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[Revue de Presse] Jacques Volcouve, la mémoire des Beatles

Publié le 27 mars 2017 par John Lenmac @yellowsubnet

Collectionneur amoureux des Beatles, Jacques Volcouve s'est séparé de quelques uns de ses trésors lors d'une vente animée à Drouot la semaine dernière. Nous avons pu échanger quelques mots avec lui

Pour commencer, tous les fans doivent se demander pourquoi vous vendez ?

Tout d'abord, vous venez d'utiliser un mot que je combats de toute mon âme, le mot " fan ". Je n'ai pas appelé l'association que j'ai crée le Beatles Fan Club, je l'ai appelée Le Club des Quatre de Liverpool parce que pour moi c'était les Beatles ensemble et séparément. Et je n'oublie pas que le mot " fan " c'est l'abréviation du mot " fanatique ". Je n'ai jamais été un fanatique. Je suis un amoureux, oui. Un passionné, oui. Mais pas un fanatique. Pour moi, le fanatique ne draine que des choses négatives derrière lui, et l'actualité est malheureusement là pour nous le rappeler tous les jours. En plus, quand on aime les Beatles, on a pas le droit d'être un fan parce que Lennon a été assassiné par un fan et Harrison est mort aussi à cause d'un fan qui l'a poignardé quelques temps avant sa mort. A cause de ça, le cancer qui rongeait George Harrison est remonté et a gagné la partie alors que George était en train de s'en sortir. De plus, je pense que le fan est dans un panégyrique complet et je crois que les Beatles ont toujours essayé d'expliquer aux gens qu'il fallait réfléchir par soi-même. Le fan est incapable de ce genre de choses.

Et la vente ?

Alors la vente est dans ma tête depuis un certain nombre d'années parce que je me suis rendu compte que cette collection devenait quelque chose de lourd pour moi... Au bout d'un moment ça devenait comme un anaconda : ça attaquait mon espace vital, ça attaquait ma santé, ça me coûtait beaucoup d'argent. La véritable question c'est est-ce que c'est toi qui possède ta collection ou est-ce que c'est ta collection qui te possède ? Quand mes parents sont morts, je me suis rendu compte que c'était ma collection qui me possédait. J'étais obligé de la mettre dans un garde meubles qui me coûtait tous les mois beaucoup d'argent, quand je dis beaucoup d'argent c'est parce que je n'ai pas de revenu. Les revenus que j'ai pu avoir c'est un petit peu grâce à mes activités en rapport avec les Beatles mais ça ne m'a jamais permis de faire fortune. En plus je perdais ma vie sociale : je ne pouvais plus recevoir des amis chez moi parce que je n'avais pas de place. Je me suis également rendu compte que je ne passais pas mes journées à regarder mes pochettes de disques, mes photos, mes bouquins... c'était juste là. Je ne la consultais que lorsque j'avais besoin professionnel et même là aujourd'hui il y a internet. On est passé à une autre époque ! Cette collection était en péril alors je me suis dit que ce serait bien de lui donner une vie après moi, de pouvoir permettre à d'autres amoureux des Beatles de pouvoir acquérir ces objets qui m'ont donné beaucoup de bonheur pendant un certain nombre d'années. Je pense que héberger ma collection dans une fondation ou un musée aurait pas été la bonne solution parce qu'on est pas un pays pour ça, en tout cas pour les Beatles. Donc il ne restait que la vente aux enchères que je mène maintenant grâce à maître Allardi. Il a mis une véritable pression sur moi parce qu'au départ je me disais qu'il allait falloir un an de préparation mais lorsqu'on a attaqué au mois de novembre, il m'a dit que l'on allait faire ça au mois de mars. Je me suis dit qu'il était fou ! C'est comme si on me demandait de dresser la nomenclature de toutes les herbes et les rochers qui se trouvent sur le mont Everest ! Dans un sens, ce n'est pas mal parce que je n'ai pas eu à réfléchir, tout est vraiment aller à fond la caisse !

Comment expliquez-vous le fait que la France ne soit pas spécialement un public pour les Beatles ? Est-ce la faute des yéyés ?

J'ai mis longtemps à comprendre ça. Nous sommes un pays issu d'une culture latine et on a affaire à quelque chose d'anglo-saxon. Pendant des siècles la France était le pays phare de la civilisation occidentale et la langue française la langue la plus importante au monde. Tout d'un coup, on a perdu tout ça. Côté musique, on a une approche assez médiocre. D'ailleurs c'est à mourir de rire de penser que la France a crée la Fête de la Musique - que j'appelle la Fête du Bruit - alors que dans les pubs anglais,vous allez voir des gens qui vont commencer à chanter. Ils chantent tous juste, ils tapent dans les mains en rythme et c'est spontané. J'ai assez rarement vu des gens se mettre à chanter dans les pubs ou les cafés ici en France et quand c'est le cas ils chantent faux et ils ne tapent pas en rythme. On a reçu les Beatles comme des touristes. Quand ils arrivent en janvier 1964, on ne comprend pas leur musique. Philippe Bouvard les traitent de zazous... on intellectualise. Et quand le rock s'est mis à intellectualiser, nous on intellectualisait plus du tout. Donc on était à chaque fois à contretemps. Il y a d'autres paramètres à prendre en compte, comme notre éducation musicale. On a pas du tout la même approche. Le respect de la musique n'est pas le même. Ça s'est arrangé dans les années 70. Un des points négatifs des yéyés c'est qu'ils ont repris de nombreux succès anglo-saxons sans jamais le dire. Je trouve que ce n'est pas honnête. Quand j'ai découvert que leurs chansons existaient en anglais et en américain, je suis allé écouter les originaux. En revanche, les artistes anglo-saxons comme les Beatles ont influencé toute la génération des artistes qui ont explosé dans les années 70 comme Véronique Sanson ou Michel Berger. Ils ont réussi à comprendre qu'il fallait qu'ils aient leurs propres chansons. Il n'y a jamais eu d'hystérie collective en France, il n'y a jamais eu de Beatlemania ... et quand on a commencé à être vraiment dingue des Beatles, ils s'étaient séparés. Les gens d'EMI et de Pathé Marconi me disaient qu'ils n'avaient jamais vendu autant de disques que depuis que les Beatles s'étaient séparés.

Pourquoi pensez-vous que les Beatles sont toujours aussi populaires ?

Les Beatles ont su être universels et toucher le cœur et l'âme de tout le monde en créant des mélodies qui se sont inscrites dans l'inconscient collectif. Leur musique a quelque chose d'unique parce que les Beatles donnait du bonheur alors que les autres donnaient de la joie. Sur un plan statistique, vous avez plus la chance d'entendre une chanson des Beatles que n'importe quel autre artiste quand vous allumez votre radio et pour ça, ils sont vraiment à part.

Vous avez eu la chance de rencontrer plusieurs des Beatles. Auriez-vous de petites anecdotes à nous faire partager ?

Bien sûr ! Concernant McCartney, c'est assez drôle ! Je suis invité à assister à l'interview qu'a fait Antoine de Caunes pour le premier Téléthon dans la suite qu'il occupait au George V. Les deux attachés presse ne savaient pas qui j'étais et m'ont demandé de m'asseoir dans un fauteuil et de ne pas bouger. " Tu bouges le petit doigt on te met dehors ! " Antoine se marrait. Quand McCartney arrive, il se précipite vers moi et me dit " You, stand up. You see this man, this is a great man. " Au cours de l'interview, McCartney commet une faute. Je ne savais pas quoi faire. J'ai fini par ouvrir ma gueule et je lui ai dit : " But Paul... " Tout le monde s'est arrêté et Paul a éclaté de rire. A la fin, il est revenu vers moi et m'a dit : " You are like Mark ! " en faisant référence à Mark Lewisohn, le grand historien des Beatles. Pendant un temps, il avait demandé à Mark de venir avec lui pendant des interviews et quand il avait un trou de mémoire il s'en remettait à lui.

Et George Harrison ?

Je rencontre Harrison en février 77 et il y a une sorte de malentendu... On avait la possibilité de l'interviewer avec les membres du club. On rentre dans sa suite, mais je n'avais pas fait gaffe que deux photographes d'agence nous avaient suivi donc ça faisait vraiment commando. George était interloqué : " I don't have to spend the rest of my life with you " Je me suis pris ça dans la tronche et je lui dit : " Oh that's a good start ! " et j'ai commencé mon interview. Plus tard, je lui ai demandé s'il se rendait compte de l'émission qu'il venait de faire, Basket avec Jean-Loup Lafont. " Tu exprimes des choses tellement plus intéressantes dans tes chansons que ce qui était véhiculé dans l'émission ! " Et là George m'a rétorqué : " Si une personne a apprécié ton travail, alors tu n'as pas perdu ton temps ! " Le même jour, il faisait l'émission Les Rendez-vous du dimanche avec Michel Drucker, aux côtés de Jean-Jacques Debout, Enrico Macias et Demis Roussos. Michel Drucker lui mettait constamment la main sur l'épaule. George a dû se dire qu'il devait être de la jaquette (rires). A la pause, il s'est tourné vers moi et m'a fait un clin d'œil.

Quant à Ringo ?

Un ami photographe, Philippe Auliac, l'avait interviewé dans sa maison de Los Angeles un an avant notre rencontre. On avait fait un numéro spécial de notre journal uniquement consacré à cela et lorsque je l'accueille à l'aéroport, je lui demande : " Do you remember my friend Philippe who interviewed you last year ? " Ringo me regarde et me répond : " I s he the guy wearing a ring on his left nipple ? " Je le regarde et tout d'un coup j'éclate de rire. Ça c'était Ringo tout craché. On s'est rendu dans sa suite pour réfléchir à comment nous pouvions promouvoir son album. A un moment, Ringo est sorti et on l'a entendu s'éloigner. Mon frère et moi on s'est demandé si on avait dit une bêtise. Tout d'un coup, il a surgit de la pièce d'à côté et a commencer à m'étrangler. Il nous fait : " Take the picture ! Take the picture ! " Mon frère a saisi son appareil et a pris des photos, moi j'étais mort de rire ! Lorsqu'on est arrivé chez nos parents, je lui ai demandé d'aller développer la pellicule tout de suite, mais on s'est rendu compte que l'appareil était vide !

[Revue de Presse] Jacques Volcouve, la mémoire des Beatles

Propos recueillis et adaptés par Jessica Saval Pour Rolling Stone

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