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La voiture autonome prépare une révolution en matière de design

Publié le 30 mars 2017 par Pnordey @latelier

En abolissant la nécessité de conduire et promouvant l’autopartage, la voiture autonome pourrait radicalement transformer l’automobile, qui demeure aujourd’hui conçue pour un usage privé et familial.

Aujourd’hui, la voiture telle que nous la connaissons, comprenant environ cinq places avec un poste réservé pour le conducteur, nous semble une évidence, et nous n’imaginons pas qu’elle puisse prendre une forme différente. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. L’étude de la période précédant l’essor de l’automobile et sa diffusion auprès du grand public, située entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, suffit pour s’en convaincre. À l’époque, on voit ainsi se côtoyer des véhicules en tous genres, de la “Jamais contente”, sorte d’ogive sur roue à une place, dotée d’un moteur électrique, à la Panhard Levassor Type A, une calèche dotée d’un moteur à essence, en passant par la Benz Patent Motorwagen, drôle de tricycle propulsé par un moteur à explosion, la minuscule Renault type A ou encore la Ford A, qui préfigure l’automobile sous sa forme moderne.

La voiture autonome prépare une révolution en matière de design

La “Jamais Contente”

Le design de la voiture ne s’est uniformisé que bien plus tard. Dans les années 1910, la Ford T, puis la Citroën type A imposent le modèle du véhicule à quatre roues avec deux rangées de sièges, tandis qu’en 1934, la Chrysler Airflow inaugure l’ère du design aérodynamique. Cette évolution n’est pas liée au hasard : l’automobile s’est adaptée pour répondre à la fonction qui est progressivement devenue la sienne. Celle d’un véhicule privé, utilitaire, familial et fonctionnel, conçu pour amener un petit nombre de passagers d’un point A à un point B le plus rapidement possible. Ainsi, malgré de nombreux changements esthétiques ou visant à améliorer la sécurité des passagers, la voiture d’aujourd’hui est peu ou prou la même que celle des années trente : elle compte un volant, quatre portières, deux rangées de sièges, un coffre, etc. En effet, au-delà des modes et des tendances, la technologie de fond, et l’usage qui en découle, a peu évolué.

La voiture autonome prépare une révolution en matière de design

La Chrysler Airflow inaugure l’ère du design aérodynamique

Une expérience sur-mesure

Aujourd’hui, pourtant, le perfectionnement croissant des logiciels de conduite autonome laisse présager un bouleversement majeur dans notre conception de l’automobile. Ainsi, lorsqu’il ne sera plus nécessaire d’assurer soi-même le pilotage du véhicule, l’ensemble des éléments du poste de conduite (volant, pédales, etc.) pourront disparaître, et le conducteur n’ayant plus besoin de regarder la route, la voiture ne sera plus nécessairement dirigée vers l’avant. Son centre de gravité pourrait basculer vers l’intérieur, avec des passagers tournés les uns vers les autres, par exemple, l’habitacle devenant davantage un lieu d’échange et de convivialité. En outre, avec la voiture sans chauffeur, c’est aussi la philosophie du véhicule conçu comme moyen de locomotion privé qui se trouve modifiée : on évoque de plus en plus l’acheminement vers un système de taxis autonomes et partagés. Des initiatives comme Next et Optimus Ride, aux Etats-Unis, ou encore Drive Sweden, en Suède, vont dans ce sens-là. Voilà qui ouvre une petite révolution dans le monde du design.

De véhicule purement utilitaire, l’automobile pourrait ainsi devenir une plateforme de services et de divertissements. Une vision développée par l’entreprise de design Ideo. À travers son projet The Future of Automobility, elle imagine un véhicule centré sur les besoins de l’utilisateur. « Au-delà du design extérieur des véhicules, nous sommes persuadés qu’exploiter le potentiel de la mobilité partagée implique de repenser l’intérieur, pour qu’il permette aux passagers de se relaxer, de socialiser ou encore de travailler pendant le trajet. Il est en outre possible de donner à chaque passager d’un même véhicule une expérience sur-mesure, sans troubler la qualité de celle des autres. » explique Janko Potezica, en charge de l’équipe design chez Ideo et ancien de BMW. Le véhicule-concept imaginé par Ideo est pensé autour de cette idée. « Par exemple, nous avons conçu des habitacles à l’intérieur du véhicule, afin d’offrir un espace personnel à chaque passager. Chaque habitacle comprend une visière permettant à l’individu de travailler ou de regarder sa série télé favorite. » Une expérience de mobilité sur-mesure, en somme. « Les passagers peuvent choisir entre une expérience sociale ou privée, en manipulant leur habitacle. Ceux-ci comprennent une coquille et un système de préservation contre les bruits extérieurs, qui procurent aux passagers l’option d’une isolation sonore et visuelle. Ils peuvent également entamer une interaction sociale, en orientant leur habitacle l’un en face de l’autre et en utilisant une technique d’amplification acoustique. Deux passagers peuvent ainsi discuter tandis qu’un troisième travaille ou se repose. »

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© Ideo

L’automobile comme plateforme de service

Certains véhicules pourraient quant à eux être configurés pour offrir de véritables bureaux sur roues, comme le conçoit Ideo à travers son projet Work on wheel. « Nous imaginons également de véritables espaces de travail flexibles et mobiles, permettant aux passagers de travailler efficacement durant leur trajet. Ces véhicules comprendraient écrans et surfaces de travail susceptibles de permettre un labeur individuel ou collaboratif, ainsi que des batteries comprises dans le sol. » détaille Janko Potezica. Ces véhicules pourraient offrir une excellente alternative aux taxis en milieu urbain. En permettant aux individus de mettre à profit leur trajet pour travailler, ils accompagneraient la tendance naissante à comptabiliser le temps de trajet dans le temps de travail.

Selon Matthew Cockerill, de l’entreprise de design Seymourpowell, à mesure que l’avenir de l’automobile va pivoter vers le service, il s’agira moins de vendre des voitures aux particuliers que d’offrir à chacun une expérience répondant à ses besoins. La voiture deviendra une plateforme de mobilité. « Ces plateformes seront configurables pour offrir différents types de services en fonction du moment de la journée, de la semaine ou de l’année, servant par exemple de véhicules de transport le jour et de livraison la nuit. Les usagers faisant un long voyage opteront pour le véhicule muni du lit le plus confortable, ceux qui organisent une réunion pendant le trajet opteront pour la voiture offrant le meilleur café et la connexion wifi la plus rapide. Plus de flexibilité signifie davantage d’utilisation, ces plateformes devront donc être construites avec en tête un objectif de durabilité, et disposer de modules interchangeables offrant chacun une fonction différente, et que l’on pourra échanger, utiliser, mettre à jour et réparer au besoin. » écrit-il.

Les véhicules développés par Next s’inscrivent directement dans cette tendance. Larges rectangles à l’apparence futuriste, ils peuvent accueillir entre six et dix passagers chacun. Les modules pourront en outre s’accrocher les un aux autres, ce qui permet d’imaginer des véhicules spécialisés dans un certain type de service, venant se greffer à ceux réservés au transport de passagers pour répondre aux demandes de ces derniers. Par exemple, un module “Starbuck’s” proposerait une machine à café, des tables et des tabourets, un module “salle de réunion” offrirait des tables, des chaises et des supports de présentation…

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Des espaces urbains remodelés

Le développement de la voiture autonome ouvre également des opportunités de design dans le monde du luxe. La conduite devenant obsolète, le luxe ne consistera plus en un moteur puissant ou une vitesse d’accélération hors-norme, mais plutôt en l'expérience de voyage la plus confortable possible. Roll’s Royce a effectué l’an dernier un pas dans cette direction avec une voiture-concept, la Vision Next 100. Elle comprend un canapé en soie, un lambris en bois de Madagascar sculpté à la main et une télévision géante. La voiture comprend également une assistante virtuelle conçue pour prendre soin des passagers. Il est en outre probable qu’à terme, à mesure que les véhicules autonomes se généraliseront, la conduite devienne davantage un passe-temps qu’une activité nécessaire, de même que l’équitation a progressivement cessé d’être un moyen de locomotion pour se muer en loisir. Sans doute certains constructeurs proposeront-ils alors des véhicules hauts de gamme destinés à être conduits spécialement pour le plaisir.

Enfin, la voiture autonome ne va pas seulement modifier profondément le design de l’automobile; elle va également changer le visage de nos villes, qui ont pour la plupart été remodelées et repensées pour s’adapter à l’automobile telle que nous la connaissons aujourd’hui. Prenons les parkings, par exemple, qui occupent fréquemment jusqu’à dix pour cent de l’espace urbain. Les véhicules autonomes n’ayant pas besoin de faire de pauses, il est probable que le nombre de places de parking nécessaires en milieu urbain soit à l’avenir considérablement réduit, cédant la place à des espaces verts, par exemple. Même chose pour les garages. Panneaux de circulation et feux tricolores disparaîtront progressivement du paysage. L’autopartage permettant de réduire le nombre de voitures sur les routes, celles-ci pourront être moins larges, libérant encore de l’espace. Davantage de rues pourront devenir piétonnes. Si l’on ajoute le développement des véhicules électriques, qui suppriment les nuisances sonores, il est probable que les villes de demain soient, grâce aux changements dans la sphère automobile, plus calmes, plus vertes, plus sûres et plus agréables à vivre.

 

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