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Périple dans New Jersey avec Patrice Nganang

Par Gangoueus @lareus

Périple dans New Jersey avec Patrice Nganang

Copyright Georges Seguin


Lors de mon bref séjour sur la côte est des États Unis, j’ai vécu une très belle expérience. Quelque chose d’assez unique pour un lecteur. Dans le rythme infernal que les sociétés occidentales nous imposent, il est parfois délicat de tenter certaines prises de contact. Surtout quand on choisit septembre pour ses vacances. Installé devant mon mac un soir après une longue journée de marche avec ma belle, je me suis connecté sur les réseaux sociaux et j’ai pris contact avec Patrice Nganang, professeur de théorie littéraire à New York et auteur francophone que j’affectionne particulièrement. N’ayant pas conscience des distances, j’espérais pouvoir le rencontrer sur son site de travail à Stony Brook University…
On ne remerciera pas assez Mark Zuckerberg pour les nombreuses facilités que sa plateforme offre pour la mise en relation. Quelques minutes après Patrice Nganang me répondait avec des questions très précises sur ma localisation et mes disponibilités restantes. Un rendez-vous était calé dans la foulée, le romancier venant nous chercher à Newark trois jours plus tard. Je vais être honnête avec vous. La dernière discussion qu’on avait eue avec Patrice sur Facebook qui communique beaucoup sur ce média social avait été très musclée, et de mon point de vue, elle s’était terminée en queue de poisson. Impressions… Et, quand il nous a récupéré à Newark, j’ai réalisé que la polémique dernière était un vague souvenir… Patrice Nganang a des engagements qu’il affiche nettement, parfois de manière très brute et d’autres sur lesquels il se fait plus discret. Quand je cherchais une lettre de recommandation pour ma candidature à un MBA en Commerce et Marketing sur Internet, il a rédigé une très belle lettre estampillée du sceau de son université américaine.
Installés dans sa Mercedes neuve, le professeur et moi, nous avons évoqué l’Amérique, la littérature (profitant d’un assoupissement de ma femme). Nous nous enfoncions dans un New Jersey rural, très loin des zones urbaines rudes où à certains coins de rue, des hommes fumaient méticuleusement leurs joints… Que Patrice me pardonne, mais parfois mon écoute était distraite par ce visage d’une autre Amérique, bourgeoise, policée, très version Victoria Lane pour les afficionados de « Desperate Housewives ». La fameuse banlieue cossue à 20 ou 40 bornes de New York. Les maisons y sont différentes, les 4X4 maousses de General Motors, sur-consommateurs de carburant, font place à des berlines allemandes, suédoises ou japonaises de luxe. On ressent tout de suite que le risque, le danger quand on flâne avec ses emplettes est beaucoup moins important que celui que j’ai ressenti en allant faire des courses à un petit kilomètre de mon lieu d’attache. Oui, j’étais choqué par cette disparité. Comme quand à Abidjan j’observais les écarts en termes de conditions de vie entre ceux qui habitaient le bidonville de Williamsville et les résidents de Deux-Plateaux…
Patrice nous a très bien reçus chez lui. Je dois dire qu’il fait partie de ces hommes qu’on a parfois du mal à comprendre. Beaucoup connaissent la grosse polémique qui l’a opposé à un autre intellectuel camerounais, Achille Mbembé. Ses prises de position sont parfois discutables comme lorsqu’il n’hésite pas à insulter la femme du président de la République du Cameroun. En discutant toutefois avec lui, Patrice Nganang souligne que la polémique et le débat font avancer les choses. J’essaie dans ma retranscription de rester au plus près de cette discussion mais l’auteur pourra me corriger vertement s’il le souhaite. Il faut dire que le Cameroun c’est le Cameroun. Au Congo, vu les formes répressives du pouvoir en place, on imagine mal un opposant circuler librement après certaines prises de position vis-à-vis du pouvoir en place. Patrice Nganang explique son engagement sur certaines causes comme la mobilisation qu’il a menée autour de certains écrivains emprisonnés au Cameroun comme Bertrand Teyou ou Enoh Meyomessé. Et d’une certaine manière, il a du mal à comprendre que d’autres intellectuels ne le suivent pas dans de telles démarches. Je dois dire, que personnellement je trouve qu’il fait preuve d’une certaine forme de radicalité qui frise l’intolérance.
Naturellement, avant de le rencontrer, je me suis plongé dans son actualité  sur les réseaux sociaux et en particulier les actions de Génération Change, dont le slogan fait penser aux mots de Barack Obama. Là encore, le partage de Patrice fut passionnant. Génération Change est une association qu’il a créé il y a quelques années au bled. Avec franchise, il évoque les difficultés qu’il rencontre à voir émerger un vrai leadership sur place parmi les membres de son réseau. Il faut noter que l’association est très active sur le terrain. Et qu’il y consacre deux mois chaque année en se rendant au Cameroun. C’est un sacerdoce qui est lié sa condition et à sa réussite, affirme-t-il. Un concert de Génération Change a été annulé la veille, et ses mots sont acerbes et ce, non pas contre l’administration, mais plutôt contre les lacunes en termes d’organisation et d’implication des acteurs associatifs de son association.
Périple dans New Jersey avec Patrice Nganang

Nous avons parlé de littérature, d’édition numérique. La dénonciation répétée du jacobinisme culturel français et l’inféodation de nombres d’auteurs à ce système. Je lui ai demandé s’il songeait écrire en anglais. Et finalement, est-ce que cela n’était pas la vraie rupture à adopter si on veut au bout de la logique de son discours. Cette question est d’autant plus intéressante qu’Imbolo Mbué, une jeune camerounaise a fait le buzz à la rentrée littéraire 2016 avec des à-valoir très importants pour la sortie de son roman publié aux États Unis puis traduit dans plusieurs pays. En visitant la librairie de Princeton, nous avons pu mesurer le poidsde cette parution. La question reste ouverte pour cet immense auteur qui ne se sent pas limité par cette langue de Shakespeare qui est la deuxième de son pays.
Avant de nous raccompagner, Patrice nous a fait visiter Princeton. Coquette, très coquette petite bourgade du New Jersey. Naturellement, ce fut l’occasion de visiter la prestigieuse université de l’Ivy League avec un constat assez étonnant. Plus du tiers, pour ne pas dire la moitié des étudiants que nous avons rencontrés sont asiatiques, dont beaucoup de chinois. Il faut le voir pour comprendre certaines choses. Nous sommes rentrés à Newark, enchantés par ce petit périple et par la discussion très riche, inespérée pour le lecteur que je suis, avec cet auteur talentueux.
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