Un informaticien des studios Abbey Road a créé un logiciel qui a permis d'améliorer le son du disque Live at the Hollywood Bowl sorti en 1977. L'enjeu ? Atténuer le parasitage de la prestation par les hurlements incessants du public.
Quelqu'un qui vous crie dans les oreilles pendant une demi-heure, c'est déjà pénible. Alors imaginez 18.000 personnes en même temps... C'est exactement l'effet procuré par le disque The Beatles at the Hollywood Bowl, enregistré en concert à Los Angeles. Sorti en 1977, bien après la séparation du groupe, et réédité fin 2016, cet album est composé d'extraits de trois concerts d'août 1964 et août 1965. Mais jusque-là, ce qu'on y entendait surtout, c'étaient les cris de spectateurs hystériques d'un bout à l'autre du disque, dépassant de loin le simple bruit de fond. Le résultat, capté et mixé avec les technologies d'époque, est un témoignage criant (sans jeu de mot) de la beatlemania. A savoir que c'est assez éprouvant, la musique étant difficilement audible. Pourtant, à l'occasion du documentaire Eight Days A Week consacré aux Beatles en tournée, les studios d'Abbey Road ont décidé de rééditer cet album mais non sans avoir revu son mixage. Objectif : mieux faire ressortir chants et instruments.
En 1964-65, les concerts ont été enregistrés sur trois pistes
Les ingénieurs du son emmenés par Giles Martin, fils du producteur originel des Beatles George Martin, se sont donc lancés dans une entreprise délicate de " démixage " consistant à littéralement extraire chaque instrument du magma sonore. Et ce de manière totalement artificielle. De nos jours, lors de l'enregistrement, une piste aurait été dédiée à chaque instrument et chaque voix (voire plusieurs pistes pour les divers éléments de la batterie). Mais on était en 1964-65 et les concerts ont été enregistrés sur trois pistes : basse et batterie (piste 1), voix (piste 2) et guitares (piste 3). Les spectateurs, captés par deux micros, ont échoué sur les pistes 1 et 3. Résultat : impossible de dissocier basse et batterie ou les deux guitares l'une de l'autre, mais impossible aussi d'isoler les instruments des cris du public avec lesquels ils ont été mixés.
Comme le raconte en détail le magazine Mix, la solution est venue d'un analyste logiciel chargé de superviser le système informatique des studios d'Abbey Road. Suite à une discussion informelle avec les ingénieurs du son chargés du projet, James Clarke a mis au point, dans son coin, un logiciel capable de " démixer " un enregistrement : " Si l'oreille humaine peut le faire, alors l'informatique devrait aussi en être capable " estime dans Mix ce diplômé de physique à l'université de Waikato, en Nouvelle-Zélande. Son idée ? Développer un programme capable de " suivre " un signal sonore particulier dans une masse de fréquences, un peu comme un logiciel de reconnaissable faciale peut suivre un même visage sur une vidéo, explique encore l'informaticien.
Une empreinte sonore des cris du public
L'outil s'appelle deMIX. Il peut identifier un instrument en se basant à la fois sur son modèle spectral (fréquence et amplitude sonores) et son modèle de puissance. La combinaison des deux définit l'empreinte sonore d'un instrument. James Clarke a commencé par générer les empreintes des instruments des Beatles, en se servant des enregistrements multipistes conservés à Abbey Road et sur lesquels on peut trouver basse, batterie et guitares de manière isolée. Cette empreinte sera ensuite comparée à ce que l'on entend sur l'enregistrement de l'Hollywood Bowl.
Mais surtout, James Clarke s'est servi de deMix pour obtenir une empreinte sonore des cris du public. Tout simplement en se basant sur des passages du disque où les Beatles ne jouent pas (entre les morceaux). A partir de là, l'équipe d'Abbey Road a pu retirer le son du public des trois pistes pour ne travailler que sur la musique. Puis isoler chacun des instruments sur une piste (hormis les deux guitares dont les empreintes restent beaucoup trop proches pour autoriser un " démixage " ), les remixer et, enfin, réintégrer le public dont le niveau peut, cette fois, être contrôlé de manière à clarifier la prestation du groupe tout en gardant cet effet " bruit de fond " .
Au final, l'album, retitré Live at the Hollywood Bowl, est le même que celui de 1977, hormis quatre chansons ajoutées en bonus. Car au problème du public s'ajoutent des problèmes techniques. Sur certains morceaux, le micro de Paul McCartney ne fonctionnait pas, sur d'autres, des instruments sont à volume trop faible voire le groupe, faute de s'entendre, n'est pas en place. Et face à des musiciens qui jouent mal, la technologie ne peut pas grand-chose. Quoique...
Source : sciencesetavenir
Habituellement expédié sous 24 h