la ferveur de son personnage auquel elle rend hommage de la plus vibrante des façons. Octavia Spencer pour sa part traduit une bienveillance et une détermination admirables, tandis que la pétillante Janelle Monáe, l’une des révélations de ce début d’année (elle est aussi dans Moonlight) tient bon ses positions, avec une fermeté assaisonnée d’une capacité à nuancer sans arrêt le propos de son rôle. Trois actrices remarquablement entourées, par des seconds rôles de premier choix. Kevin Costner tout d’abord, incarne le changement. Celui d’une société en plein bouleversement, qui fixe les étoiles pour éviter de regarder en face les injustices qui salissent sa Constitution. Jim Parsons est parfait dans un rôle pas forcément évident, tout comme Kirsten Dunst, dont la froideur renvoie à la frilosité des esprits étriqués qui fuient toute forme de changement et considèrent la différence comme un danger à l’intégrité de leurs existantes engluées dans une mer de préjugés parfois malsains. Mention au toujours impeccable Mahershala Ali (lui aussi dans Moonlight).
Ensemble, de concert avec un réalisateur en pleine possession de son art, ils tissent un œuvre puissante, féministe et humaniste qui brille par son caractère pondéré de manière à donner d’autant plus de force et de portée à son discours. Les Figures de l’Ombre qui nous permet en outre de découvrir des personnages qui ont façonné notre histoire, en contribuant à faire changer les consciences mais aussi à accompagner la marche du monde vers le XXIème siècle.
En Bref…
Les Figures de l’Ombre ne va certes pas révolutionner le cinéma, tant il s’inscrit dans une démarche artistique attendue. Mais l’histoire qu’il raconte appelait justement une approche pleine d’humilité. Un récit pétri d’émotion, porté par des acteurs parfaits, dont le travail met en lumière de stupéfiantes et galvanisantes trajectoires de vie. Les Figures de l’Ombre se pose alors comme la radiographie d’une société malade et incapable d’entrevoir l’avenir autrement que par le prisme de ses contradictions et de ses préjugés, mais rappelle avec bienveillance et fermeté, qu’au fond, la solution n’a jamais bougé et reste toujours aussi accessible. Tout en soulignant que ce qui était valable en 1961 l’est toujours, d’une certaine façon, aujourd’hui…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France