Citoyen ! 2 articles m’ont coup sur coup amené à réfléchir sur l’évolution des modèles de distribution et partant de la satisfaction de besoins primaires dans notre société.
D’abord en lisant un article de Sophie Péters et Antoine Boudet dans les Echos ce matin :
“L’hypermarché est-il atteint de maladie mortelle ? En publiant pour la première fois de son histoire des chiffres de décroissance de la consommation dans les grandes surfaces (…) Le budget transport et fioul constitue désormais le deuxième poste de dépense des ménages après le logement. Des prix à la consommation ensuite, dont la hausse de 3,3 % sur un an ramène au record de juillet 1991. L’alimentation, à elle seule, a fait un bond de 5,7 % le mois dernier par rapport à mai 2007. Second élément à prendre en compte : celui que l’expert nomme « le syndrome «Bienvenue chez les Ch’tis» », soit la volonté de retrouver du lien social dans un commerce de proximité (…) “
L’autre information a été lue dans Courrier International, “vers le retour en grâce des produits locaux” :
“Ce phénomène devrait particulièrement affecter la chaîne logistique et les systèmes d’externalisation de l’industrie. A la fin des années 1990, les entreprises américaines ont délocalisé, du Mexique vers la Chine, un grand nombre d’usines recourant à une importante main-d’œuvre. La faiblesse du prix du transport incitait alors à choisir un pays en fonction du coût de sa main-d’œuvre. Mais, avec le renchérissement du fret, le Mexique pourrait voir revenir une partie des sites d’assemblage et de fabrication. Personne ne s’attend à un retour aux Etats-Unis des entreprises qui ont délocalisé leur production vers des pays à bas salaires. Mais la tendance à se rapprocher du marché devrait se renforcer. Les réseaux de production régionaux devraient monter en puissance. Le choc pétrolier devrait également favoriser l’efficience énergétique et l’automatisation de la fabrication locale. L’impact sur ce que nous mangeons pourrait être encore plus considérable.”
3 enseignements :
- Sur le budget d’un ménage, il y a désormais une balance entre coût d’accès aux besoins primaires (se nourrir, faire ses courses quoi !) et les besoins primaires eux-mêmes
- A cause de cette hausse du coût des transports, ce n’est pas seulement la demande mais aussi l’offre qui se rapproche de ses “besoins”, à savoir ses fournisseurs, ses clients etc.
- psychologiquement, quand on a peur, on se retourne vers des valeurs “sûres” ou tout du moins connues, comme la famille, et partant le “local”
De quoi donner du grain à moudre à ma chère équation du risque dans la modernité liquide : en situation de tension, on essaie de hiérarchiser les priorités et de s’entourer donc des problèmes urgents à régler, sans être vraiment capable de s’extraire et d’aller chercher des éléments secondaires. Aie ! Je vois déjà les sociologues me traiter d’analyste de comptoir (d’ailleurs, ça vous ferait du bien d’aller trainer de nouveau dans les PMU bande de mollusques pardon) . Le développement du web était sensé nous faire oublier les 4P : le monde est plat… On s’échange le produit de Shangaï à Damas, d’Alger à Stockholm…certes certes…mais il n’en reste pas moins que toutes ces marchandises doivent à moment donné passer par des conteneurs pour ne pas n’être que des transactions isolées.
Mon pari (et oui je suis toujours au PMU, j’adore) : le développement consolidé du web de…proximité ! Agoravox en parlait ici et c’est signé Christian Bensi :
“Quel est l’avantage de la proximité alors que nous sommes sur Internet ? Ces sites permettent un premier contact par le Web, une prise de contact sans risque, mais qui peut se poursuivre dans la vraie vie, d’autant plus facilement que la logique est ici la proximité. C’est sur une carte, lors de l’inscription que l’on repère les autres membres inscrits et qui habitent les rues adjacentes. Des rencontres et des évènements ont lieu toutes l’année. Peuplade parle de cinq cents rendez-vous par mois. Ces sites proposent aux internautes d’échanger des services. Tous les prétextes sont bons pour favoriser des rencontres et des activités en commun. Des actions de solidarité sont même proposées.”
On parlait en 2007 d’une transaction étonnante : l’amour ! mais c’est déjà finalement déjà le cas en France dans de multiples autres domaines vu la multiplication des rencontres réelles entre blogueurs, entre marques et consommateurs, entre consommateurs et consommateurs.
Et force est de constater que ce n’est justement pas parce qu’on s’envoie en l’air, parce qu’on doit prendre un avion pour aller à Jakarta, mais parce qu’on vient de découvrir une affinité avec son presque voisin ! Alors pourquoi ça ne marcherait pas pour le commerce ?
Le prix qui s’élève à cause des transports permet paradoxalement de mettre en compétition des produits basiques avec des produits plus premium et locaux, qui du coup margent sur le faible coût induit pour sa livraison : on pense aux microproductions bio, mais pas que. Et on pense certes aux services, mais je suis convaincu que des applications pour les produits “durs” sont (déjà) en cours. Digitale lubie…
Je me mets à rêver d’un monde où on serait à la fois ancré dans le local, où se wizzerait entre voisins, où on se saluerait le matin avec un smiley un peu stupide mais choupinou, et intégré dans le global, où ce qui se passe au Darfour nous ferait sursauter (ou pas). Divagation, comme dirait Marion, divagation…
Une chose est sûre : le développement technologique n’omet donc pas la nécessaire intervention politique pour non seulement le réguler mais aussi pour, sans doute, le guider dans un souci de meilleure gestion / anticipation des risques. Pour conclure, je cite Ulrich Beck dans La Société du Risque :
“la politique devient une agence de publicité financées par les fonds publics, qui vante les qualités d’une évolution qu’elle ne connaît pas et à laquelle elle ne participe pas activement”
J’espère un sursaut. Tout lien avec la semaine écoulée serait purement fortuit.
