Magazine Culture

(anthologie permanente) L-D Bessières, le métromane

Par Florence Trocmé


L-D Bessières et son chef d’œuvre inconnu

Le recueil des « Instantanés, croquis et impression de voyage d’un métromane » est-il le chef d’œuvre inconnu de la poésie française ? L’ouvrage, imprimé par Émile Colin à Lagny-sur-Marne, et publié à compte d’auteur, paraît en deux volumes en 1904. Il comprend six cent cinquante pages signé « L-D Bessières ». Pour l’heure, aucun éditeur n’a eu le courage, depuis sa publication, de faire revivre cette poésie.
Cette œuvre poétique offre un panorama de quatre cent quatre-vingts communes, d’Ableiges à Ws, et Lucien-Dieudonné Bessières a écrit, sur chaque ville, un poème. C’est le livre d’un iconoclaste qui convoque géographie et histoire, à travers la poésie. L’on peut penser naturellement au « Tour de la France par deux enfants » ouvrage scolaire d'Augustine Fouillée qui a rencontré un vif succès sous la Troisième République. Dans ce voyage fictif (?), Louis-Dieudonné Bessières parcourt la France jusqu’à Potsdam. De Strasbourg aux Sables d’Olonne, de Perpignan à Dunkerque, il propose une vision poétique du monde.
Cet « instantané » de villes et de villages franciliens, et de province, c’est comme une radiographie de la France, d’avant la Grande Guerre. Dans sa poésie, l’on voit la fin d’un monde ancien, presque médiéval, entre église et champ, et l’avènement du monde moderne, face à la révolution industrielle, la vapeur et le télégraphe.
Nicolas Grenier
DEAUVILLE
Passons la Touques, c’est Deauville,
C’est le complément de Trouville.
Mieux percé, de grands boulevards,
Encore un séjour de fêtards.
Lointaine plage sans galets,
Toujours des villas, des chalets,
Un champ de courses, et la gare
Au débarqué de Saint-Lazare,
Et desservant les deux pays
D’intérêt commun réunis.

LA BOURBOULE

Deux établissements d’eaux thermales fort beaux
Où l’on donne à choisir la boue ou bien les eaux.
Pittoresque pays, assis sur la Dordogne,
Qui vers Bordeaux s’en va, traversant la Gascogne ;
Des coteaux, belle vue au loin sur son parcours,
Su l’étroite vallée et sur ses alentours.

ORLY

Route de Villeneuve, en sortant de Choisy,
À droite, on aperçoit Orly
Là-haut, dans un agreste et coquet paysage.
Ce modeste et gentil village
Encore dans la Seine est très exactement
Aux confins du département.
La seule chose à voir, qui ne doit être omis,
Sera le chœur de son église :
C’est de la Renaissance et du François premier
Avec son décor coutumier.
Le plein cintre, partout, les gargouilles de pierre,
Fins meneaux dans chaque verrière,
Pilastres décorés, haut et bas, de panneaux,
Et feuillages aux chapiteaux.
Mais, ce qu’on voit ici, qui n’est pas ordinaire
C’est, près de l’église, un Calvaire
Sachant qu’en ce pays, bourgeois et paysans
Sont presque tous des mécréants.

ROISSY
La route de Maubeuge éventre à son passage
Ce gros et important village
Qui, comme tant d’autres de ses semblables, est
Dépourvu d’intérêt.
La seule chose à voir, comme ailleurs, est l’église :
Que faut-il que je vous dise ?
Du seizième pourtant elle possède un chœur,
Mais le surplus est sans valeur.

PUTEAUX
De Courbevoie à Suresnes,
On rencontre dans la plaine
Et sur le bord de la Seine,
Amarrant quelques bateaux
Au bas de jolis coteaux,
Cette ville de Puteaux.
Ni gracieuse, ni belle,
Elle se présente telle :
C’est la ville industrielle ;
On y travaille beaucoup,
On y fabrique de tout ;
C’est sale et vilain partout.
Ici, rien de ce que j’aime ;
Une église du seizième
Sans intérêt elle-même,
Contenant deux vieux vitraux
Que l’on estime fort beaux.
Et c’est tout… laissons Puteaux.
CERGY
Trois kilomètres de Pontoise,
Un village très étendu
Sur la rive droite de l’Oise,
Possédant un pont suspendu.
Ancienne église abbatiale
À trois nefs, un très haut clocher
Avec flèche en pierre centrale
Qu’on voit de loin sans le chercher.
Quatre siècles d’histoire se rencontrent
Dans les détails isolément,
Qui, par leur présence, démontrent
Le soin qu’on eut du monument.
On retrouve encor l’existence
De quelques traces du couvent,
Notamment de la Renaissance,
Le très beau portique en avant.
Au hameau de Jancy se montre
La Pierre-Fouret, un Peulvan,
Un monument que l’on rencontre
En ces environs peu souvent ;
Un mégalithe druidique
Ayant cinq mètres de hauteur,
Planté debout, d’aspect unique,
Sur une semblable largeur.

L.-D Bessières, Instantanés, croquis et impression de voyage d’un métromane, 1904.

Biographie :
De son vrai nom Lucien-Dieudonné Bessières, L-D Bessières est né en 1829 et mort à Paris en 1918. Architecte, il devient poète, dans ses vieux jours. Il publie trois recueils de poèmes, et surtout le recueil des « Instantanés », en 1904.
Bibliographie :
Mes trois sansonnets, 1906.
Ad hunc, ad hoc, 1905.
Les instantanés, croquis et impression de voyage d’un métromane, 1904.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines