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Le monde sans sommeil / La tour de Babel

Publié le 15 mars 2017 par Pralinerie @Pralinerie
Avec Miss Alfie, on a eu envie de dégainer notre Zweig ensemble. Il faut dire qu'elle a bien débroussaillé les œuvres complètes de notre viennois préféré l'an dernier, lors du challenge classique. Pour cette lecture commune, nous avons choisi deux textes : Le monde sans sommeil et La tour de Babel. 
Dirk Bouts, L'ascension des élus, 1450

Le monde sans sommeil

Zweig nous offre une réflexion poétique sur la longueur des nuits et l'inquiétude des hommes en temps de guerre. Ce n'est plus le sommeil qui peuple les nuits mais les rêves, les prières et les pensées pour les êtres chers, lointains, dont on ne sait peut-être plus rien. Tout semble transfiguré par la guerre ; plus fort, plus intense. Mais l'horizon que devine Zweig, c'est à nouveau le sommeil de la paix. Un texte poétique et puissant.

La tour de Babel

Voilà un article sur le pacifisme ou comment, sous des airs de conte biblique, Zweig rappelle aux intellectuels qu'ils peuvent, qu'ils doivent construire une grande œuvre commune. Cette œuvre, c'est l'Europe d'avant la Grande Guerre, une Europe des artistes, des liens malgré les frontières, de l'émulation intellectuelle. Et cette guerre, n'est-elle pas un nouveau châtiment divin d'un Dieu qui prend peur des avancées des hommes ? Zweig espère une paix prochaine, qui permettra de nouveau la construction commune de cette tour qu'aujourd'hui chacun tente d'édifier dans son coin.  Je crois que c'est le texte que j'ai préféré de tous les essais lus aujourd'hui. Il est à la fois d'inspiration biblique et contemporaine, d'une langue belle et poétique. On est presque dans une nouvelle plus que dans un essai. Et cela a bien plus de force que tous les appels au nationalisme des textes suivants !
Et puis, bien sûr, j'ai eu envie de lire un peu plus. Et j'ai poursuivi dans cette veine avec les essais suivants : Parole d'Allemagne et Aux amis de l'étranger.

Parole d'Allemagne

Voilà un texte très étonnant car très pro-allemand. Autriche et Allemagne sont un seul pays et comme un seul peuple pour Zweig. L'Allemagne y apparait comme un homme fort, qui devrait lutter sur tous les fronts contre l'ennemi et dont la botte secrète résiderait dans son organisation et sa discipline. Oui, c'est un peu caricatural... et ce texte n'a pas la finesse que l'on connaissait habituellement à Stefan !

Aux amis de l'étranger

Même étonnement avec cet article qu'avec le précédent car il montre un Zweig nationaliste, pour lequel les siens comptent plus que ses amis de l'étranger. C'est donc un adieu, un peu pathétique, à tous les échanges, toutes les rencontres et les collaborations intellectuelles au-delà des frontières. L'auteur se sent submergé par son devoir de n'être qu'allemand, de se couper des autres. Il invite au silence à l'heure où les soldats agissent, il veut éviter les éclats de haine mais il marche sur le fil avec ce texte qui est tout sauf un silence... Si les deux textes cités plus haut rappellent furieusement les échanges avec Romain Rolland et Le monde d'hier, les deux derniers surprennent par la véhémence de Zweig. On le croyait pacifiste mais il a aussi été embarqué par la fièvre nationaliste des premiers temps de la guerre, on l'imaginait européen alors qu'il était pro-allemand. Une posture qui ne dure pas mais qui questionne. Car c'est quelque chose qu'il omet complétement dans Le monde d'hier. C'est intéressant de voir qu'il ne reste pas campé sur ses positions, qu'il grandit, accompagné par d'autres intellectuels et amis. Et que sa vision de l'Europe fait plutôt rêver, contrairement à aujourd'hui. Est-ce la réalisation qui est en deçà des espérances ? Est-ce l'approche économique plutôt que culturelle qui est à mettre en cause ? Je n'ai pas de réponse mais j'ai l'impression qu'il faudrait remettre un peu de rêve et de mythe dans notre Europe. Le monde sans sommeil / La tour de Babel

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