Dès l'incipit du dernier recueil de Marie-Claire Bancquart s'énonce une forme de non-pari contenant, en raison du poids de l'anankè, la douleur et la mort en partage. Bien que la souffrance soit fondatrice dans la vie et l'œuvre de la poète, le corps est, malgré tout, le guide et, le soleil étant un « choc », il y a une « chasse royale au bonheur » avec, comme adjuvants, le monde animal et le monde végétal.
Pour honorer cette vie, trois lignes de prose interrompent les vers libres. Puis les strophes reprennent, plus ou moins longues et aux mètres variés, de l'alexandrin au mot d'une syllabe.
À la fin du premier volet, un texte de deux tercets formule, dans un certain lyrisme, mais là encore sans aucune emphase, une injonction à l'amour. Pas d'emphase, oui, mais une musique cependant de ce Tracé du vivant dont la couverture reproduit la première page de la partition par laquelle Alain Bancquart, le mari de l'auteure, a honoré son travail.
Ainsi cette première partie s'achève-t-elle par « la musique des pierres », le corps en fusion avec l'univers et la pudeur du geste amoureux. « Ce fut. Très fortement. »
La suivante, comme un cri, mot annoncé par son titre – « Le cri peut être tendre, aussi » -, s'ouvre, au nom de la peur du verbe par une question inquiète : « et tu crois pouvoir écrire une pastorale ? ». Puis, par magie, débute un récit. La ville, un matin, et ce « vieil homme (qui) marche dans le jardin ». La vie donc comme cette graine qu'il faut ramasser. Moment de paix avant même la mitan du recueil. En effet « les signe s'inversent » grâce à « l'énergie ». L'identité est également retrouvée et, avec elle, les sensations :
le monde tout entier
restera peut-être ocre clair, été sucré, abeille.
« En célébration du vivant », le titre du troisième volet, témoigne, sinon d'une renaissance, du moins d'un nouveau point de vue énoncé d'une écriture plus alerte :
le bras du mort se lève encore
et
donne le départ à l'orchestre. Connue, la ritournelle !
C'est alors la douceur de certaines images végétales : « Laitance d'arbres, aisselles des feuilles. » Et plus loin : « Même l'extrémité des branches / aurait été une patrie. »
Voici venir, enfin, pour la poète-narratrice, la rédemption:
Un mot
devenu
soleil et lieu.
avec l'évocation des dieux et de la ville qui vit. Malgré la boucle du mot palindrome non il faut écrire sans savoir à qui, sans savoir où et garder « trace du vivant ».
Sont évoqués ensuite l'éloge du silence et l'éternel « plumé » par le moindre geste.
Le dernier volet commence par faire revivre les « vieux visages » avant que ne se posent d'autres questions, insolubles cette fois :
– Quoi
ne reçoit pas réponse
sinon sa question même.
quand le corps pose encore problème à celle qui ne sera jamais « l'aventurière définitive ».
Mais, jusqu'à la toute fin de l'opus, avec « la lumière (qui) fait émeute quelquefois dans le ciel » et grâce à la variété harmonieuse du mètre, le rythme - celui des « variantes solaires » - et la musique du texte apportent joie et espoir au lecteur emporté par « cet élan des choses d'ombre ».
France Burghelle Rey
Marie-Claire Bancquart, Tracé du vivant, Arfuyen, 2016, 96 p., 11€