Partager la publication "[Critique] GHOST IN THE SHELL"
Titre original : Ghost In The Shell
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Rupert Sanders
Distribution : Scarlett Johansson, Pilou Asbæk, Juliette Binoche, Takeshi Kitano, Michael Pitt, Chin Han, Danusia Samal…
Genre : Science-Fiction/Action/Thriller/Adaptation
Date de sortie : 29 mars 2017
Le Pitch :
Rescapée d’un terrible accident, une jeune femme ne doit sa survie qu’à une technologie avancée qui a permis l’implantation de son cerveau sur un corps entièrement robotisé. Désormais capable d’extraordinaires prouesses, elle est le Major, un agent de terrain employé par le gouvernement pour traquer les pires criminels. Quand un cyber-terroriste capable de prendre le contrôle de n’importe quel humain doté d’améliorations cybernétiques sème le chaos dans la ville, le Major voit ses certitudes vaciller. Et si ceux qui donnent les ordres ne faisaient que la manipuler ? L’enquête qu’elle va mener va lui révéler des secrets enfouis qui n’auraient jamais dû voir le jour…
La Critique de Ghost In The Shell :
Ghost In The Shell. Quatre mots capables à eux seuls de déclencher une puissante effervescence dans la communauté des fans d’animes japonais. Quatre mots qui sont au centre d’un débat hyper exalté depuis l’annonce d’une adaptation live du célèbre et cultisme film d’animation de Masamune Shirow. Car en s’attelant à ce projet ô combien périlleux, le réalisateur Rupert Sanders s’est frotté à une farouche opposition qui a tôt fait de discuter tous ses choix. Sanders qui a dû se rendre compte que réaliser une adaptation de Ghost In The Shell revenait ni plus ni moins à rouler sur l’autoroute avec un 33 tonnes dont la remorque serait bourrée à raz la gueule de nitroglycérine…
Esprit es-tu là ?
Abordons tout de suite le point le plus sensible de cette affaire : pourquoi Scarlett Johansson tient-elle le premier rôle ? Pourquoi elle et pas une actrice japonaise vu qu’on cause après tout d’une œuvre japonaise ? S’agit-il d’un exemple particulièrement éloquent de white bashing ? Pour le coup, Rupert Sanders a particulièrement bien manœuvré, justifiant ce choix avec intelligence de manière à venir nourrir la thématique principale du récit, avec pertinence et audace. Certes, l’explication intervient tard et ne convaincra probablement pas ceux qui ont déjà décidé que c’était naze quoi qu’il en soit, mais elle a le mérite de ne pas être tirée par les cheveux et d’apporter de l’eau au moulin d’une dynamique puissante. Une justification en adéquation avec un scénario dont l’un des objectifs est visiblement de clarifier la trame de l’œuvre originale (et de la série qui a suivi), qui, il faut bien le reconnaître, était un peu compliquée. Ici on pige tout d’un seul coup, et tant pis si on comprend également qu’au passage, l’histoire du Major et de ses coéquipiers est devenue beaucoup moins viscérale. Les questions philosophiques et les différentes interrogations quant à la condition profonde du protagoniste central, ce cyborg à apparence humaine qui a du mal à saisir sa propre nature, sont bien au centre du récit, mais tout à été considérablement aplani. Les puristes ne vont pas apprécier, les autres si. De toute façon, avec un truc aussi clivant, difficile de faire l’unanimité. Rupert Sanders ayant eu l’intelligence et les cojones, de justement faire une succession de choix, quitte à se mettre à dos les gros aficionados de l’anime. Si les premières images pouvaient laisser craindre une copie carbone, le film lui, impose malgré tout la personnalité des forces en présence. Pas trop non plus mais suffisamment pour ne pas y sacrifier son âme.
50% robot, 50% flic, 100% canon
Et Scarlett ? Et bien elle est comme souvent parfaite. Difficile de ne pas être convaincu par sa propension à toucher au vif sur tous les plans. On le sait, au moins depuis son arrivée dans les Avengers, que l’actrice est tout à fait crédible dans l’action pure et dure et on savait déjà qu’elle pouvait embrasser une grande variété de rôles dramatiques. Celui du Major lui permet de mixer les deux et de conférer à ce personnage complexe car pétri de doutes et assailli de question, une profondeur tout à fait de mise. Charismatique, elle porte le film et se fait le vecteur de son message, y compris à la fin, quand tout s’imbrique et que, on le rappelle, le scénario justifie sa présence (et non celle d’une actrice japonaise) au premier plan.
Pour autant, ni Scarlett ni les bonnes intentions du réalisateur, ne peuvent grand chose face à ce que renvoie un film finalement assez basique. Animé de nobles velléités, qui vont plus loin que celles des blockbusters de base dont le seul but est d’envoyer du lourd en permanence, Ghost In The Shell a donc été simplifié dans un soucis de compréhension. Et si il évoque bien sûr son modèle, le long-métrage de Sanders fait aussi penser à d’autres films qui n’ont pas grand chose à voir. Si on veut schématiser, on pourrait par exemple dire qu’on est ici en face d’une version féminine de RoboCop. Dans les deux cas, les héros sont de redoutables machines, incarnant un progrès à double-tranchant et dans les deux cas, ils s’aperçoivent qu’on les manipule à des fins qui leur échappent. Œuvre majeure de la science-fiction ayant donné naissance à nombre de films qui ne sont pas privés de s’en inspirer, l’anime de Shirow possède bien sûr une force évocatrice qui se trouve être diluée dans le long-métrage réalisé par Rupert Sanders. On pense ainsi forcément à Matrix, qui s’inspirait du manga et qui maintenant, vient faire de l’ombre au film live. Ironique quand on y pense non ? Rien de bien grave, mais une chose est sûre : Ghost In The Shell le film, n’a, dans le fond, rien de vraiment révolutionnaire. Les références, assumées et digérées, n’arrangent rien à l’affaire, puisqu’elle soulignent cet état de fait.
Futur de synthèse
Visuellement, Ghost In The Shell fait le job, difficile de le nier. Dès les premières scènes, l’application et le sens du détail parfois ahurissant du metteur en scène font mouche. De l’apparence de cette ville tentaculaire, habitée par des formes fantomatiques et constellée de nombreuses balafres inhérentes à cette incapacité à marier avec harmonie progrès et tradition, aux costumes, Ghost In The Shell est graphiquement très riche. On a le droit de trouver le tableau un peu trop chargé et bien sûr de ne pas goûter à l’esthétique, mais difficile de ne pas saluer le boulot. Et tant pis si au fond, parfois, les scènes d’action ressemblent à un jeu-vidéo. À la fin tout particulièrement. Fruit d’un travail titanesque sur l’image, Ghost In The Shell apparaît parfois un peu trop artificiel pour convaincre pleinement. Il y a une vraie ambiance, les lieux visités par les personnages sont étonnants, l’esthétique est léchée, mais quand l’action prend le pas sur la contemplation, l’âme du film en prend un coup dans l’aile. Entre évocation quasiment métaphysique sur l’évolution de l’homme dans un monde de plus en plus dominé par la technologie et désir d’imposer une action percutante, Ghost In The Shell se prend un peu les pieds dans le tapis, toujours entre deux eaux, convainquant la plupart du temps mais aussi étrangement perdu à d’autres…
En Bref…
Ghost In The Shell n’est pas le ratage annoncé par certains, loin de là. Pour autant, ce n’est pas non le grand film d’anticipation qu’il prétend être parfois. Quelque part entre les deux, il s’agit d’une œuvre honnête et respectueuse de son modèle, qui fait preuve de suffisamment de profondeur et d’exigence pour s’extraire de la masse des blockbusters désincarnés.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount Pictures France