Pour conclure cette rencontre à la Maison de la Poésie, Erri de Luca revient à la Méditerranée, Mare Nostrum, notre mer. Il nous dit que chaque exilé sur un bateau est l’un de nous. Que nous sommes ces exilés. Que ces visages sont nos visages. Et il nous dit ce texte en italien, puis en français.
Mare nostro che non sei nei cieli
e abbracci i confini dell'isola e del mondo,
sia benedetto il tuo sale,
sia benedetto il tuo fondale.
Accogli le gremite imbarcazioni
senza una strada sopra le tue onde,
i pescatori usciti nella notte,
le loro reti tra le tue creature,
che tornano al mattino con la pesca
dei naufraghi salvati.
Mare nostro che non sei nei cieli,
all'alba sei colore del frumento,
al tramonto dell'uva e di vendemmia,
ti abbiamo seminato di annegati
più di qualunque età delle tempeste.
Mare nostro che non sei nei cieli,
tu sei più giusto della terraferma
pure quando sollevi onde a muraglia
poi le abbassi a tappeto.
Custodisci le vite, le visite cadute
come foglie sul viale,
fai da autunno per loro,
da carezza, da abbraccio e bacio in fronte
di madre e padre prima di partire.
Notre mer qui n'es pas aux cieux
Et qui embrasses les confins de l'île et du monde,
béni soit ton sel,
bénis soient tes fonds.
Accueille les navires surbondés
Sans une route sur tes vagues
les pêcheurs sortis la nuit,
leurs filets parmi tes créatures,
qui reviennent le matin avec la pêche
des naufragés sauvés.
Notre mer qui n'es pas aux cieux,
à l'aube tu as la couleur du blé
au couchant du raisin de la vendange.
Nous t'avons semée de noyés plus
que tout autre âge de tempêtes.
Notre mer qui n'es pas aux cieux,
tu es plus juste que la terre ferme
quand même tu élèves des vagues-murailles
puis les abaisses en tapis.
Garde les vies, les visites tombées
comme des feuilles dans l'allée,
sois pour elles un automne,
une caresse, une étreinte, un baiser sur le front
de la mère et du père avant le départ.
(La photo ci-dessus vient de la Fondation Erri de Luca)