Pionnière en matière d’adoption d’énergies renouvelables (solaire et vent), l’Europe est en train de perdre sa place en raison du son contexte économique et social. Son salut pourrait venir des pays de l’Est.
En Europe, l’année 2015 aura été marquée par les investissements les plus bas depuis 10 ans en matière de cleantech, ces technologies dites "propres" à portée écologique. Selon Bloomberg New Energy Finance, la faute en incombe à une gouvernance européenne qui essuie les dégâts des ralentissements économiques, du terrorisme ou encore des différents flux de population… Ce rapport entrevoit toutefois une éclaircie puisque l’Europe est toujours leader en matière de taux de pénétration des énergies renouvelables.
Le cas des pays d'Europe centrale et orientale est intéressant car, de par leur ambition et un marché cleantech prometteur, ceux-ci pourraient se révéler « salvateurs » et rendre ses armes à une Europe plus écologique, plus "clean". En amont du Seedstars Summit 2017 qui a lieu ce 6 avril à Lausanne et dont L'Atelier BNP Paribas est partenaire, Igor Ovcharenko, Regional Manager pour Seedstars World, a répondu à nos questions sur l’écosystème cleantech des pays d’Europe centrale et orientale, dont il est spécialiste.
L’Europe fut pionnière en matière d’adoption des technologies propres. Pensez-vous que c’est toujours le cas ?
Je pense que les talents émergent désormais de partout dans le monde. Mais les Etats-Unis et le Canada apparaissent comme des leaders depuis quelques années en raison de la taille de leurs marchés. Par contre, du point de vue des investissements, l’Asie est récemment devenue un acteur important pour les startups européennes. Cela est certainement motivé par le nombre de problèmes que l’Asie a encore à résoudre, comme sa pollution croissante, ou l'approvisionnement alimentaire d'une population aussi dense etc. Il faut toutefois relativiser : les pays d’Europe sont loin d’être en retard par rapport à d’autres pays du monde. Israël, la Finlande et la Suède font toujours partie des pays les plus innovants en termes de cleantech selon le Global Cleantech Innovation Index, rédigé en partenariat avec WWF.
Quels pays se démarquent par leur avance dans le domaine des cleantech en Europe centrale et Orientale ?
En raison d’un alignement rapide et très strict avec les régulations européennes et à quelques « success stories », l’Estonie et l’Ukraine sont pour moi les pays les plus en avance, technologiquement parlant, en Europe centrale et orientale. Parmi ces succès, on retrouve notamment les startups estoniennes Werrowool et Clifton AS, qui ont trouvé les moyens ces dernières années de se démarquer dans le domaine des matériaux innovants. La première a mis au point une laine d'isolation recyclée et recyclable à base de cellulose non-allergène, alors que la seconde a créé des semiconducteurs dont les composants limitent la surchauffe des appareils électroniques (même si depuis, cette dernière a fait faillite). L'Ukraine n'est pas en reste avec ses startups se concentrent plutôt sur la domotique. Par exemple, Ecoisme propose d'identifier dans la maison chacun des appareils électriques par leur signature énergétique et de contrôler ceux qui ont tendance à faire perdre de l'énergie. Plugmee, pour sa part, permet un contrôle à distance des différents appareils ménagers grâce à une application.
Enfin, je pense que le Kazakhstan est en avance mais plutôt du point de vue des mentalités. Il a en effet un soutien poussé de son gouvernement, impulsé directement par son président. Pour l'instant, cela n'a pas donné lieu à des résultats particuliers, mais la vision de l'industrie est claire et structurée sur ce qui doit être fait. Les investisseurs devront garder un oeil sur cette région.
Vous parlez de l'implication du gouvernement, qu'en est-il des autres pays ? Est-ce que l'implication y est aussi importante ou vient-elle plutôt du secteur privé ?
Cela dépend des pays. Comme je l'expliquais juste avant, le Kazakhstan a un écosystème startup épaulé par son gouvernement, mais le financement des startups en Russie passe par une organisation gouvernementale appelée Rusnano, dédiée à l'industrie technologique et plus particulièrement aux nanotechnologies. En Ukraine, c'est un incubateur privé, Greencubator, qui participe à la croissance de l'écosystème startup. Mais les financements viennent également des organisations internationales, comme la EBRD. En Estonie, il existe un fond de développement national pour les initiatives du secteur des cleantech alors qu'en Moldovie les startups s'appuient sur les subventions de l'Agence de développement international des Etats-Unis.
Quelles ont été pour vous les startups les plus passionnantes rencontrées lors d'événements Seedstars ?
J'ai été particulièrement impressionné par PassivDom, qui vient d'Ukraine. C'est une maison auto-suffisante créée grâce à l'impression 3D. Ce qui est intéressant, c'est qu'elle est connectée donc contrôlable grâce à une application dédiée. Elle est également mobile car ultra-légère, ce qui donne la possibilité de la bouger d'emplacement souvent et elle est alimentée par énergie solaire, permettant un taux d'émission carbone à 0%.
Deux autres startups se concentrant sur l'économie d'énergie m'ont également frappé. Tout d'abord, Energy Solaris de Moldavie, qui développe un système de ventilation et de chauffage à partir d'énergie solaire et du vent extérieur. Le but de l'équipe en charge de la startup est de combattre le réchauffement climatique en créant des microclimat à l'intérieur des bâtiments. La dernière startup, Diodey (Kazakhstan), se concentre quant à elle sur la démocratisation des LED comme lumière d'intérieur. Celles imaginées par l'entreprise peuvent être contrôlées via smartphone, permettant d'économiser jusqu'à 80% des coûts en électricité de son utilisateur.