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La ligne de mire

Publié le 02 avril 2017 par Pantalaskas @chapeau_noir
La ligne de mire

« Sonorette  » 1998 marbre de Carrare Roland Baladi

 « Les Conquérants de l’illusion »

Les relations peinture-photographie puis peinture-cinématographe ont fait l’objet au cours des décennies de croisements, concurrences, rencontres qui appartiennent désormais à l’Histoire. Des pionniers de l’image photographique jusqu’aux précurseurs de l’image animée, les repères ne manquent pas pour dessiner les contours de cette aventure des « Conquérants de l’illusion ».
La télévision a-t-elle produit ce même phénomène d’empathie  auprès des artistes de la deuxième moitié du vingtième siècle ? On peut en effet s’interroger sur cet attrait-répulsion envers un média qui a tout emporté sur son passage pour devenir le maître des images ? Cette interrogation, le peintre Ivan Messac l’a mise en lumière dans une des galeries présentes à  « Art Paris , Art Fair » ce dernier week-end.
Pour cet artiste qui lui-même s’est confronté à cette fascination de l’image télévisuelle dans une série intitulée : « Impression Prime-Time » en 2005, il a fallu partir à la recherche d’œuvres d’artistes contemporains pour observer les positions adoptées par eux avec des propositions fort diverses.

La ligne de mire

«T.V.8 TV Canal 8» 1977 Acrylique sur toile Jacques Monory

Car la télévision répond à cette double nature : à la fois canal d’une image continue, fascinante et dans le même temps objet physique occupant une place clef dans l’espace quotidien.
C’est peut-être par cette seconde caractéristique que l’on peut aborder le phénomène. Roland Baladi a sculpté en 1998 une « Sonorette » en marbre de Carrare, d’après un modèle de récepteur de télévision des années Cinquante. Objet intrigant, j’imagine, à l’époque par l’étroitesse de son écran laissant difficilement envisager que l’invention allait devenir dévorante pour les humains.  L’étrange lucarne ainsi figée dans le marbre se retrouve réduite à l’impuissance, pétrifiée avant même d’avoir écrit son histoire.
Mais bien vite ce maelström des images va emporter toutes les préventions, devenir le centre de toutes les convoitises, attirer tous les pouvoirs, fasciner et façonner les esprits.
Le monde rêvé d’un Jacques Monory trouve dans cette image froide de l’écran vidéo son propre reflet. Le plus inattendu reste peut-être l’œuvre de Nam June Paik dont on connaît le protocole anthropomorphe dans sa façon de jouer avec l’objet télévision. Ici ce sont les lignes invisibles de l’écran que l’artiste illustre avec une étonnante lecture inscrite dans ce balayage figé.

« Ni vu, ni connu »

Ivan Messac, pour sa part, met en perspective cette interrogation sur la télévision avec une première oeuvre de 1970 : « Ni vu, ni connu » posant d’entrée la question de ce média illustré ici avec un personnage cachant sous l’écran sa qualité de prestidigitateur. La télévision est dès lors dénoncée comme une manipulation.

La ligne de mire

L’empire des sens-100×100 cm Tehcnique mixte sur toile 2005 Ivan Messac

Trente cinq ans plus tard, avec la série « Impression Prime-Time », Ivan Messac continue à régler ses comptes avec ce phénomène désormais gagnant sur toute la ligne et dont il met un malin plaisir à rendre dérisoire les images sur des fonds de tissus qui ne le sont pas moins pour le kitch de leur décor. La mire est vraisemblablement l’émission qui lui paraît la moins pernicieuse.

Aujourd’hui, l’objet Télévision a perdu de sa superbe, mais en abandonnant sa position centrale dans l’univers familier, il s’est insidieusement infiltré dans tous les compartiments de notre vie et pris les commandes de notre rapport au monde. Ivan Messac à travers sa peinture garde aujourd’hui  cette invention incontrôlable en ligne de mire.

Télé-viseurs
Ivan Messac, Nam Jun Paik, Roland Baladi, Jacques Monory, Joan Rabascall, SKWAK, Volff Vostell, Ryan Mendoza, Bodys Izek Kingelez, François Boisrond, Sébastien Bayet

Art to be gallery
Art Partis, art Fair
29 au 31 mars 2017
Grand Palais Paris


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