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Outrage commence comme un film noir et se termine comme un mélodrame. Du film noir, Ida Lupino reprend l'idée d'un crime initial jetant la victime dans une spirale de peurs auto-réalisatrices. Ann Walton, violée la veille de son mariage, voit le monde qu'elle connaît métamorphosé en jungle menaçante. Le point de vue que Lupino prête à son héroïne est à la fois paranoïaque, en ce qu'il donne à chaque homme une aura négative, et d'un réalisme implacable : c'est comme si elle voyait pour la première fois les gestes déplacés, les regards libidineux et les remarques équivoques de ceux qui l'entourent depuis toujours. La force du film vient de ce croisement entre l'image mentale et une mise en scène brute, au propos très direct.
Le film se transforme en mélodrame au moment où Ann fuit et rencontre Bruce Ferguson, un pasteur qui amène avec lui une lecture religieuse des événements. Le viol est semblable à un péché originel : commis par un seul homme mais rejaillissant sur tous. Lors d'une scène où elle subit à nouveau les avances plus qu'insistantes d'un jeune homme, elle voit en surimpression la cicatrice qui barrait le cou de son agresseur initial. Ce qui ressemble d'abord à une laborieuse explication psychologique prend avec cette idée de blessure une autre dimension : il n'est plus seulement question de la guérison d'Ann mais de la responsabilité portée par tous les hommes.